De notre
bureau de Bruxelles, Aziouz Mokhtari, 14/12/2015
Face à une salle bourrée de journalistes, Gilles Devers, barreau de Lyon, principal avocat du Polisario auprès de la Cour européenne de justice, explique, en détails, pourquoi l’arrêt des juges du Luxembourg ne permet plus aucune tergiversation par l’Union européenne. Les magistrats européens renvoient Rabat et Bruxelles aux fondamentaux.
Maître Devers
décortique le pourquoi et le comment les juges du Luxembourg ont balayé les
exégèses «bidon» de l’UE pour piller avec le Maroc, les richesses d’autrui,
celles du peuple sahraoui.
La Commission
européenne, le gouvernement économique des 28, en définitive, est dans de sales
draps après l’arrêt rendu par la Cour européene de justice annulant, avec effet
immédiat, l’Accord agricole conclu avec le Maroc sur des territoires considérés
comme «non autonomes» et relevant de la doctrine des Nations-Unies en matière de
décolonisation.
Le 8 mars 2012,
les «commissaires» européens, à leur tête, alors, le Portugais José Manuel
Barroso, franchissaient une ligne rouge en piétinant le droit international,
celui des Etats membres ainsi que la morale publique. Barroso et les siens
s’inventent, alors, pour piller les richesses naturelles du Sahara occidental,
un statut «bidon» qui n’existe
nulle part en gratifiant le Maroc de
«puissance de fait».
Les juges
européens balaient cette exégèse de la rapine en renvoyant l’Europe à trois
fondamentaux.
La puissance administrante du Sahara occidental est l’Espagne jusqu’au jour où le statut définitif de ce territoire sera résolu.
La puissance administrante du Sahara occidental est l’Espagne jusqu’au jour où le statut définitif de ce territoire sera résolu.
A ce niveau, il
n’y a aucune alternative au «référendum» d’autodétermination tel qu’édicté par
l’ONU et pour lequel le Maroc et le Polisario s’étaient engagés.
Cette
«baliverne» de «puissance de
fait» a été enterrée rapidement par les magistrats à
Luxembourg.
Le deuxième
point à relever dans l’arrêt est la reconnaissance du Front Polisario en tant
que représentant unique et légitime du peuple sahraoui en attendant les
résultats du processus référendaire.
A ce titre, le
Polisario est en droit d’ester en justice
tout Etat ou entreprise, publique ou
privée, qui contracte des accords avec le Maroc englobant le Sahara occidental.
Mohamed Sidati,
ministre délégué de la RASD et du Polisario en Europe, n’a pas cessé depuis la
date de la signature des Accords agricoles — et de pêche — de Bruxelles avec
Rabat de prévenir, d’attirer l’attention des «commissaires» et de leur chef
Barroso sur l’illégalité de tels types d’accords. Rien n’y fit, l’Europe
aveuglée par l’appât du gain avait préféré la rapine au droit, le commerce
illégal au respect de la réglementation et a accepté d’être complice de détournements de biens
d’autrui.
Pourtant, les
occasions n’ont pas manqué à l’Union européenne pour rectifier le tir et
revenir, c’est le cas de l’écrire, dans le... droit chemin. Bon nombre
d’eurodéputés de toutes les tendances, notamment ceux regroupés dans
l’intergroupe «paix pour le peuple sahraoui», des personnalités politiques de
haut rang, des leaders d’opinion, des représentants d’ONG prestigieuses, des
femmes et des hommes de droit, des experts, des scientifiques, n’ont cessé
d’alerter sur la dangerosité des sentiers empruntés par l’ex-président
Barroso.
Jusqu’à tout
récemment où l’Association mondiale des juristes, réunie au sein même du
Parlement européen (PE) adresse une lettre motivée aux nouvelles instances
européennes attirant leur attention sur les caractères illégaux et sortant des
clous des plans de l’ONU, des arrangements conclus avec le Maroc au Sahara
occidental.
A ce moment-là, il est vrai, les connaisseurs de ce dossier le pressentaient, les lignes commençaient à bouger.
A ce moment-là, il est vrai, les connaisseurs de ce dossier le pressentaient, les lignes commençaient à bouger.
D’autant plus
que ni le nouveau président de la Commission européenne, ni la numéro 2 du
gouvernement des 28, l’Italienne Federica Mogherini, ne semblaient vouloir
perpétuer l’héritage Barroso sur la question, bâti sur des actes plus proches du
banditisme que des relations commerciales entre Etats ou entre un ensemble
d’Etats tels que l’Union européenne et d’autres entités.
Le patron actuel
de la Commission, Jean-Claude Juncker n’aimait pas à la folie les Accords
agricoles et de pêche conclus avec le Maroc.
Federica
Mogherini, relations extérieures et de défense commune de l’UE, n’est,
d’ailleurs, pas très enthousiaste à faire appel de la décision de la Cour du
Luxembourg.
Dans son communiqué elle «acte» l’arrêt des magistrats et dit que la Commission «examinera» cette possibilité.
Quand bien même, elle irait vers l’appel, l’Union européenne n’a aucune chance d’invalider le premier arrêt. Ça ne se passe pas comme ça chez les juges européens.
Dans son communiqué elle «acte» l’arrêt des magistrats et dit que la Commission «examinera» cette possibilité.
Quand bien même, elle irait vers l’appel, l’Union européenne n’a aucune chance d’invalider le premier arrêt. Ça ne se passe pas comme ça chez les juges européens.
Gilles Devers,
barreau de Lyon, qui a porté la plainte du Polisario à Luxembourg, sourire aux
lèvres, satisfait comme on ne peut pas l’être, est catégorique : «C’est la fin
des illusions pour l’Union européenne et pour le Maroc... Le tribunal (du
Luxembourg, ndlr) ne reconnaît aucune souveraineté au Maroc sur les
territoires du Sahara occidental.»
Lors du point de presse animé, hier à Bruxelles pour évoquer ce dossier, maître Devers conseille, vivement, à l’Union européenne de se bouger pour mettre son poids, important, dans l’application des résolutions de l’ONU sur la question du Sahara occidental plutôt que de chercher des «statuts» bidon et hors-la-loi à l’occupant marocain...
Lors du point de presse animé, hier à Bruxelles pour évoquer ce dossier, maître Devers conseille, vivement, à l’Union européenne de se bouger pour mettre son poids, important, dans l’application des résolutions de l’ONU sur la question du Sahara occidental plutôt que de chercher des «statuts» bidon et hors-la-loi à l’occupant marocain...
Avant de prendre
le TGV pour Lyon, maître Gilles Devers ajoute à l’adresse des journalistes,
nombreux qui ont assisté à la conférence de presse, «l’administration de fait
tombe à l’eau... Il ne reste que le plan de paix de l’ONU pour l’Union
européenne»...
A. M.
A. M.
Sahara Occidental : L'accord
agricole UE-Maroc annulé par la justice
par R. N.
La
Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) a prononcé jeudi l'annulation avec
effet immédiat de l'accord controversé sur la libéralisation du commerce des
produits agricoles et halieutiques du Maroc conclu en mars 2012 entre le royaume
chérifien et l'UE. "La décision 2012/497/UE du Conseil (européen), du 8 mars
2012, concernant la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres entre
l'Union européenne et le royaume du Maroc relatif aux mesures de libéralisation
réciproques en matière de produits agricoles, de produits agricoles transformés,
de poissons et de produits de la pêche, au remplacement des protocoles n° 1, 2
et 3 et de leurs annexes et aux modifications de l'accord euroméditerranéen
établissant une association entre les communautés européennes et leurs Etats
membres, d'une part, et le royaume du Maroc, d'autre part, est annulée en ce
qu'elle approuve l'application dudit accord au Sahara Occidental (occupé)",
est-il écrit dans un jugement rendu jeudi 10 décembre 2015 par la CJUE. Selon le
même arrêt, la CJUE estime que le Conseil de l'Union européenne n'a pas vérifié
si l'exploitation des ressources naturelles du Sahara Occidental sous occupation
marocain se faisait ou non au profit de la population sahraouie. La population
du Sahara occidental n'a pas été consultée, bien que l'ONU ait statué qu'aucune
activité de ce genre ne peut être engagée si elle ne répond pas à la volonté de
la population du territoire.
Des chercheurs de renom en droit international ont déclaré à plusieurs reprises que l'UE viole le droit international au Sahara Occidental. L'ancien sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires juridiques, Hans Corell avait déclaré à propos de l'accord de pêche UE-Maroc : "il est clair qu'un accord de ce type, qui ne fait pas la distinction entre les eaux adjacentes au Sahara Occidental et les eaux adjacentes au territoire du Maroc, viole le droit international". Un avis partagé par le service juridique du Parlement européen et plusieurs Etats membres. Par une démarche qui fera date, le mouvement de libération du Sahara Occidental (Front Polisario) avait porté en novembre 2012, devant la Cour européenne de justice un accord de libre-échange UE-Maroc. Un recours similaire pour l'accord de pêche UE-Maroc est engagé par le Front Polisario devant la CJUE.
Le ministre sahraoui délégué pour l'Europe, Mohamed Sidati a salué le jugement rendu jeudi par la Cour de justice de l'Union européenne qui annule l'accord agricole entre l'UE et le Maroc, estimant que par cette décision, la CJUE reconnaît la capacité du Front Polisario à agir en justice en tant que seul représentant du peuple sahraoui. "De cette décision de justice, il en résulte que l'interlocuteur est bel et bien le Front Polisario, représentant authentique, unique et légitime du peuple sahraoui", a-t-il déclaré à l'APS, appelant l'UE à "emboîter le pas" à la CJUE qui a "confirmé et consacré l'identité des deux parties au conflit, à savoir le Maroc et le Sahara Occidental". L'annulation de l'accord agricole entre l'UE et le Maroc constitue, selon M. Sidati, "une victoire" à porter à l'actif du Front Polisario et du peuple sahraoui qui ont obtenu gain de cause des institutions juridiques de l'UE.
Des chercheurs de renom en droit international ont déclaré à plusieurs reprises que l'UE viole le droit international au Sahara Occidental. L'ancien sous-secrétaire général des Nations unies aux affaires juridiques, Hans Corell avait déclaré à propos de l'accord de pêche UE-Maroc : "il est clair qu'un accord de ce type, qui ne fait pas la distinction entre les eaux adjacentes au Sahara Occidental et les eaux adjacentes au territoire du Maroc, viole le droit international". Un avis partagé par le service juridique du Parlement européen et plusieurs Etats membres. Par une démarche qui fera date, le mouvement de libération du Sahara Occidental (Front Polisario) avait porté en novembre 2012, devant la Cour européenne de justice un accord de libre-échange UE-Maroc. Un recours similaire pour l'accord de pêche UE-Maroc est engagé par le Front Polisario devant la CJUE.
Le ministre sahraoui délégué pour l'Europe, Mohamed Sidati a salué le jugement rendu jeudi par la Cour de justice de l'Union européenne qui annule l'accord agricole entre l'UE et le Maroc, estimant que par cette décision, la CJUE reconnaît la capacité du Front Polisario à agir en justice en tant que seul représentant du peuple sahraoui. "De cette décision de justice, il en résulte que l'interlocuteur est bel et bien le Front Polisario, représentant authentique, unique et légitime du peuple sahraoui", a-t-il déclaré à l'APS, appelant l'UE à "emboîter le pas" à la CJUE qui a "confirmé et consacré l'identité des deux parties au conflit, à savoir le Maroc et le Sahara Occidental". L'annulation de l'accord agricole entre l'UE et le Maroc constitue, selon M. Sidati, "une victoire" à porter à l'actif du Front Polisario et du peuple sahraoui qui ont obtenu gain de cause des institutions juridiques de l'UE.
Maroc –
UE : quand l’annulation de l’accord de pêche provoque une crise
diplomatique
11 décembre
2015 à 14h42 —
Préparation des filets de pêche sur le nouveau port de
Dakhla (Maroc).JA © Vincent Fournier/Jeune Afrique
Suite à la décision de la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) d’annuler l’accord agricole et de pêche avec le Maroc, ce
dernier a vivement réagi demandant à l’Union européenne de clarifier sa position
menaçant de revoir l’ensemble de leurs relations.
« Le Maroc rejette cette décision. Nous demandons aux
responsables européens de prendre une position claire et ferme. Sinon, cette
décision d’annulation nous poussera à revoir l’ensemble de nos relations
bilatérales et aura un impact sur tous nos accords ».
C’est en ces termes que le ministre de la Communication
et porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, s’est exprimé à Jeune
Afrique au lendemain de la décision de la Cour de justice de l’Union
européenne (CJUE) d’annuler l’accord agricole et de pêche conclu entre le Maroc
et l’Union européenne (UE) en 2012.
« Nous avons commencé à appliquer cet accord de bonne foi tel qu’il a été ratifié»,
poursuit le porte-parole du gouvernement. Le 10 décembre, suite au verdict de la
Cour de justice européenne, le Maroc affirme avoir entamé une série de
discussions avec les responsables de l’UE pour les pousser à prendre
position.
Quels bénéfices pour la population du Sahara
?
Suite à une requête du Polisario, la Cour de Justice a
rejeté l’accord de libéralisation des échanges agricoles et de pêche entre le
Maroc et le conseil de l’Union européenne, au motif que cet accord « ne présente
pas les garanties nécessaires pour que les ressources de la région du Sahara
profitent aux habitants locaux ».
Un coup dur à la diplomatie marocaine qui avait
difficilement obtenu la signature de cet accord en 2012 malgré les
réserves européennes exprimées à l’époque quant aux réels bénéfices tirés par
les populations sahraouies de l’accord de pêche. Le Maroc était alors obligé de
présenter un rapport démontrant la preuve de son engagement auprès de ces
populations.
Le Polisario, en conflit avec le Maroc depuis 1975,
considère que tous les accords internationaux conclus par le royaume chérifien
sur le territoire du Sahara violent le droit international.
L’organisation concentre tous ses efforts diplomatiques à l’international pour
empêcher la résolution de tels accords.
L’Union européenne rassure mais le Maroc demande
plus
Dans une déclaration ce vendredi 11 décembre, la haute
représentante de l’UE aux Affaires étrangères et à la politique de sécurité,
Federica Mogherini, a considéré que les accords bilatéraux de l’UE avec le Maroc
ne sont pas remis en cause. Mais, échaudé par la décision d’annulation, le
royaume demande plus d’engagement de la part des responsables européens afin
qu’ils clarifient leur position, estimant que le jugement de la Cour européenne
est « une décision politique et non juridique ».
Le 28 septembre, une crise diplomatique majeure
avait éclaté entre le Maroc et la Suède au sujet de la position jugée
anti-marocaine de ce pays sur le dossier du Sahara. Rabat a par la suite envoyé
une délégation de partis politiques marocains afin d’entamer un dialogue avec
leurs homologues suédois et de tenter de contenir les hostilités à la cause
marocaine qui menaçait de gagner d’autres pays européens.
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