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samedi 6 juillet 2013

Maroc : Procès du journaliste qui a voulu débattre des absences du roi Mohammed VI


Par: Ignacio Cembrero 28/6/2013
Traduction de l’espagnol par Ahmed Benseddik

 Ali Anouzla, directeur du journal Lakome numérique, a été inculpé de diffusion de fausses informations sur une rixe tribale.
 « Le roi Mohammed VI, qui accumule de nombreux pouvoirs (Commandeur des croyants, Commandant en Chef des Forces Armées Royales, Président du Conseil des ministres, Président du Conseil supérieur de la magistrature et du Conseil supérieur des Oulémas, etc.), a-t-il le droit de s’absenter si souvent et si longtemps sans même annoncer la date et la durée de ses voyages à l’étranger ? Cette habitude royale pose un vrai problème constitutionnel, politique et moral. »
 Le seul journaliste marocain qui a osé poser cette question et apporter une réponse a été, le 4 Juin, Ali Anouzla, directeur du site numérique indépendant Lakome, dans un éditorial intitulé «De l’absentéisme royal». Il a publié le 4 Juin quand le souverain était en vacances en France. Au total, le monarque a consacré, depuis le début de l’année 2013, dix semaines à des voyages privés à l’extérieur du Maroc, en particulier au château qu’il possède à Betz, au nord de Paris.
 Ali Anouzla a été convoqué mardi 25 Juin par la police judiciaire de Fès et, le mercredi, par le procureur de la même ville. Il a été auditionné et accusé de «publication et diffusion, de mauvaise foi» de «fausses informations» et «faits inexacts» de nature à troubler l’ordre public. Il risque une condamnation en vertu de l’article 42 du code de la presse marocaine, à une peine allant d’un mois à un an de prison et une amende comprise entre € 110 et € 9.500.
   Quelle fausse information Anouzla a-t-il publié ? Le lundi 17 Juin vers 13h30, Lakome a repris une information publiée par RASSD, un journal numérique de Fès récemment crée, qui faisait état d’affrontements tribaux près de la ville ayant causé sept morts. A 14h, n’ayant pas pu vérifier la véracité de l’information, Lakome a retiré l’article en question, et peu après après 17h le site s’est excusé  auprès de ses lecteurs suite à cette erreur.
 Le directeur du site local à Fès a également été convoqué par le procureur. Il a avoué avoir inventé l’histoire en vue d’induire en erreur les autres journaux numériques d’information. Mais le parquet n’a pas convoqué les responsables des autres sites numériques qui ont publié la même information fictive, parfois pendant des jours, et qui n’ont pas pris la peine de s’en excuser.
    « Je me demande si mon inculpation pour diffusion de fausses informations n’est qu’un prétexte, et si les motivations sont ailleurs », explique Anouzla au téléphone. Le procureur était pressé. Il a fixé l’audience pour le 16 Juillet. S’il est reconnu coupable, Anouzla ira en prison. En 2009, un tribunal l’avait déjà condamné à une peine d’un an de prison avec sursis, conformément à l’article 42 du code de la presse. Comme il s’agit de récidive, il devrait cumuler les deux peines.
    À la fin Août 2009, le palais royal marocain a publié un communiqué expliquant que le roi avait attrapé une infection dite rotavirus, une maladie qui affecte les intestins et qui l’a obligé à «une convalescence de cinq jours.» «L’état de santé de Sa Majesté le Roi n’est pas préoccupant», conclut le texte de ce communiqué.
 Anouzla, qui dirigeait à l’époque le quotidien Al Jarida Al Oula, avait publié un article intitulé: « La maladie royale retarde les causeries religieuses et son déplacement à Casablanca ». Un autre article signé par la journaliste Bouchra Eddou, signalait, en citant un médecin anonyme, que « l’origine du rotavirus contracté par le roi est due à la consommation de corticoïdes contre l’asthme qui causent l’enflure du corps  et diminuent l’immunité». Ce commentaire médical lui a valu  la condamnation.
 Étouffé par le manque de publicité Al Jarîda Al Oula a fermé en mai 2010, mais huit mois plus tard, Anouzla, infatigable, lance le site numérique arabophone Lakome. Plus tard, il lance avec Aboubakr Jamai une version  francophone. Leur seule source de revenus pendant  des mois fut la publicité de Google. Mais le site a connu un succès indéniable. Quand il a appris qu’il était poursuivi, Anouzla a déclaré : « La ligne éditoriale de Lakome ne changera pas d’un iota. ». Ceux qui connaissent la presse marocaine savent tous qu’ Anouzla est sans doute le journaliste le plus indépendant.
 Lorsqu’il n’est pas poursuivi par la justice, Anouzla est l’objet de harcèlement de la part des médias proches des autorités. Lorsqu’en Avril, le Conseil de sécurité de l’ONU a renoncé à élargir le mandat des casques bleus au Sahara occidental (MINURSO), afin qu’ils puissent surveiller les droits de l’homme, plusieurs médias proches des officiels avaient annoncé que le journaliste avait tenté de se suicider et avait été hospitalisé dans un état grave.

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