- 1 déc. 2015
- Par Les invités de Mediapart
Comme d'autres anonymes, Andréa Fichot, avocat au
Barreau de Paris, a bravé l'interdiction pour participer ce dimanche 29
novembre à la manifestation contre l'Etat d'urgence. Interpellé par les
forces de l'ordre, il raconte les événements place de la République et
ses 23 heures de garde à vue.
Je ne suis pas communiste,
je ne suis pas écologiste. Pourtant, échaudé par l'appel de Manuel
Valls aux députés afin qu'ils ne soulèvent pas l'inconstitutionnalité
manifeste de la loi sur l’État d'urgence, choqué par la facilité avec
laquelle la France compte s'affranchir de la Convention européenne des
droits de l'Homme, je me suis retrouvé place de la République, dimanche
29 novembre, aux côtés des militants du NPA pour manifester contre
l’État d'urgence.
J'ai assisté dans le cortège aux affrontements entre casseurs et forces de l'ordre; et je l'ai suivi quand il s'est désintéressé de ces scènes où policiers et jeunes cagoulés aiment à jouer à la guerre, pour continuer à faire entendre son principal slogan : « État d'urgence, État policier, on nous enlèvera pas notre droit de manifester ».
Je l'ai suivi jusqu'à cette souricière mise en place par les policiers qui, sans doute déçus d'avoir si peu interpellé de « black bloc », comme ils les appellent, ont trouvé en ce cortège pacifique et bien organisé, une cible facile, avec des vieux, des couples, des mères de famille, des militants qui ne se cagoulent pas, qui ne brûlent pas leur affaires pour se camoufler, et qui n'ont pas de sérum anti lacrymogènes.
Il est 15h45 quand nous sommes définitivement bloqués et que commence officiellement, comme nous l'apprendrons plus tard, notre garde à vue. Perchés sur une corniche surplombant le cortège qui s'est transformé en môle, deux policiers en civil se révèlent à leurs collègues et quittent nos rangs. Les interpellations commencent.
Les vieux militants conseillent aux manifestants du dimanche comme moi de former une chaîne bras dessus bras dessous pour ne pas faciliter le travail des policiers, sans toutefois opposer de résistance offensive.
Nous sommes environ 200 dans cette souricière avec paraît-il, Olivier Besancenot dans le lot. Je ne le vois pas. J'ai su plus tard qu'il faisait partie des derniers du groupe et que les policiers n'avaient pas osé l'interpeller. Notre nombre décroit assez vite à mesure que les forces de l'ordre extirpent sans ménagement un à un les manifestants. Puis la nuit tombe. Des manifestants sont reconduits dans le môle par les policiers. Plus de cars disponibles. Au bout de 3 heures dans le froid, la plupart d'entre nous sont volontaires pour être interpellés.
Nous sommes pour beaucoup conduits à Bobigny où nous sommes de nouveau parqués pendant plus de 3 heures dans le garage ouvert du commissariat, dans le froid, sans eau, sans nourriture, sans possibilité d'aller aux toilettes depuis plus de 6 heures, gardés par des membres de la BAC qui semblent presque nous en vouloir de ne pas être des « black bloc » mais des bobos parisiens qui n'avaient rien d'autre à faire de leur dimanche.
Je suis jeune avocat et conseille à la plupart de mes co-gardés à vue, de ne pas répondre aux questions des policiers et d'user poliment de leur droit au silence pour ne pas s'autoincriminer, même si je leur précise que le Parquet ayant l'air d'être particulièrement sur les dents, cela pourrait conduire à une prolongation de garde à vue au delà de 24 heures. Je tâche de rester mesuré dans mes conseils, n'étant au fond qu'un débutant.
A 22h45, soit plus de 7 heures après le début de ma privation de liberté, on me notifie mon placement en garde à vue, ce qui est une aberration de la procédure pénale. On nous expliquera ensuite que des circonstances insurmontables ont fait que l'on n'a pas pu nous notifier notre garde à vue, et donc nos droits avant cette heure tardive. C'est l'interprétation de la Préfecture de police et du Parquet, mais quand on est capable d'interpeller 200 personnes qui n'opposent aucune résistance, on est capable de leur notifier leur droit, de les nourrir et des les autoriser à faire leur besoin, état d'urgence ou pas.
Nous sommes tous poursuivis pour « attroupement non armé », c'est à dire qu'on nous reproche d'avoir violé l'interdiction de manifester édictée par la Préfecture de police. Le Parquet sait donc qu'il n'y a aucun casseur parmi nous. Il a quand même décidé de tous nous placer en garde à vue, probablement sur ordre du ministère de la Justice pour rassurer les Français en faisant du chiffre : « On a arrêté des gens ».
Après encore une heure d'attente, nous sommes dispatchés dans différents commissariats, tous menottés, quel que soit le sexe ou l'âge.
Je ne serai relâché pour ma part que 23 heures après le début de ma garde à vue, avec cinq autres participantes, dont une mère de famille et sa belle fille.
Après au mieux le désintérêt des grands médias suscités par ces événements, au pire l'amalgame opéré avec les casseurs, je tenais à témoigner pour rappeler aux Français cette vérité crue : Sur plus de 300 gardes à vues prononcées, à 16 heures le 30 novembre, seules 9 ont été prolongées. La veille, tandis que la plupart des « black bloc » s'évanouissaient dans la nature et qu'on s'émeuvait de bougies piétinées, des manifestants pacifistes, dont c'était l'honneur de défendre les libertés et droit fondamentaux en ces temps troublés, ont été réprimés puis mis aux arrêts pendant 24 heures par un gouvernement socialiste.
J'ai assisté dans le cortège aux affrontements entre casseurs et forces de l'ordre; et je l'ai suivi quand il s'est désintéressé de ces scènes où policiers et jeunes cagoulés aiment à jouer à la guerre, pour continuer à faire entendre son principal slogan : « État d'urgence, État policier, on nous enlèvera pas notre droit de manifester ».
Je l'ai suivi jusqu'à cette souricière mise en place par les policiers qui, sans doute déçus d'avoir si peu interpellé de « black bloc », comme ils les appellent, ont trouvé en ce cortège pacifique et bien organisé, une cible facile, avec des vieux, des couples, des mères de famille, des militants qui ne se cagoulent pas, qui ne brûlent pas leur affaires pour se camoufler, et qui n'ont pas de sérum anti lacrymogènes.
Il est 15h45 quand nous sommes définitivement bloqués et que commence officiellement, comme nous l'apprendrons plus tard, notre garde à vue. Perchés sur une corniche surplombant le cortège qui s'est transformé en môle, deux policiers en civil se révèlent à leurs collègues et quittent nos rangs. Les interpellations commencent.
Les vieux militants conseillent aux manifestants du dimanche comme moi de former une chaîne bras dessus bras dessous pour ne pas faciliter le travail des policiers, sans toutefois opposer de résistance offensive.
Nous sommes environ 200 dans cette souricière avec paraît-il, Olivier Besancenot dans le lot. Je ne le vois pas. J'ai su plus tard qu'il faisait partie des derniers du groupe et que les policiers n'avaient pas osé l'interpeller. Notre nombre décroit assez vite à mesure que les forces de l'ordre extirpent sans ménagement un à un les manifestants. Puis la nuit tombe. Des manifestants sont reconduits dans le môle par les policiers. Plus de cars disponibles. Au bout de 3 heures dans le froid, la plupart d'entre nous sont volontaires pour être interpellés.
Nous sommes pour beaucoup conduits à Bobigny où nous sommes de nouveau parqués pendant plus de 3 heures dans le garage ouvert du commissariat, dans le froid, sans eau, sans nourriture, sans possibilité d'aller aux toilettes depuis plus de 6 heures, gardés par des membres de la BAC qui semblent presque nous en vouloir de ne pas être des « black bloc » mais des bobos parisiens qui n'avaient rien d'autre à faire de leur dimanche.
Je suis jeune avocat et conseille à la plupart de mes co-gardés à vue, de ne pas répondre aux questions des policiers et d'user poliment de leur droit au silence pour ne pas s'autoincriminer, même si je leur précise que le Parquet ayant l'air d'être particulièrement sur les dents, cela pourrait conduire à une prolongation de garde à vue au delà de 24 heures. Je tâche de rester mesuré dans mes conseils, n'étant au fond qu'un débutant.
A 22h45, soit plus de 7 heures après le début de ma privation de liberté, on me notifie mon placement en garde à vue, ce qui est une aberration de la procédure pénale. On nous expliquera ensuite que des circonstances insurmontables ont fait que l'on n'a pas pu nous notifier notre garde à vue, et donc nos droits avant cette heure tardive. C'est l'interprétation de la Préfecture de police et du Parquet, mais quand on est capable d'interpeller 200 personnes qui n'opposent aucune résistance, on est capable de leur notifier leur droit, de les nourrir et des les autoriser à faire leur besoin, état d'urgence ou pas.
Nous sommes tous poursuivis pour « attroupement non armé », c'est à dire qu'on nous reproche d'avoir violé l'interdiction de manifester édictée par la Préfecture de police. Le Parquet sait donc qu'il n'y a aucun casseur parmi nous. Il a quand même décidé de tous nous placer en garde à vue, probablement sur ordre du ministère de la Justice pour rassurer les Français en faisant du chiffre : « On a arrêté des gens ».
Après encore une heure d'attente, nous sommes dispatchés dans différents commissariats, tous menottés, quel que soit le sexe ou l'âge.
Je ne serai relâché pour ma part que 23 heures après le début de ma garde à vue, avec cinq autres participantes, dont une mère de famille et sa belle fille.
Après au mieux le désintérêt des grands médias suscités par ces événements, au pire l'amalgame opéré avec les casseurs, je tenais à témoigner pour rappeler aux Français cette vérité crue : Sur plus de 300 gardes à vues prononcées, à 16 heures le 30 novembre, seules 9 ont été prolongées. La veille, tandis que la plupart des « black bloc » s'évanouissaient dans la nature et qu'on s'émeuvait de bougies piétinées, des manifestants pacifistes, dont c'était l'honneur de défendre les libertés et droit fondamentaux en ces temps troublés, ont été réprimés puis mis aux arrêts pendant 24 heures par un gouvernement socialiste.
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