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dimanche 29 janvier 2012

Emotion et colère après la mort d'un jeune immolé au Maroc

Par Ilhem Rachidi, Journaliste, Rue89, 27/1/2012


La tentative d'immolation des jeunes diplômés chômeurs à Rabat

(De Rabat) Il avait 27 ans. Il était diplômé, et chômeur. Abdelwahab Zeidoun, l'un des deux jeunes Marocains qui se sont immolés lors d'une manifestation la semaine dernière à Rabat, est mort mardi des suites de ses blessures.

Le 18 janvier, trois diplômés chômeurs (Abdelwahab Zeidoun, Omar Akaoui et Mahmoud El Haouas, tous trois titulaires de masters) qui revendiquent une intégration dans la fonction publique, se sont aspergés d'essence devant une annexe du ministère de l'Education nationale. Deux d'entre eux (dont Zeidoun) ont été grièvement brûlés. Mahmoud El Haouas est toujours en soins intensifs.

Une centaine de diplômés chômeurs exclus des listes d'un accord conclu avec le précédent gouvernement en juillet dernier occupaient le bâtiment depuis le 5 janvier. Avant le drame, les forces de l'ordre les encerclaient et bloquaient leur ravitaillement en nourriture et en médicaments.


Des coups parce qu'il récupérait du pain
 Alors qu'une manifestation de soutien se déroulait, les trois hommes ont versé de l'essence sur leurs vêtements et ont menacé de s'immoler par le feu si on ne les laissait pas accéder à la nourriture de l'autre côté du cordon sécuritaire.

C'est en voulant récupérer du pain, déposé par des soutiens, et après les coups des forces de l'ordre, que l'un d'entre eux se serait soudainement enflammé. C'est à ce moment-là que, d'après plusieurs militants et témoins, Zeidoun a voulu secourir son ami, oubliant – peut-être – qu'il s'était aspergé d'essence.

« Dans le cas présent, il ne s'agit pas d'un suicide. Les diplômés chômeurs étaient dans un sit-in ouvert. […] Dans la bousculade, l'un d'entre eux à pris feu et, les autres, dans un réflexe pour secourir leur camarade, ont également pris feu en oubliant qu'ils étaient aussi imbibés d'essence », affirme Abdullah Abaakil, militant du Mouvement 20 Février.

D'après le site Mamfakinch, aussi, c'est bien ce qui s'est passé., aussi, c'est bien ce qui s'est passé.
Mercredi, plusieurs centaines de diplômés chômeurs, rassemblés devant le Parlement et ensuite le lieu du drame, ont demandé l'ouverture d'une enquête sur le décès de Zeidoun.

« Ce mépris conduit à ces drames »
Quelques heures après l'annonce de la mort de Zeidoun, le Mouvement 20 Février observait un sit-in devant le bâtiment. Pour ses militants, Zeidoun est un martyre.
« Zeidoun mat ma9toul al nidam houa al mas'oul ! » (Zeidoun a été tué, c'est le système qui est responsable ! )
Lors de la manifestation, ils ont aussi rendu hommage à Kamal Amari (mort le 2 juin, suite à des violences policières, d'après le Mouvement) et à Fadoua Laroui, la « Bouazizi marocaine », une jeune femme de 25 ans qui s'est immolée par le feu le 21 février dernier, après le refus des autorités de lui accorder un logement social parce qu'elle était mère célibataire.

Manifestation après la mort du jeune immolé
Selon Yassine Bazzaz, un militant du Mouvement 20 février, l’État marocain est responsable de la mort de Zeidoun.
« C'est vraiment désolant de voir des jeunes de ce pays s'immoler par le feu et perdre tout espoir de vivre dignement dans leur pays malgré tous les efforts qu'ils ont fait pour avoir les diplômes qui leur permettront d'accéder à l'emploi.
L’État marocain est bien évidement responsable parce que la Constitution garantie le droit au travail. Mais dans la pratique c'est autre chose, la politique de l'emploi se base essentiellement sur le clientélisme. »

Abdullah Abaakil partage un point de vue similaire :
« Je suis touché et, comme l'ensemble du Mouvement, je me sens particulièrement concerné. Nous avons là un exemple de ce à quoi le refus d'écouter le mouvement social par ce régime autoritaire peut mener et, comme nous le craignions, ce mépris conduit à ces drames.
La nécessaire remise en cause profonde à laquelle le Mouvement du 20 Février appelle reste d'actualité si nous souhaitons que cela s'arrête et que notre pays et ses citoyens repartent sur de bonnes bases. »

Face au récent durcissement du mouvement des diplômés chômeurs, les réactions au sein du nouveau gouvernement ont été prudentes.

« C'est un incident regrettable et douloureux que nous ne souhaitons à aucun jeune », a déclaré à l'AFP le nouveau ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, Mustapha Khelfi, à la suite de l'annonce du décès de Zeidoun.
« Le gouvernement veut trouver une solution pratique à ce problème dans le cadre d'un dialogue constructif. »
Dès sa nomination, le Premier ministre Abdelilah Benkirane s'était dit prêt à rencontrer les diplômés chômeurs et à écouter leurs revendications.

Radicalisation du mouvement

Manifestation en hommage à une jeune immolée,
le 8 mars 2011 à Rabat (Ilhem Rachidi)

Les diplômés chômeurs manifestent à travers le Maroc depuis des années de façon quasi quotidienne pour obtenir un emploi dans la fonction publique, dans l'indifférence quasi générale.

Selon l'agence marocaine de l'emploi, 27% des diplômés sont au chômage, et plus de 30% des moins de 34 ans sont sans emploi.

Ces dernières semaines, leur mouvement est monté en puissance et a multiplié les manifestations.

Fin décembre, les diplômés chômeurs marchaient vers les locaux du PJD (Parti Justice et développement), qui a remporté les dernières élections législatives.

Le 4 janvier, à Taza, des accrochages entre des diplômés chômeurs qui tenaient un sit-in devant le siège de la province et les forces de l'ordre faisaient une vingtaine de blessés dans les deux camps.

Plus inquiétant, vendredi dernier, 70 chômeurs menaçaient de commettre un suicide collectif s'ils n'étaient pas recrutés par l'OCP (Office chérifien des phosphates) dans la région de Benguerir, l'une des plus pauvres du pays.

Mardi, Abderrahim Bougrini, un retraité, est mort après s'être immolé par le feu dans le tribunal de première instance de Kelaa Sraghna, dans la région de Marrakech.

L'immolation, « bien un acte politique »

Pour Mehdi Bouchoua, militant, ces immolations, qui interviennent dans un contexte différent de celui du suicide de Bouazizi l'an dernier, et qui ne génèrent pas de « rage » chez les citoyens marocains, sont un phénomène social encore méconnu, complexe, qui exprime plutôt des revendications économiques.
Mais d'après Abaakil, l'immolation est bel et bien devenue un acte politique.

« Il s'agit bien d'un acte politique. […] C'est un acte désespéré, que le Mouvement comprend mais n'encourage pas, fidèle à son militantisme pour la vie de ses concitoyens, et non la mort. »

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