AFP, 8/3/2015
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La communauté internationale effarée s’attend à voir les premières
images des dégâts irrémédiables infligés par les jihadistes à la cité
antique irakienne de Nimroud, un « crime de guerre » a dénoncé vendredi
l’Unesco, qui en a saisi l’ONU.
Après avoir réduit en miette des siècles de patrimoine dans le musée
de Mossoul (nord) la semaine dernière et mis le feu à sa bibliothèque,
les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) sont entrés jeudi avec des
bulldozers dans Nimroud, joyau archéologique inestimable, selon le
ministère du tourisme irakien.
« On ignore encore l’étendue des destructions » infligées à la cité
pluri-millénaire construite sur les bords du Tigre, à une trentaine de
kilomètres au sud-est de Mossoul, a indiqué à l’AFP un responsable sous
le couvert de l’anonymat.
Mais l’Unesco a d’ores et déjà dénoncé « un crime de guerre » et
appelé « l’ensemble de la communauté internationale » à « unir ses
efforts » pour « stopper cette catastrophe », selon un communiqué de sa
directrice générale, Irina Bokova. Elle a saisi le Conseil de sécurité
de l’ONU et la Cour pénale internationale.
Selon elle, « le nettoyage culturel qui sévit en Irak n’épargne rien
ni personne: il vise les vies humaines, les minorités et s’accompagne de
la destruction systématique du patrimoine millénaire de l’humanité ».
Depuis plusieurs semaines, les jihadistes qui contrôlent de vastes
territoires en Irak et en Syrie voisine, sur lesquels ils ont déclaré un
« califat » et multiplié les pires exactions, détruisent méthodiquement
le patrimoine irakien.
L’EI justifie ces destructions en arguant que les statues favorisent
l’idolâtrie. Mais selon plusieurs experts, les « idoles » si vivement
dénoncées dérangent moins les jihadistes lorsqu’il s’agit de les vendre
au marché noir.
Ce sont les statues trop imposantes pour être transportées aisément qui sont détruites, estiment-ils.
« Bouleversé »
« Je suis véritablement bouleversé. Mais on s’y attendait,
maintenant, on attend la vidéo. C’est triste », explique Abdelamir
Hamdani, un archéologue irakien de l’université Stony Brook de New York.
La semaine passée, les jihadistes avaient mis en ligne une vidéo du
saccage du musée de Mossoul, deuxième ville d’Irak qu’ils ont pris aux
premiers jours de leur offensive irakienne, début juin 2014.
« Leur projet, c’est de détruire le patrimoine irakien, site par site
(…) et Hatra, bien-sûr, est la prochaine sur la liste », poursuit M.
Hamdani, en référence à un site – classé par l’Unesco – célèbre pour ses
temples mêlant influences romaines, grecques et orientales.
A Nimroud, les gardes ont été empêchés de se rendre sur le site de
cette ville phare de l’empire assyrien, où ont été exhumés en 1988 plus
de 600 bijoux, décorations et pierres précieuses, l’une des plus
importantes découvertes archéologiques du XXe siècle.
Une partie de ses précieux bas-reliefs et de ses colossales statues
de taureaux ailés est exposée dans les plus prestigieux musées du monde.
La communauté internationale a fermement critiqué les destructions,
mais semble cantonnée au rôle d’observateur, car impuissante à agir sur
les territoires dominés par l’EI, se désole Stuart Gibson, expert à
l’Unesco.
« Nous avons dans le passé pressé les populations locales de
reconnaître l’inestimable valeur de leur patrimoine, et la nécessité de
le protéger », ajoute M. Gibson. « Mais malheureusement, à l’heure
actuelle, les populations sont épuisées et terrifiées. Le reste d’entre
nous n’a d’autre choix que de rester là et de regarder, désespéré ».
« Objectif Tikrit »
Infime once d’espoir pour le patrimoine irakien encore debout, les
jihadistes semblent perdre du terrain sous la pression conjuguée des
forces irakiennes au sol et de la coalition internationale menée par les États-Unis dans les airs.
Armée, police, milices et combattants tribaux poursuivaient ainsi
leur offensive autour de Tikrit, qu’ils entendent reprendre aux
jihadistes.
Située entre Bagdad et Mossoul, Tikrit, berceau de l’ex-président
Saddam Hussein, est la deuxième ville la plus importante conquise en
Irak par l’EI. Avec 30.000 personnes mobilisées, l’offensive
gouvernementale est présentée comme « la plus massive » depuis la prise
par l’EI en juin 2014 de pans entiers du territoire.
Mais les civils payent un lourd tribu, a indiqué l’ONU jeudi. Près de
28.000 personnes ont du fuir la ville et ses environs pour se protéger
des combats. Ils viennent s’ajouter au 2,5 millions de personnes
déplacées par l’avancée des jihadistes en 2014.
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