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dimanche 12 février 2012

Nouveaux éléments dans l'affaire des 5 cadavres d'Al Hoceima...


Par Zineb El Rhazaoui, Vox Maroc, 11/2/2012


les cinq cadavres
Que s'est-il vraiment passé à Al Hoceima (Nord) le 20 février 2011? Le lendemain, les Marocains ont découvert avec effroi cette terrible image de 5 corps calcinés dans une agence incendiée de la Banque Populaire du Maroc. Une conférence de presse du Ministre de l'Intérieur sortant Taïeb Chekaoui, au lendemain des manifestations pacifiques du 20 février 2011, a fait état du bilan officiel de cette première journée de protestation. Dans la foulée, le ministère de l'Intérieur a livré sa version sur les 5 cadavres d'Al Hoceima, relayée par une dépêche de la très officielle agence Maghreb Arab Press (MAP). Il s'agirait selon lui de malfrats qui tentaient de dévaliser l'agence bancaire, qui ont été pris au piège d'un incendie criminel causé par les manifestants.

Dès le départ, cette thèse a été contestée par les familles des victimes et les défenseurs des Droits humains. Dans son blog, Samira Kinani, secrétaire-adjointe de l'AMDH (Association Marocaine des Droits de l'Homme)*, a rappelé que la nuit du 20 février, le procureur de la ville n'avait parlé que d'un seul mort, les 4 autres n'ayant été ajoutés au bilan de l'incendie que le lendemain. Elle rapporte également la version de la famille d'Imad, l'une des victimes, qui dispose de témoignages selon lesquels il aurait été aperçu sur le chemin du retour à la maison vers 22h, c'est-à-dire 2h après que l'incendie de la banque ne fut maitrisé par les forces de l'ordre.

A ce jour, le mystère des 5 cadavres d'Al Hoceima n'a jamais été élucidé, et l'enquête policière semble avoir été tuée ab ovo avec les déclarations du ministère de l'Intérieur.

Un an plus tard, de nouvelles pistes surgissent sur la toile, bien qu'elles ne soient encore qu'au stade de rumeurs. Une source policière de la ville d'Al Hoceima, ayant requis l'anonymat, a apporté un nouvel éclairage sur ce qui a pu se passer ce soir-là dans cette agence de la Banque Populaire. Selon ce témoin, les 5 victimes, toutes de sexe masculin, auraient été tuées "involontairement" par le forces de la répression. Entendre sous les coups, ou sous la torture. La hiérarchie policière de la ville qui s'est retrouvée avec 5 cadavres sur les bras en a référé au ministère de l'Intérieur, alors dirigé par Taïeb Cherkaoui, et a attendu les directives. Cherkaoui aurait consulté des proches du roi, en l'occurrence Fouad Ali El Himma (spécialiste ès Intérieur) et Ilias El Omari (spécialiste ès Nord), qui auraient échafaudé un plan de "maquillage" des assassinats en incendie.

Bien que cette thèse soit difficile à prouver en l'absence de preuves tangibles ou de témoignages à visage découvert, elle semble aller dans le sens des déclarations des familles des victimes. Appelée à reconnaître le cadavre de son fils à la morgue, la mère d'Imad a noté que son fils avait les pieds fracturés. Quant au père et à la sœur de Nabil, une autre victime, ils ont constaté que son crâne était fracturé, et que ses baskets et son maillot de sport n'étaient pas calcinés.

L'épouse de Jamal, elle, affirme que son époux n'a même pas participé aux manifestations, et qu'il n'est sorti de chez lui que pour aller voir un match du Barça au café avec ses deux frères et des amis. Après le match, il est allé acheter du pain, et n'est jamais revenu. Lorsqu'elle a enfin pu voir son cadavre, il saignait encore. Quant à Jawad, autre victime, sa famille dit que le cadavre calciné qui lui a été présenté n'est pas le sien, car Jawad avait toutes ses dents, et pas le cadavre.

Par ailleurs, le procureur de la ville a refusé de livrer aux famille les documents de l'autopsie, et lorsqu'elles ont demandé à visionner l'enregistrement des caméras de surveillance de la banque, il leur a rétorqué qu'elles pouvaient être poursuivies pour le vol des 2 Milliards** s'il s'avérait que ce sont bien les leurs qui l'ont commis. Cette menace du procureur, rapportée par les familles, n'a évidemment pour but que de les intimider et de les dissuader de réclamer l'enregistrement, car il n'est même pas dans les usages bancaires que les coffres d'une agence puissent contenir une telle somme.

*Publié à l'époque par solidmar (ndlr)

** 20 millions de dirhams : à peu près 2 millions d'euros
http://voxmaroc.blog.lemonde.fr/2012/02/11/nouveaux-elements-dans-laffaire-des-5-cadavres-dal-hoceima/

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