Compte rendu et
remarques à propos du débat organisé à l’IMA le 12 octobre sous le
thème :
« Les Droits de
l’Homme au Maroc »
Comme prévu, la
conférence organisée par l'Institut du Monde Arabe (IMA) en partenariat avec le
CNDH s'est tenue dimanche 12 octobre 2014 à 15h en présence de Driss El Yazami
(CNDH), Michel Tubiana (REMDH) et Karim Lahidji (FIDH)
Des membres de
l’AMDH-Paris étaient présents à l'entrée de l'IMA pour distribuer son dernier
communiqué dénonçant la répression et les interdictions qui s'abattent sur
l'AMDH en particulier et les organisations des droits humains en général. Nous
tenons à préciser, que M. El Yazami, lui-même, a bien reçu ce communiqué ainsi
que le président de l'IMA (M. Jack Lang), M. Tubiana, M. Lahidji, et aussi les
responsables de l'ambassade du Maroc qui étaient présents au débat.
Au début de la
conférence, un militant a interrompu le débat pour exiger la libération des
prisonniers politiques au Maroc. Le débat a ensuite repris son cours.
Environ 150
personnes étaient présentes. Comme à son habitude, M. El Yazami a fait l’éloge
des "avancées" que connait le Maroc en matière de droits humains, minimisant
ainsi les violations, notamment en ce qui concerne les interdictions des
activités des ONG, la liberté de manifestation, la liberté de presse, la
torture, la situation de la femme...etc. Quant aux représentants du REMDH et de
la FIDH, tout en dénonçant les violations aux droits humains que connait encore
le Maroc, notamment les dernières interdictions (évoquées notamment par M.
Lahidji) ils ont « saluées » plusieurs « avancées. »
Quant aux
interventions de la salle, elles allaient, sans exception, dans un seul sens :
dénoncer les violations des droits humains que connait le Maroc, notamment la
torture, les interdictions des activités d’ONG, la situation des migrants
subsahariens, le cas des prisonniers sahraouis…etc.
M. El Yazami a
esquivé les questions « gênantes » notamment les interdictions des activités des
associations de droits humains, le phénomène de la torture au Maroc et la
question de l’impunité. Il a même menti sur certains cas, comme le fait de ne
pas connaitre le cas du boxeur marocain Zakaria Moumni, qui a fait un témoignage
poignant sur la torture qu’il a subi en accusant directement Mounir Majidi,
secrétaire particulier du roi et Abdellatif Hammouchi, le chef de la DGST
marocaine. Zakaria Moumni n’a pas omis de remercier les ONG marocaines (dont
l’AMDH et l’ASDHOM) et internationales pour leur soutien.
Les organisateurs
ont dû arrêter le débat au bout de 7 interventions sous prétexte qu’ils devaient
libérer la salle à 16h50 alors que le débat a commencé à 15h20. Les personnes
présentes n’étaient pas contentes de la façon avec laquelle le débat a été géré
avec plusieurs monologues de M. El Yazami face à de rares interventions de la
salle.
Voilà ce que nous
voulions dire à M. El Yazami, entre autres :
1- La question
de l'impunité de sécuritaires responsables d'exactions de droits humains, voire
de leur promotion : alors que même l'IER parlait de gouvernance sécuritaire
au Maroc rien n'est fait concrètement pour que ceux qui tabassent des
manifestants, torturent des activistes ou ont joué un rôle dans les années de
plomb puissent être jugés ou au moins démis de leur hauts postes dans la
fonction publique. M. Tubiana a lui-même rappelé les différents courriers qu’il
a adressé au ministère de l'intérieur pour avoir la liste des sanctions infligés
aux agents ayant commis des infractions aux droits humains. Ces courriers sont
restés sans réponse malgré son insistance.
2- La question
des chiffres avancés par M. El Yazami sans une analyse fine.
El Yazami parle
de 15000 manifestations au Maroc sans situer sur quelle année (est-ce que c'est
durant 2011-2012 ?) quels types de manifs n’ont pas été réprimés ? N’y a-t-il
pas plutôt un ciblage systématique d’organisations ou mouvements comme : AMDH,
ANDCM, 20 février, etc. ? Cibler les opposants et optimiser le travail de
répression semble être la voie privilégiée par le ministère de
l'intérieur.
Faut-il rappeler à
M. El Yazami que le rapporteur spécial de l’ONU, M. Mendez a dénoncé « l’usage
de la torture est systématique au Maroc pour les cas impliquant des manifestants
anti-gouvernementaux et ceux qui sont accusés de terrorisme. »
3- L'introduction
au débat à savoir l'Etat des droits de l'Homme au Maroc après les
bouleversements politiques dans les pays voisins n'a pas été traité, aucune
mention au mouvement du 20 février, sorti pour les mêmes revendications à ce
moment-là, liberté, dignité et justice sociale, aucune mention aux prisonniers
politiques de ce mouvement qui croupissent en prison, et la répression qui
s'abat contre eux.
4- Lorsque El
Yazami parle du rôle exemplaire des politiques publiques pour la promotion des
DH au Maroc (création de l'IER, puis CNDH, code de la famille, etc.) il oublie
de signaler le rôle que joue la société civile et notamment l'AMDH qui
constitue un cas intéressant dans la région. L’AMDH est, par exemple, une
association de promotion des droits humains qui ne s'inscrit pas dans une action
exclusivement élitiste mais plutôt de masse. Elle regroupe plus de 14000 membres
répartis dans plus de 97 villes et villages du pays et à l’étranger (Bruxelles,
Lille, Paris et Madrid). Elle a également joué un rôle important dans la
création du collectif des associations de droits humains (pour combiner les
efforts de la société civile) et dans le soutien au mouvement démocrate du 20
février.
5- Nous voulions
également signaler quelques erreurs factuelles de M. El Yazami notamment
le fait qu'il dise que les activistes sont souvent dans hors-la-loi puisque les
manifestations doivent être déclarés. M. El Yazami oublie de signaler que les
Sit-in, qui sont le plus souvent organisés, n'ont pas besoin de déclaration
(seules
les marches qui risquent de bloquer la route doivent être
déclarées).
6- Lorsqu’il a été
confronté au cas emblématique de torture de M. Zakaria Moumni, M. El Yazami
s’est lui-même contredit et s’est emmêlé les pinceaux lorsqu’il a, de prime
abord, déclaré ne pas connaître son dossier alors qu’il a souligné avoir reçu
Mme Moumni à deux reprises avant de se rétracter et de dire qu’il a surtout
échangé des emails avec elle.
7- M. El Yazami a
mentionné le statut avancé octroyé par l'union européenne comme une avancée des
droits humains, ce statut a été octroyé au Maroc, non pour l'évolution de la
situation des droits humains mais pour l'intégration progressive du Maroc dans
le marché de l'Union Européenne. Par ailleurs, nous savons tou(te)s ce que cela
implique davantage sur la condition et les droits des travailleurs-euses ainsi
que la prédation des richesses des populations.
8- Sur la dignité
des citoyens marocains : lors d’un débat télévisé après le début des
manifestations du 20 février, M. El Yazami avait déclaré que les protocoles
médiévaux qui sont pratiqués lors des cérémonies royales officielles vont
bientôt disparaître. Les cérémonies moyenâgeuses de la Bay’a, diffusées à la
télévision publique, où des responsables politiques et administratifs se plient
en deux et se prosternent au passage du convoi royal se poursuivent (la
vidéo qui date de juillet 2014 est sans commentaire).
Enfin, nous
voudrions préciser à M. El Yazami qu'il a été écouté longuement par les
militant-e-s du mouvement du 20 février, de l'AMDH, de l'ASDHOM et la majorité
de la présence. Cependant, les autorités marocaines n'hésitent pas à intervenir
même en France pour interdire, lorsqu’ils le peuvent, certaines activités où des
militants de droits humains sont invités (exemple de l’annulation
à la dernière minute de la conférence de Khadija Ryadi à la CIUP).
Dans d’autres situations ce sont des zélés du statuquo au Maroc
(baltagis) qui
sont envoyés pour empêcher les conférences de se dérouler.
Cela bien sur sans parler des interdictions au Maroc que notre communiqué a
détaillé.
Le bureau de
l’AMDH-Paris/IDF.
Paris, le
14/10/2014
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