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Ceci
est le témoignage de Habib (son nom a été modifié), recueilli par des
membres de l’Observatoire de l’état d’urgence. Nous le publions avec son
accord, après relecture.
Mercredi 18 novembre à 4h du matin, Habib1 est chez lui et entend « un gros boum ». Il pense immédiatement à la police "qui vient pour lui" : il a une librairie islamique.
Il a une double porte d’entrée. La police a fait sauter la première porte à l’explosif. Il se lève alors en leur criant « c’est bon, c’est bon, j’ouvre la porte » et leur ouvre la deuxième porte. Étant au courant des perquisitions qui ont déjà eu lieu, et « qu’ils ont amoché des personnes, qu’ils les ont déshabillées puis frappées », il n’a pas envie de subir le même sort. Après avoir ouvert la porte, il s’allonge au sol avec les mains sur la tête, « comme dans les films américains ».
Les policiers de la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) sont alors arrivés nombreux sur lui et ont commencé à le frapper en enchaînant les coups de pieds et poings. Il s’en sortira avec les côtes fêlées, une blessure au pied, la lèvre ouverte, le nez déplacé, des bleus plein le corps (son avocat a pris une photo et ses blessures ont été relevées par un médecin). « C’était interminable ».
« Ce n’est qu’une fois que j’étais bien amoché et que je ne pouvais plus bouger, que d’autres policiers sont entrés ». Ils ont commencé à fouiller, avec un premier chien. Il leur demande pourquoi ils viennent, « j’ai fait quoi ? », à travers sa bouche amochée. « Ils ont tout retourné chez moi ».
Plusieurs fouilles de l’appartement ont lieu : l’antiterrorisme, qui cherche des armes, et qui ne trouve que les billes du pistolet à billes de son fils (« Je remercie Dieu que ce pistolet à bille a été cassé et que je l’avais jeté à la poubelle »). Les policiers lui crient alors, en lui montrant les billes : « C’est quoi ça ! Qu’est-ce que vous faites avec ça ? ». Il leur répond qu’il n’en sait rien : « qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec des billes ? ».
La brigade des stups prend le relais avec un autre chien. Dans un meuble du salon, ils trouvent un sachet d’une poudre blanche. Ne sachant pas ce que c’est, Habib s’imagine alors que n’ayant rien trouvé pour le faire plonger, les policiers ont glissé un sac de cocaïne dans l’appartement. Il leur dit qu’il ne sait pas ce que c’est. Les policiers crient alors « c’est bon les gars, on a trouvé ! ». « Ils en pouvaient plus, comme si "ils avaient touché le jackpot ». Après des analyses, il s’avérera qu’il s’agit en fait d’un produit, « qu’utilisent beaucoup les maghrébins » pour faire briller « l’argenterie, les plateaux, les couverts, etc » (Peut-être du "Blanc de meudon" ou du bicarbonate de soude).
Un troisième chien est ensuite amené. Lors de cette troisième fouille, « ils ont trouvé de l’argent ». Nouvel emballement des policiers « c’est bon les gars, on a trouvé ! ». Habib leur dit que c’est normal, puisqu’il est commerçant. Il leur fait remarquer que l’argent n’était pas caché : ils ont trouvé 3000 euros en liquide dans le tiroir d’un meuble du salon, dans une pochette qui contenait aussi des chèques issus de son activité commerciale. Il leur demande de bien stipuler que l’argent a été trouvé dans une enveloppe pour la banque. Ils ont aussi trouvé 2000 euros dans les vêtements de sa femme, issu de la vente d’une ceinture traditionnelle marocaine (Mdama) achetée par sa famille, « un truc du bled ».
A 6h du matin, les policiers emmènent Habib pour perquisitionner son magasin. Il leur donne les clés pour qu’ils ouvrent, mais ils préfèrent défoncer la porte. A l’intérieur, les fonctionnaires tombent sur un mannequin (le magasin vend surtout des livres et des vêtements). Habib, dehors dans une voiture, entend crier les policiers « couché ! J’ai dit couché ! », « comme si le mannequin allait se coucher ! ». « Ils ont tiré sur le mannequin », au flashball, lui arrachant un bras. « Ils ont aussi balancé une bombe lacrymogène ». Le magasin est vide : il est 6h du matin...
« C’était n’importe-quoi ! C’était la folie, vraiment, j’ai rien compris ».
Habib est ensuite ensuite amené au commissariat pour trois gardes-à-vue. L’antiterrorisme, puis la brigade des stups, lèvent rapidement les deux premières gardes-à-vue, en lui signifiant qu’il n’ont rien à lui reprocher. La troisième garde-à-vue avec la brigade financière dure plus longtemps, durant laquelle Habib doit s’expliquer sur l’argent liquide saisi par les policiers. Une autre perquisition est menée dans l’après-midi, au cours de laquelle les policiers ont encore « tout retourné », mais en emmenant cette fois « les ordinateurs, les portables, les tablettes des enfants, le téléphone de [sa] femme ».
La police ne lui a toujours pas rendu son argent, lors de l’entretien enregistré le 02/12 [ni lors de la publication de ce témoignage, le 17/12/2015]. Deux jours avant, ils lui ont rendu uniquement le matériel pour lequel il avait une facture.
« Mon téléphone qui a cinq ans, j’ai plus la facture, donc ils l’ont gardé. Tous les dégâts sur les portes sont à ma charge. Rien n’est indemnisé. C’est la galère. »
« Les voisins sont un peu traumatisés. Quand j’ai croisé ma voisine en voiture, le lendemain, elle était tétanisée. Je lui ai fait signe de passer. Mais elle était choqué du genre "comment que ça se fait qu’il est dehors ce terroriste ?". Elle a reculé pour me laisser passer, vraiment tétanisée, et elle est tombée dans le buisson ! Elle, c’était la cerise sur le gâteau. J’ai vu d’autres voisins qui ont eu le même type de réactions. ». Habib reçoit surtout du soutien de la part de sa famille.
« J’ai vu un des chefs de l’antiterrorisme qui a dit à la BRI "Non mais désolé les gars, j’vous demande pardon, je suis vraiment désolé", dire qu’ils ont fait une bourde, comme ils ont fait à tout le monde, d’ailleurs. » Mais pour Habib, pas d’excuses, malgré les coups et les dégâts.
Plusieurs personnes qui ont été perquisitionnées se sont vues et elles ont échangé sur ce qu’il leur était arrivé. Plusieurs ont aussi pris des coups. « Y’a des personnes qui sont allées voir des avocats, comme celui qu’on a déshabillé, qu’on a lynché et éclaté (à la Reynerie). Il est parti voir un avocat pour voir ce qu’il pouvait faire, un avocat renommé, qui lui a demandé plus de 3000 euros pour ouvrir le dossier. Il lui a dit qu’il allait perdre son temps, qu’il allait rien gagner. Avec l’état d’urgence, ils ont tous les droits, ils font ce qu’ils veulent ! »
Il a une double porte d’entrée. La police a fait sauter la première porte à l’explosif. Il se lève alors en leur criant « c’est bon, c’est bon, j’ouvre la porte » et leur ouvre la deuxième porte. Étant au courant des perquisitions qui ont déjà eu lieu, et « qu’ils ont amoché des personnes, qu’ils les ont déshabillées puis frappées », il n’a pas envie de subir le même sort. Après avoir ouvert la porte, il s’allonge au sol avec les mains sur la tête, « comme dans les films américains ».
Les policiers de la BRI (Brigade de recherche et d’intervention) sont alors arrivés nombreux sur lui et ont commencé à le frapper en enchaînant les coups de pieds et poings. Il s’en sortira avec les côtes fêlées, une blessure au pied, la lèvre ouverte, le nez déplacé, des bleus plein le corps (son avocat a pris une photo et ses blessures ont été relevées par un médecin). « C’était interminable ».
« Il y en a un qui a pris des objets qu’il y avait autour, des petits vases, des trucs comme ça, et il me les a jetés dessus. »Lui qui a déjà pratiqué des sports de combats, Habib dit n’avoir « jamais autant mangé de coups ». « C’était terrible, je ne souhaite à personne ce qui m’est arrivé ».
« Ils ont tout retourné chez moi ».
Après l’avoir frappé, les policiers le menottent. Il s’aperçoit qu’il y a alors une grosse flaque de sang sur le sol. Ils ont ensuite cassé l’écran plasma. « Après m’avoir défoncé, je crois qu’ils ont eu peur que la télé ait un système pour enregistrer ».« Ce n’est qu’une fois que j’étais bien amoché et que je ne pouvais plus bouger, que d’autres policiers sont entrés ». Ils ont commencé à fouiller, avec un premier chien. Il leur demande pourquoi ils viennent, « j’ai fait quoi ? », à travers sa bouche amochée. « Ils ont tout retourné chez moi ».
Plusieurs fouilles de l’appartement ont lieu : l’antiterrorisme, qui cherche des armes, et qui ne trouve que les billes du pistolet à billes de son fils (« Je remercie Dieu que ce pistolet à bille a été cassé et que je l’avais jeté à la poubelle »). Les policiers lui crient alors, en lui montrant les billes : « C’est quoi ça ! Qu’est-ce que vous faites avec ça ? ». Il leur répond qu’il n’en sait rien : « qu’est-ce que vous voulez que je fasse avec des billes ? ».
La brigade des stups prend le relais avec un autre chien. Dans un meuble du salon, ils trouvent un sachet d’une poudre blanche. Ne sachant pas ce que c’est, Habib s’imagine alors que n’ayant rien trouvé pour le faire plonger, les policiers ont glissé un sac de cocaïne dans l’appartement. Il leur dit qu’il ne sait pas ce que c’est. Les policiers crient alors « c’est bon les gars, on a trouvé ! ». « Ils en pouvaient plus, comme si "ils avaient touché le jackpot ». Après des analyses, il s’avérera qu’il s’agit en fait d’un produit, « qu’utilisent beaucoup les maghrébins » pour faire briller « l’argenterie, les plateaux, les couverts, etc » (Peut-être du "Blanc de meudon" ou du bicarbonate de soude).
Un troisième chien est ensuite amené. Lors de cette troisième fouille, « ils ont trouvé de l’argent ». Nouvel emballement des policiers « c’est bon les gars, on a trouvé ! ». Habib leur dit que c’est normal, puisqu’il est commerçant. Il leur fait remarquer que l’argent n’était pas caché : ils ont trouvé 3000 euros en liquide dans le tiroir d’un meuble du salon, dans une pochette qui contenait aussi des chèques issus de son activité commerciale. Il leur demande de bien stipuler que l’argent a été trouvé dans une enveloppe pour la banque. Ils ont aussi trouvé 2000 euros dans les vêtements de sa femme, issu de la vente d’une ceinture traditionnelle marocaine (Mdama) achetée par sa famille, « un truc du bled ».
A 6h du matin, les policiers emmènent Habib pour perquisitionner son magasin. Il leur donne les clés pour qu’ils ouvrent, mais ils préfèrent défoncer la porte. A l’intérieur, les fonctionnaires tombent sur un mannequin (le magasin vend surtout des livres et des vêtements). Habib, dehors dans une voiture, entend crier les policiers « couché ! J’ai dit couché ! », « comme si le mannequin allait se coucher ! ». « Ils ont tiré sur le mannequin », au flashball, lui arrachant un bras. « Ils ont aussi balancé une bombe lacrymogène ». Le magasin est vide : il est 6h du matin...
« C’était n’importe-quoi ! C’était la folie, vraiment, j’ai rien compris ».
Habib est ensuite ensuite amené au commissariat pour trois gardes-à-vue. L’antiterrorisme, puis la brigade des stups, lèvent rapidement les deux premières gardes-à-vue, en lui signifiant qu’il n’ont rien à lui reprocher. La troisième garde-à-vue avec la brigade financière dure plus longtemps, durant laquelle Habib doit s’expliquer sur l’argent liquide saisi par les policiers. Une autre perquisition est menée dans l’après-midi, au cours de laquelle les policiers ont encore « tout retourné », mais en emmenant cette fois « les ordinateurs, les portables, les tablettes des enfants, le téléphone de [sa] femme ».
La police ne lui a toujours pas rendu son argent, lors de l’entretien enregistré le 02/12 [ni lors de la publication de ce témoignage, le 17/12/2015]. Deux jours avant, ils lui ont rendu uniquement le matériel pour lequel il avait une facture.
« Mon téléphone qui a cinq ans, j’ai plus la facture, donc ils l’ont gardé. Tous les dégâts sur les portes sont à ma charge. Rien n’est indemnisé. C’est la galère. »
Assigné à résidence pour tout l’état d’urgence
« Maintenant, je suis assigné à résidence, je dois aller signer au commissariat trois fois par jour. Je vis à Colomiers et je dois aller signer au centre-ville de Toulouse. Je vous raconte pas la galère ! A chaque fois j’en ai pour une heure (en voiture). Quand il y a des bouchons j’en ai pour deux heures de trajet à chaque pointage. L’assignation que j’ai reçu ainsi que les autres personnes est précisé durer "pendant l’état d’urgence", sans durée précise » et pourrait donc durer autant que l’état d’urgence sera prolongé...« Les voisins sont un peu traumatisés. Quand j’ai croisé ma voisine en voiture, le lendemain, elle était tétanisée. Je lui ai fait signe de passer. Mais elle était choqué du genre "comment que ça se fait qu’il est dehors ce terroriste ?". Elle a reculé pour me laisser passer, vraiment tétanisée, et elle est tombée dans le buisson ! Elle, c’était la cerise sur le gâteau. J’ai vu d’autres voisins qui ont eu le même type de réactions. ». Habib reçoit surtout du soutien de la part de sa famille.
« Après je comprend qu’il y ait l’état d’urgence. Je comprend qu’ils viennent chez moi et qu’ils cherchent, je le conçois tout à fait. Mais il y a des façons de faire, c’est tout. »Sa femme est ses trois enfants étaient là, dans une autre pièce. Les policiers les ont interrogés sur place.
« Pour moi ils sont venus pour frapper de l’arabe, c’est tout. J’étais allongé par terre. J’ai ouvert la porte et je me suis allongé par terre, les mains sur la tête, j’ai rien cherché, je ne me suis pas rebellé. Je sais que c’est arrivé à beaucoup de monde ».
« J’ai vu un des chefs de l’antiterrorisme qui a dit à la BRI "Non mais désolé les gars, j’vous demande pardon, je suis vraiment désolé", dire qu’ils ont fait une bourde, comme ils ont fait à tout le monde, d’ailleurs. » Mais pour Habib, pas d’excuses, malgré les coups et les dégâts.
« J’y crois plus, à la démocratie »
« Je suis allé à l’hôpital, pour faire constater mes blessures. Mais je ne suis pas allé porter plainte, pour moi, c’est une perte d’argent. Déjà qu’il m’ont pris mon argent. »Plusieurs personnes qui ont été perquisitionnées se sont vues et elles ont échangé sur ce qu’il leur était arrivé. Plusieurs ont aussi pris des coups. « Y’a des personnes qui sont allées voir des avocats, comme celui qu’on a déshabillé, qu’on a lynché et éclaté (à la Reynerie). Il est parti voir un avocat pour voir ce qu’il pouvait faire, un avocat renommé, qui lui a demandé plus de 3000 euros pour ouvrir le dossier. Il lui a dit qu’il allait perdre son temps, qu’il allait rien gagner. Avec l’état d’urgence, ils ont tous les droits, ils font ce qu’ils veulent ! »
Propos recueillis le 02/12/2015 à Bagatelle par l’Observatoire de l’état d’urgence 31.
« Les policiers m’ont traité de tout. Il y avait aucune enquête. Ils m’ont posé des questions du genre : "est ce que tu es Charlie ? qu’est ce que tu penses du World Trade Center ?", pour essayer de me déstabiliser. J’ai rien à voir avec ça. En islam, il est interdit de tuer un innocent [...], c’est écrit dans le Coran. C’est interdit, c’est une âme, y’a rien de plus cher qu’une âme. Moi j’ai rien à voir avec les gens qui tuent des innocents ».
« On dirait qu’il y a que les grands philosophes qui ont le droit de parler, nous les musulmans, on dirait qu’on n'a pas le droit de parler. Moi j’ai rien contre personne hein, mais pourquoi je dois manifester alors que j’ai rien à voir avec ça ? J’ai pas vu les bouddhistes manifester pour dire qu’ils étaient contre ce qui s’est passé en Birmanie. »
« J’ai bien peur qu’il arrive aux musulmans ce qu’il est arrivé aux juifs à l’époque : on va se retrouver avec des étiquettes et on sera traité en fonction de cet estampillage. Je sais pas ce qui va se passer, mais c’est malheureux... »
« En ce moment, il y a aussi les contrôles pour les musulmans. Vu que je porte la barbe, j’essaye d’éviter de croiser la police, pour ne pas perdre une demi-heure. Et même si je me taille la barbe, ça arrangera pas non plus les choses, ils risquent de ce dire "celui-là, c’est peut-être un intégriste, il va peut-être passer à l’acte, il a quelque-chose à cacher", c’est comme l’histoire de l’aveugle qui s’est rasé la barbe, ce qui les a fait dire qu’il s’était radicalisé... »
« On parle de démocratie mais j’y crois plus, à la démocratie. Y’a plus de démocratie, on vient, on te défonce chez toi. Dans les cas comme ça je préfère habiter en Belgique, dans d’autres pays où ils sont plus soft, comme en Angleterre. Ici en France y a pas de démocratie. »
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