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mercredi 15 octobre 2014

IMA le 12 octobre débat : « Les Droits de l’Homme au Maroc »

Compte rendu et remarques à propos du débat organisé à l’IMA le 12 octobre sous le thème :
« Les Droits de l’Homme au Maroc »

 
Comme prévu, la conférence organisée par l'Institut du Monde Arabe (IMA) en partenariat avec le CNDH s'est tenue dimanche 12 octobre 2014 à 15h en présence de Driss El Yazami (CNDH), Michel Tubiana (REMDH) et Karim Lahidji (FIDH)

Des membres de l’AMDH-Paris étaient présents à l'entrée de l'IMA pour distribuer son dernier communiqué dénonçant la répression et les interdictions qui s'abattent sur l'AMDH en particulier et les organisations des droits humains en général. Nous tenons à préciser, que M. El Yazami, lui-même, a bien reçu ce communiqué ainsi que le président de l'IMA (M. Jack Lang), M. Tubiana, M. Lahidji, et aussi les responsables de l'ambassade du Maroc qui étaient présents au débat.

Au début de la conférence, un militant a interrompu le débat pour exiger la libération des prisonniers politiques au Maroc. Le débat a ensuite repris son cours.

Environ 150 personnes étaient présentes. Comme à son habitude, M. El Yazami a fait l’éloge des "avancées" que connait le Maroc en matière de droits humains, minimisant ainsi les violations, notamment en ce qui concerne les interdictions des activités des ONG, la liberté de manifestation, la liberté de presse, la torture, la situation de la femme...etc. Quant aux représentants du REMDH et de la FIDH, tout en dénonçant les violations aux droits humains que connait encore le Maroc, notamment les dernières interdictions (évoquées notamment par M. Lahidji) ils ont « saluées » plusieurs « avancées. »

Quant aux interventions de la salle, elles allaient, sans exception, dans un seul sens : dénoncer les violations des droits humains que connait le Maroc, notamment la torture, les interdictions des activités d’ONG, la situation des migrants subsahariens, le cas des prisonniers sahraouis…etc.

M. El Yazami a esquivé les questions « gênantes » notamment les interdictions des activités des associations de droits humains, le phénomène de la torture au Maroc et la question de l’impunité. Il a même menti sur certains cas, comme le fait de ne pas connaitre le cas du boxeur marocain Zakaria Moumni, qui a fait un témoignage poignant sur la torture qu’il a subi en accusant directement Mounir Majidi, secrétaire particulier du roi et Abdellatif Hammouchi, le chef de la DGST marocaine. Zakaria Moumni n’a pas omis de remercier les ONG marocaines (dont l’AMDH et l’ASDHOM) et internationales pour leur soutien.


Les organisateurs ont dû arrêter le débat au bout de 7 interventions sous prétexte qu’ils devaient libérer la salle à 16h50 alors que le débat a commencé à 15h20. Les personnes présentes n’étaient pas contentes de la façon avec laquelle le débat a été géré avec plusieurs monologues de M. El Yazami face à de rares interventions de la salle.

Voilà ce que nous voulions dire à M. El Yazami, entre autres :

1- La question de l'impunité de sécuritaires responsables d'exactions de droits humains, voire de leur promotion : alors que même l'IER parlait de gouvernance sécuritaire au Maroc rien n'est fait concrètement pour que ceux qui tabassent des manifestants, torturent des activistes ou ont joué un rôle dans les années de plomb puissent être jugés ou au moins démis de leur hauts postes dans la fonction publique. M. Tubiana a lui-même rappelé les différents courriers qu’il a adressé au ministère de l'intérieur pour avoir la liste des sanctions infligés aux agents ayant commis des infractions aux droits humains. Ces courriers sont restés sans réponse malgré son insistance.

2- La question des chiffres avancés par M. El Yazami sans une analyse fine. 
El Yazami parle de 15000 manifestations au Maroc sans situer sur quelle année (est-ce que c'est durant 2011-2012 ?) quels types de manifs n’ont pas été réprimés ? N’y a-t-il pas plutôt un ciblage systématique d’organisations ou mouvements comme : AMDH, ANDCM, 20 février, etc. ? Cibler les opposants et optimiser le travail de répression semble être la voie privilégiée par le ministère de l'intérieur.
Faut-il rappeler à M. El Yazami que le rapporteur spécial de l’ONU, M. Mendez a dénoncé « l’usage de la torture est systématique au Maroc pour les cas impliquant des manifestants anti-gouvernementaux et ceux qui sont accusés de terrorisme. »

3- L'introduction au débat à savoir l'Etat des droits de l'Homme au Maroc après les bouleversements politiques dans les pays voisins n'a pas été traité, aucune mention au mouvement du 20 février, sorti pour les mêmes revendications à ce moment-là, liberté, dignité et justice sociale, aucune mention aux prisonniers politiques de ce mouvement qui croupissent en prison, et la répression qui s'abat contre eux.

4- Lorsque El Yazami parle du rôle exemplaire des politiques publiques pour la promotion des DH au Maroc (création de l'IER, puis CNDH, code de la famille, etc.) il oublie de signaler le rôle que joue la société civile et notamment l'AMDH qui constitue un cas intéressant dans la région. L’AMDH est, par exemple, une association de promotion des droits humains qui ne s'inscrit pas dans une action exclusivement élitiste mais plutôt de masse. Elle regroupe plus de 14000 membres répartis dans plus de 97 villes et villages du pays et à l’étranger (Bruxelles, Lille, Paris et Madrid). Elle a également joué un rôle important dans la création du collectif des associations de droits humains (pour combiner les efforts de la société civile) et dans le soutien au mouvement démocrate du 20 février.

5- Nous voulions également signaler quelques erreurs factuelles de M. El Yazami notamment le fait qu'il dise que les activistes sont souvent dans hors-la-loi puisque les manifestations doivent être déclarés. M. El Yazami oublie de signaler que les Sit-in, qui sont le plus souvent organisés, n'ont pas besoin de déclaration (seules les marches qui risquent de bloquer la route doivent être déclarées).

6- Lorsqu’il a été confronté au cas emblématique de torture de M. Zakaria Moumni, M. El Yazami s’est lui-même contredit et s’est emmêlé les pinceaux lorsqu’il a, de prime abord, déclaré ne pas connaître son dossier alors qu’il a souligné avoir reçu Mme Moumni à deux reprises avant de se rétracter et de dire qu’il a surtout échangé des emails avec elle.

7- M. El Yazami a mentionné le statut avancé octroyé par l'union européenne comme une avancée des droits humains, ce statut a été octroyé au Maroc, non pour l'évolution de la situation des droits humains mais pour l'intégration progressive du Maroc dans le marché de l'Union Européenne. Par ailleurs, nous savons tou(te)s ce que cela implique davantage sur la condition et les droits des travailleurs-euses ainsi que la prédation des richesses des populations.

8- Sur la dignité des citoyens marocains : lors d’un débat télévisé après le début des manifestations du 20 février, M. El Yazami avait déclaré que les protocoles médiévaux qui sont pratiqués lors des cérémonies royales officielles vont bientôt disparaître. Les cérémonies moyenâgeuses de la Bay’a, diffusées à la télévision publique, où des responsables politiques et administratifs se plient en deux et se prosternent au passage du convoi royal se poursuivent (la vidéo qui date de juillet 2014 est sans commentaire).

Enfin, nous voudrions préciser à M. El Yazami qu'il a été écouté longuement par les militant-e-s du mouvement du 20 février, de l'AMDH, de l'ASDHOM et la majorité de la présence. Cependant, les autorités marocaines n'hésitent pas à intervenir même en France pour interdire, lorsqu’ils le peuvent, certaines activités où des militants de droits humains sont invités (exemple de l’annulation à la dernière minute de la conférence de Khadija Ryadi à la CIUP). Dans d’autres situations ce sont des zélés du statuquo au Maroc (baltagis) qui sont envoyés pour empêcher les conférences de se dérouler. Cela bien sur sans parler des interdictions au Maroc que notre communiqué a détaillé.

Le bureau de l’AMDH-Paris/IDF.
Paris, le 14/10/2014

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