Par Mohammed Belmaïzi, 20/11/2014
Opinion. Le Maroc, « le plus beau pays du monde », selon l’expression consacrée, va organiser ce déjà frelaté Forum mondial des droits de l’homme,
du 27 au 30 novembre. Pourtant, ce pays n’a connu ni paix sociale, ni
démocratie ni promotion et respect de la citoyenneté, de l’Indépendance à
nos jours. Son Histoire agitée oppose l’extrême monopolisation des
richesses et du pouvoir à la contestation populaire, toujours brisée et
matée dans le sang.
Cette malheureuse Histoire oscille entre arbitraire, arrogance et
brutalité contre le peuple. Nulle répartition démocratique des richesses
n’est venue pacifier le pays, le développer et le faire accéder à la
prospérité, à la modernité. Bien au contraire, après le second coup
d’état (1972) contre Hassan II, le monarque de droit divin ne trouvait rien d’autres à suggérer aux officiers supérieurs que de « faire des affaires et de ne pas faire de politique ».
Quant au peuple désespéré et révolté, le même monarque le menaçait de supprimer « les deux tiers du peuple » pour sauvegarder les nantis. Ironie du sort, ces mêmes nantis sont qualifiés par le même Hassan II de voraces insatiables. « Tous les nantis de toutes les sociétés sont des gens repus et ingrats, mais les miens sont pire », disait le monarque, « parce
qu’ils sont dans un pays sous-développé. Si encore ils étaient repus à
l’échelle de notre standing, mais ils le sont à l’échelle de
l’Allemagne, de la France ».
Hassan II a régné en monarque absolu. Des années sous l’état
d’exception et le pays sous une gouvernance sans Parlement ni projet de
société, Hassan II pouvait dire : « Je peux, si je le souhaite, désigner mon chauffeur comme ministre ! ».Toutes ces caractéristiques d’une « monarchie bananière » conservent cette tradition et la perpétuent. « Notre ami le roi »,
livre sans concession à l’égard du régime Hassan II, n’a pas attendu
longtemps pour voir venir la marque de la continuité obstinée du régime
dans cet autre livre intitulé « Le roi prédateur », concernant Mohammed VI.
Ce régime ne sort pas du lot des dictatures environnantes qui ont vu surgir le Printemps des peuples.
Dans la foulée des soulèvements contre les dictatures, le monarque de
droit divin, Mohammed VI, appelle à la refonte de la Constitution, pour
réduire au silence la contestation organisée par le Mouvement du 20
février. Un membre de la Commission chargée de la révision de la
Constitution, le professeur Mohamed Tozy, révèle d’une manière fracassante, que « le
projet de Constitution présenté au Roi Mohammed VI, n’est pas le même
que celui qui a été soumis au vote par référendum, et la Constitution
pour laquelle ont voté les Marocains n’est pas la même que celle publiée
dans le bulletin officiel ».
Cela fait désordre et condamne le pays à végéter dans l’arriérisme et dans l’Etat de non droit.
Certes l’Article 19 qui disait que « La personne du Roi est inviolable et sacrée », a été changé dans l’Article 46 qui dit que « La personne du Roi est inviolable, et respect Lui est dû ».
Mais le monarque continue à monopoliser l’ensemble des leviers du pouvoir dans ses mains. Constitution selon Mon-Bon-Plaisir.
S’il est vrai que l’Instance équité et réconciliation (IER)
a permis aux familles et aux victimes de la torture, des disparitions,
des assassinats, de venir dénoncer la monstruosité et la déliquescence
de l’Etat, les responsables, assassins et tortionnaires n’ont à aucun
moment été nommés, identifiés…
C’est le règne de l’impunité la plus crasse. Alors que les dix recommandations de l’IER, pour donner de l’effet à « plus jamais ça », n’ont jamais été appliquées, l’Etat, lui, s’est refusé à annoncer ses excuses au peuple marocain.
On est bien loin de la démarche juste et moderne de l’exemple de l’Afrique du Sud.
Et, là encore, il y a désordre et détournement du sens, lorsque le président de l’Instance équité et réconciliation, Driss Benzekri, a vu surgir dans sa chambre à Paris, le juge d’instruction Patrick Ramaël en charge de l’enquête sur la disparition de Mehdi ben Barka, pour l’interroger.
L’IER avait-elle des informations cruciales à ce sujet ? Driss
Benzekri avait refusé de répondre aux questions du juge d’instruction !
Ce cas emblématique de la disparition de Mehdi ben Barka n’est pas sans exiger la vérité sur ces autres disparus : Abdelhak Rouissi, Houcine Manouzi, Atkou Ahmed ben Ali, Agoudar El Yazid, Omar El wassouli, Salhi Madani, Mohammed Es-slami, Abderrahmane Derouich. Et la liste des morts sous la torture, ou assassinés, ne manquera pas de soulever l’indignation…
Mais comment dès lors croire en la bonne foi d’un régime qui a commis
des monstruosités dans l’impunité la plus provocante, lorsqu’il prétend
promouvoir la philosophie des droits de l’homme, en créant d’abord le
Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) qui sera transvesti au fameux Conseil national des droits de l’homme, (CNDH)
celui-là même qui convoque le Forum mondial des droits de l’homme à
Marrakech, subventionné par la sueur et les mains rugueuses du peuple ?
Forum mondial des droits de l’homme dans un pays où violations,
torture et emprisonnements arbitraires n’ont cessé de défrayer la
chronique ?
En premier lieu, cette répression s’est abattue sur les militants du Mouvement du 20 février
et sur les défenseurs des droits humains. La torture des salafistes
islamistes et leur souffrance en prison, fait écho à la tragique
injustice des prisonniers sahraouis. La scandaleuse arrestation, torture
et emprisonnement de Zakaria Moumni, champion du monde
de Kick-boxing, restera dans les annales de la brutalité punitive. Le
nombre de jeunes, (même âgés de 17 ans), condamnés pour « offense au Roi », ne cesse d’augmenter. Et ne parlons pas de jeunes rappeurs tels que Mouad Belrhouat dit El Haqed, plusieurs fois emprisonné pour des prétextes fallacieux, ou de Mister Crazy 17 ans, trois mois de prison.
Par ailleurs, l’exemple d’Ahmed Nasser âgé de 95, mort en prison pour « atteintes aux sacralités », reste une absurdité de l’absolutisme sans vision.
L’Association marocaine des droits humains (AMDH)
détient avec précision la liste des détenus politiques et ne cesse de
dénoncer les violations flagrantes actuelles qu’elle-même subit. Car le
régime ne cesse de comploter pour la faire disparaître. Une association à
plus de quatorze mille (14 000) membres, plusieurs sections au Maroc
et aujourd’hui en Europe. La création par le régime des organes frelatés
des droits de l’homme ne sert qu’à étrangler le souffle de la société
civile.
Forum mondial des droits de l’homme dans un pays où une ONG telle que Transparency Maroc contre la corruption, allait être empêchée de décerner le Prix de l’intégrité à l’avocat Abderrahim Berrada, au militant Chakib Alhayari, alors que le capitaine Mustapha Adib qui avait dénoncé la corruption au sein de l’armée avait, lui, écopé de plusieurs années de prison ?
Forum Mondial des Droits de l’Homme dans un pays qui inquiète et emprisonne des journalistes comme Ali Anouzla, Ali Lmrabet interdit d’exercer son métier durant dix ans, Zineb El Rhazoui, jetée sur le chemin de l’exil tout comme le furent Aboubakr Jamai et Ali Amar ?
Forum mondial des droits de l’homme dans « le plus beau pays du
monde », c’est vrai que ça ne va pas tourner en bourriques toutes ces
sommités invitées comme intervenants ! Ils sauront détecter la combine
eu égard au respect qu’ils ont envers les peuples asphyxiés qui ont déjà
les yeux grands ouverts !
Mohammed Belmaïzi
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire