- Écrit par Jacob Cohen, Lakome, 4/7/2013
Ce qui s'est passé en Égypte est d'abord un coup d'État,
c'est-à-dire un renversement par la force des institutions
démocratiques, suivi par l'arrestation arbitraire des principaux
responsables, légitimement élus.
On peut bien sûr épiloguer sur la dérive «islamiste» du pouvoir et de
la nécessité d'y mettre un terme. Au nom de certaines valeurs tout à
fait honorables et qui définissent une société démocratique et évoluée.
Ces valeurs que l'Occident souffle aux oreilles des Arabes qui se disent
et se veulent progressistes. Pourquoi pas ? Sauf que.
Depuis
2 siècles, l'Occident n'a eu de cesse d'occuper, d'exploiter et
d'humilier la Nation arabe. De créer des États artificiels comme le
Koweït ou la Transjordanie pour s'accaparer de richesses ou placer un
roitelet servile. Et une fois les « indépendances » octroyées, de
soutenir des régimes dictatoriaux et corrompus pour garder la haute main
sur tous les pays de la région.
Enfin l'Occident a créé, développé et armé Israël pour servir de
chien de garde et briser toute tentative d'émancipation et de
développement autonome de tout pays arabe. Rappelez-vous comment
l'Egypte de Gamal Abdel Nasser a été humiliée, écrasée et défaite, parce
que le Raïs avait osé nationaliser le Canal de Suez et appeler à
l'unité et à la résistance.
L'Egypte actuelle est réduite à demander
l'aumône de l'Amérique et des monarchies du Golfe, et à respecter les
injonctions du régime sioniste. Moubarak a été un superbe toutou pendant
30 ans. Mais « respecté » par les dirigeants du monde. Que de fois
Israël lui a décerné un certificat de bonne conduite ! Ah, quelle perte !
Ces « valeurs » dont se gausse l'Occident, elles ne sont pas pour les
bougnoules. Malgré les gesticulations pathétiques de beaucoup d'Arabes.
Le Maroc, comme d'autres pays, disposait après l'indépendance d'une
classe politique et intellectuelle désireuse de mener la société vers la
justice, l'alphabétisation, le parlementarisme, le combat
anti-colonial, etc. Mais Hassan II, avec la bénédiction de la France et
de l'Amérique, a détruit toutes les forces progressistes et élevé la
corruption au rang de valeur absolue. Sa fortune est bien gardée dans
les coffres occidentaux. Et le pays est devenu une chasse gardée du
Mossad.
On pourrait dresser le même constat pour les autres pays. Mais que
l'un d'entre eux osât briser le joug impérial, et la vengeance s'abat
sur lui avec une terreur telle que la leçon a bien été retenue. Avec la
complicité et la honte des États «frères». Je veux bien sûr parler de
l'Irak. C'était pourtant un État laïc où la femme était libérée. Quelle
parodie ! L'Occident se fiche éperdument de la femme arabe. Comment
cette entourloupe échappe-t-elle encore aux esprits éclairés ? Prenez la
situation de la femme en Arabie Saoudite. Vous faut-il un dessin ?
Pourtant, nos médias et nos politiques sont d'une discrétion
touchante. Parce que c'est un pays aux ordres. L'Occident adore l'Arabie
Saoudite. Sa stabilité. C'est-à-dire l'immobilisme d'une monarchie
ventrue, pourrie jusqu'à la moelle, veule, insipide, machiste,
collaborant même avec les sionistes, envoyant ses tanks mater la
révolution au Yémen et à Bahrein. Tenez ! Où sont ces voix qui hurlent à
la démocratie ?
Les Saoudiens qui tranchent les têtes au sabre en place
publique. Les mêmes Saoudiens, hypocrites et menteurs, qui avaient
transformé Casablanca dans les années 80 en lupanar pour consommer
l'alcool, les putes et double prime pour les vierges nubiles. Les
autorités locales avaient la reconnaissance du ventre, en leur offrant
un terrain de 3 hectares sur la Corniche, où ils ont construit un palais
pour leurs orgies et une... mosquée.
Pour une fois, une fois en 60 ans, qu'un pays arabe sur 22 avait élu
ses dirigeants de façon démocratique, et c'en est déjà trop au bout
d'une année. On fait appel aux militaires pour rétablir la démocratie,
et on glorifie leur action. Des militaires dont la fine fleur est formée
(formatée) dans les académies US, qui ont régné sans partage pendant 40
ans, fait main basse sur l'économie égyptienne, amassée des fortunes
planquées dans les paradis fiscaux, signé une paix séparée avec l'ennemi
sioniste et lui livrant la Palestine, se soumettant aux instructions
d'Israël pour briser la résistance des Gazaouis, acceptant l'aide
américaine (le 1/3 que reçoit Israël pour une population 10 fois
supérieure) qui met le pays à la merci du bon vouloir et du chantage
occidental.
C'est vrai, où en avais-je la tête ? Il y avait paraît-il une
islamisation rampante. Quelle horreur ! On n'aurait pas pu attendre les
prochaines élections ? La volonté du peuple exprimée démocratiquement ne
signifie plus rien ? Personnellement je n'ai aucune inclination
particulière pour les sociétés religieuses. Mais le recours à la
religion aujourd'hui a ses raisons. L'Occident ressort l'argument de
l'islamisation lorsque cela lui convient et de la manière qui l'arrange.
Ce qui le dérange, l'Occident, ce n'est pas tant l'islamisme que sa
prétention à retrouver la dignité d'antan, à rejeter l'emprise impériale
et la mainmise sioniste sur le destin de la Nation arabe. Cet
islamisme-là, il faut l'éradiquer. Il fait peur. Il donne de mauvaises
idées. Au Maroc par exemple, il y a les « bons » islamistes comme ceux
du PJD qui acceptent la suprématie royale et le pillage de l'économie en
partageant le gâteau, et les « mauvais » islamistes de Adl wa Ihsane,
que l'on combat avec les méthodes de Hassan II : disparitions, tortures,
condamnations expresses, parce qu'ils font de l'alphabétisation et
créent des ateliers de couture et d'informatique. Suppléant les carences
de l'État.
J'aimerais en conclusion que les peuples arabes se libèrent, à leur
manière et sans ingérence extérieure, de l'emprise impérialo-sioniste,
et se développent dans la liberté et la dignité.
Jacob Cohen
4 juillet 2013
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