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lundi 9 mars 2015

Maroc : la presse électronique, nouvelle cible du pouvoir

Par Rida Benotmane02147098-photo-censure-internet-web-chine-jpg
Opinion. Freedom Now, une association marocaine constituée en avril 2014 vient de publier un rapport accablant sur la situation de la liberté de la presse au Maroc. L’étude recense une vingtaine de cas de violations entre avril et décembre 2014 et qui visent des formes d’expression diverses. 70% de ces atteintes concernent la presse électronique.
Il est alors intéressant de se pencher sur les causes d’un tel constat.
Internet constitue aujourd’hui pour les journalistes web marocains un espace idéal d’expression dans lequel ils peuvent commenter librement les dérives du système et informer le public d’une multitude d’informations impossibles de couvrir sur les supports traditionnels.
Toutefois, il convient de signaler que les violations et autres atteintes enregistrées dans l’étude ne visent pas l’ensemble des journalistes web mais une catégorie d’entre eux qui a choisi de s’intéresser aux véritables centres de pouvoir, à savoir le roi et son entourage.
Cette évolution s’inscrit dans l’ordre normal des mutations que traversent les sociétés en soif de démocratie et de liberté.
Hassan II aimait à rappeler à la presse occidentale qu’il recevait dans ces fastueux palais que la monarchie ne peut être mise en équation dans les conflits politiques et que par ricochet, elle ne pouvait faire l’objet de critique dans son exercice du pouvoir. Une idée pleinement intégrée durant son règne par l’ensemble du corps journalistique qui évitait de se hasarder sur des sujets mettant en cause Hassan II et sa politique. Ceux qui s’y sont essayés ont subi les foudres de l’appareil sécuritaire du régime. Les exemples de feu Mehdi El Menjra et d’autres journalistes sont là pour nous le rappeler.
Aujourd’hui, le pouvoir tolère une certaine libre expression mais réprime celle qui vise le roi et son entourage. Le chef du gouvernement, Abdelillah Benkirane fait alors office de punching ball pour la presse politique « mainstream ». C’est lui qui essuie les critiques les plus acerbes et semble se complaire dans ce rôle.
Les institutions médiatiques privées, soucieuses de leur pérennité et de leurs rapports avec l’entourage royal qui contrôle le secteur des médias, jouent le jeu et tentent de présenter à l’opinion publique un gouvernement Benkirane autonome dans la prise de décision quand bien même ce dernier ne cesse de rappeler publiquement qu’il n’est qu’un fonctionnaire de Sa Majesté !
Une telle situation semble aujourd’hui insupportable pour une partie de la presse indépendante marocaine. Il faut dire que le ton avait été donné quelques mois avant le décès de Hassan II où de jeunes journalistes osèrent les premières analyses dévoilant à l’opinion publique le rapport entre l’autoritarisme et la prédation économique de l’entourage royal.
Avec le déclenchement du Mouvement du 20 février en 2011 et la révolution du web participatif, un nombre croissant de Marocains, et non plus seulement les intellectuels comme ce fut le cas par le passé, comprennent que l’institution monarchique est au centre du pouvoir et qu’elle peut être responsable de scandales économiques comme l’a révélé l’affaire SWISSLEALKS sur les avoirs du roi et ses proches à l’étranger, ou d’autres affaires d’ordre sociétal et politique.
Une nouvelle génération de journalistes s’émancipent donc de la fausse déontologie docile établie par ses prédécesseurs et ne trouve plus aucun complexe à s’intéresser directement aux affaires royales et dont la dimension sécuritaire et politique n’est jamais loin. Cette tendance est d’autant plus fascinante qu’elle ne freine pas ces nouveaux chercheurs de la vérité malgré tous les risques auxquels ils peuvent s’exposer.
Dans une période où la mutation démocratique au Maroc semble devenir l’aspiration d’un ensemble d’acteurs, libéraux et progressistes opposés à l’offre politique proposée par la caste au pouvoir parce que archaïque et inadaptée à l’évolution vers une société de la connaissance et du savoir, le journalisme web participe aujourd’hui à la diffusion d’idées et de positions nouvelles dans une société commandée par une pensée politique rentière et médiévale.
Cette nouvelle fonction de la presse électronique marocaine l’expose à des réactions parfois violentes des défenseurs du statu quo, comme l’a été la presse d’opinion au temps de la Révolution française face à l’aristocratie. C’est dire toutes les difficultés auxquelles doivent résister à l’avenir les journalistes web indépendants.
Réussiront-ils à transformer la société contre la volonté des ses maîtres ? On l’espère en tous cas !

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