LE PLUS. Manuel Valls versus Daniel Cohn-Bendit. C'était le duel du jour, ce mardi matin en direct sur Europe 1. L’ancienne figure des Verts au Parlement européen a invité le Premier ministre a renoncer au chantier de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes pour offrir un symbole concret et très français à la Cop21. En vain. Retour sur cette passe d'armes, avec notre chroniqueur Olivier Picard.
Édité par Sébastien Billard Auteur parrainé par Aude Baron
Ce fut plus qu’une turbulence dans la matinale d’Europe 1 "spéciale Manuel Valls". Un crash.
Au lendemain de l’ouverture de la COP21,
l’occasion était trop belle pour Daniel Cohn-Bendit, chroniqueur
maison, de placer le Premier ministre face à ses responsabilités sur le
dossier Notre-Dame-des-Landes : Manuel Valls n’avait-il pas répété, à plusieurs reprises,
la détermination du gouvernement à mener à bien le projet d’aéroport du
Grand Ouest (entre Nantes et Rennes) qui déchaîne la colère des
écologistes depuis des années ?
Des déclarations à la limite de la provocation au moment où le PS
tentait laborieusement de constituer des listes communes aux régionales
avec ses frères et sœurs ennemi(e)s d’EELV.
Le feu vert administratif donné le mois dernier aux
défricheuses chargées d’ouvrir une voie aux travaux a entraîné un
logique carton rouge des écologistes de la majorité, pour une fois
d’accord entre eux pour se rebeller contre l’incroyable obstination de
Matignon.
Dany "ne comprend pas" cet acharnement
Ce mardi matin, "Dany" est donc reparti bravement à l’assaut avec les
solides arguments contre "l’Ayraultport" (l’ancien Premier ministre
était son grand promoteur) qu’il ne cesse de répéter avec constance, et
depuis des mois, à l’oreille sourde du pouvoir.
Pourquoi s’accrocher à ce "Toutankhamon de l’aménagement du
territoire", imaginé au temps du plan des années 1970… pour faire voler
Concorde de Nantes à New York ? C’est de l’ordre de l’irrationnel. Dany
"ne comprend pas" cet acharnement anachronique.
Pourquoi déployer tant d’énergie politique pour un chantier qui va
ravager un espace naturel exceptionnel au nom d’une ambition de
développement aérien non seulement dépassée mais qui, aussi, défigure
les horizons du développement durable ? Pourquoi cette contradiction au
moment même où la France organise le plus grand rassemblement de
l’histoire pour l’avenir de la planète ?
Ce mardi matin, en direct, Cohn-Bendit, délibérément positif, a
proposé au Premier ministre de saisir l’occasion offerte par la COP21
pour renoncer solennellement à la funeste entreprise qui va,
immanquablement, ravager un milieu jusque-là préservé. Une porte ouverte
formidable pour faire entrer un peu de soleil réconfortant sur le gris
paysage du futur climatique.
Inflexible, Valls a fait du Valls
L’espace d’un instant, on a rêvé que le chef du gouvernement de la
France allait profiter de ce grand courant d’air frais et se libérer, à
la façon d’un personnage de Cabu, de toutes ses anciennes certitudes.
Qu’il allait se laisser emporter par le vent de l’audace. Qu’il
allait, enfin, retrouver un peu de légèreté dans cette atmosphère si
lourde, et faire une croix verte sur les ailes noires des avions
doublement carbonifères.
Mais non. Inflexible, Valls a fait du Valls. Il a tenté une
contre-offensive avec un argumentaire fatigué : l’aéroport de Nantes est
déjà saturé, urbain et il provoque une pollution sonore continue sur
toute l’agglomération nantaise. Pas faux, bien sûr, mais pas
convaincant : il faudrait, si on le comprend bien, régler des nuisances
environnementales urbaines au prix d’un désastre écologique rural.
Pour faire bonne figure, et dans la panique il a aussi avancé que les
"petits aéroports" bretons seraient fermés au profit d’un seul grand,
comme si c’était une bonne nouvelle : Quimper et Lorient, notamment,
vont apprécier...
Des airs de ministre de l’ère pompidolienne
La démonstration a donc explosé en vol en répandant des ondes
négatives immédiatement perceptibles à l’oreille. Dany a bien essayé,
jusqu’au bout, de sauver Manuel de ce piqué en vrille, en invoquant
l’efficacité, prouvée, de l’interconnexion TGV avec Paris et même la
solution démocratique : un référendum régional… En vain.
Le Premier ministre a jugé que le processus démocratique était déjà
largement suffisant… On aurait cru entendre un ministre de l’industrie
de l’ère pompidolienne. Que dire de plus, sinon qu’on est triste ?
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