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vendredi 25 janvier 2013

Jean Marc Ayrault au Maroc, les détenus sahraouis esperent




Par Omar Mansour, Journal Maghnord, 24/1/2013


Enfermés depuis plus de deux ans, ne disposant plus d’aucun statut, les détenus sahraouis du centre pénitentiaire Zaki 2 à Salé attendent un geste de Jean-Marc Ayrault à l’occasion de sa visite au Maroc.

Jean-Marc Ayrault, Premier ministre français, est au Maroc pour une visite de deux jours. Bien évidemment on va parler contrats, à l’occasion du forum économique qu’il aura à clôturer, de coopération lors de l’inauguration du tramway de Casablanca, réalisé en partenariat avec Alstom, Systra et la RATP et des discussions sur le projet de ligne à grande vitesse Casablanca-Tanger. Sur le plan politique, on va sans doute évoquer les questions malienne et syrienne. Mais, côté français, on va peut-être aussi parler des sujets qui fâchent, comme celui des Droits de l’Homme. La présence de Najat Vallaud-Belkacem, ministre du Droit des femmes et porte-parole du Gouvernement et de Christine Taubira, ministre de la Justice, milite en fonction de cette thèse, mais…

Jean-Marc Ayrault est au courant
En tout cas, par courrier du 6 décembre dernier le député-maire (Val-de-Marne et Kremlin-Bicêtre) chevènementiste, Jean-Luc Laurent avait alerté Jean-Marc Ayrault sur la situation des Droits de l’Homme au Sahara occidental en soulignant que « de nombreux militants sahraouis sont incarcérés sans procès et dans des conditions de détention critiquables ». En particulier, l’élu de Val-de-Marne pointe la situation du juriste et militant pacifiste sahraoui Annaâma Asfari dont l’épouse Marguerite-Claude Mangin-Asfari réside dans sa circonscription. M. Asfari est également « en prison depuis plus de deux ans sans avoir bénéficié de procès ».
Annaâma Asfari
M. Asfari est enfermé dans le centre pénitentiaire Zaki 2 à Salé dans la banlieue Est de Rabat en même temps que 22 de ses compagnons. Selon le Comité des familles des prisonniers politiques Sahraouis (CFPPS), à l’exception de deux détenus, ils ont tous été arrêtés entre 7 novembre et le 25 décembre 2010. Cheikh Banga est le plus jeune des détenus. Il avait 21 au moment de son arrestation. L’ainé des prévenus, Sidi Ahmed Lemjiyed était âgé de 51 ans lors de son interpellation.
Manifestation de familles de détenus à Rabat (photo DR)
L’histoire de chacun de ces détenus est sans doute singulière, mais dans leurs grandes lignes, elles se croisent toutes. Les prisonniers sont tous des militants de la cause sahraouie. Ils ont, pour la plupart, été arrêtés juste avant ou après le démantèlement, sans ménagement du « Camps de la fierté et de la dignité » de Gdeim Izik, près d’El Aaiun, par l’armée marocaine, le 8 novembre 2010. Ils se retrouvent surtout dans une situation qui ne correspond plus à aucun statut, puisque même selon le code pénal marocain, la détention provisoire sans inculpation au-delà de 12 mois est illégale –ce qui est déjà excessif-.
Une famille minée par la répression
L’histoire d’Ennaâma Asfari illustre les épreuve que peut endurer un détenu appréhendé dans les conditions des militants sahraouis. Ce juriste, aujourd’hui âgé de 40 ans est l’ainé d’une famille de quatre enfants. Son père Abdi Ould-Moussa, commerçant et célèbre caravanier comme son ascendant, avait été arrêté sur son lieu de travail, en 1976, sous le regard médusé d’Ennaâma qui n’avait alors que 6 ans. Enceinte de sept mois au moment des faits, Moguef Bent M’Hamed, la mère d’Ennaâma perd son bébé juste après sa naissance. En 1978, elle assiste impuissante à la disparition forcée, pendant 10 ans de son frère Brahim Bellagh.
Dépossédé de ses biens, Abdi disparaît quant à lui pendant 16 longues années passées aux bagnes d’Agdez et de Kelaat M’gouna, près de Ouarzazate. À sa libération en 1991, son épouse qui, elle aussi, fut arrêtée, pendant deux mois, en 1978, avait été emportée par un cancer, depuis déjà 8 ans. Aujourd’hui, Abdi est libre, mais malgré son âge avancé, il fait toujours l’objet d’une surveillance régulière.
765 jours de calvaire au premier jour de la visite de M. Ayrault
Interdit d’internat durant sa scolarité à cause de la condamnation de son père et de l’engagement de sa maman, Ennaâma réussi malgré tout ses études. En 1999, il décroche une bourse du gouvernement français qui lui permit de faire des études de droit à l’université de Paris X Nanterre.
En 2005, M. Asfari participe à la création en France, du Comité pour le respect des libertés publiques et des droits de l’Homme au Sahara occidental (CORELSO) dont il devient co-président. Objectif : sensibiliser l’opinion publique française « aux violations des Droits de l’Homme dont sont victimes les Sahraouis ». Depuis, M. Asfari participe à la plupart des procès visant ses compatriotes sahraouis et depuis, il collectionne les arrestations et les condamnations. M. Asfari est régulièrement arrêté depuis 2006, parfois, jusqu’à deux fois par an, comme en 2007. Le tarif varie entre la prison avec sursit et 4 mois de détention ferme, sans compter la panoplie d’amendes et de frais de justice.
La dernière arrestation de M. Asfari est survenue le 7 novembre 2010 à El Aaiun, la veille du démantèlement du camp de Gdeim Izik. Cela fait maintenant plus de deux ans, plus exactement 765 jours que M. Asfari est enfermé et depuis le 7 novembre 2011, fin du délai légal de sa détention, il n’a plus aucun statut, sans compter les humiliations et les mauvais traitements qu’il subit au quotidien.
Juste après son arrestation, le jeune juriste a été mis au cachot pendant 5 jours. Par la suite, il a été aperçu, pour la première fois, par des témoins au tribunal de première instance d’El Aaiun. « Il était alors en short, torse nu et son corps portait des marques de mauvais traitements », relatent les témoignages transmis à sa famille.
À l’issue de l’audience, le procureur du Roi de cette circonscription décida de le différer devant le Tribunal militaire permanent (TMP).

Traitement humiliant
Dans des conditions plus que blessantes, il est transféré, le jour même, à la prison de Zaki 2 à Salé; durant son transfert, à bord d’un avion militaire, M. Asfari avait les yeux bandés. Pieds et poings liés –au sens propre-, il avait les mains attachées derrière le dos. Jeté à plat ventre, à même le plancher, sa tête était écrasée, durant tout le trajet, entre les pieds de l’un de ses gardiens, tandis qu’un second lui marchait sur les fesses. À son arrivé à Salé, alors qu’il faisait froid, avec d’autres détenus, le militant pacifiste a passé la nuit dans la cour de la prison sans tenue vestimentaire adaptée.
Tout ceci, la famille et les proches ne l’ont su que beaucoup plus tard. Et pour cause, après son transfert à Salé,  M. Asfari a vécu une disparition forcée jusqu’au 6 décembre 2010.
Ce n’est qu’à cette date que son frère, Khaded Asfari a pu le voir après avoir parcouru plus de 920 km depuis Tan Tan.
 
Les détenus politique sahraouis 

Arrivée le même jour depuis Paris, pour exercer son droit de visite, Marguerite-C. Mangin-Asfari,, n’a pu voir son époux que le 9 décembre pendant 5 courtes minutes. Un droit recyclé en privilège et auquel elle n’a pu accéder qu’à l’issue d’un véritable parcours du combattant. Une épreuve au cours de laquelle les officiers de la justice militaire et les responsables pénitentiaires ont disposé de son temps et de sa patience comme ils l’entendaient. Tout ce qui leur passait par la tête avait force de loi qu’il ne fallait surtout pas transgresser. Tout ceci pour n’avoir au bout du compte qu’une apparition évanescente de son époux.
« Il est trop sérieux, ce n’est plus Ennaâma ! »
« On me fait entrer dans une pièce toute en largeur dans la pénombre. En face de moi, il y a un haut grillage très serré, fixé au dessus d’un mur d’un mètre de haut environ. Derrière deux rang de grillage à mailles très serrées, séparés par un no man’s land d’un mètre de large, tel un animal de zoo se tient Ennaâma, raide, les mains derrière le dos, habillé d’une veste de jogging blanche, pas rasé. Il est sur la droite de la pièce, à contre-jour devant une fenêtre sur laquelle donne le soleil. Spontanément, je lui demande de se mettre en face de moi pour que je le vois mieux. Quant à moi, je m’appuie, le front serré contre grillage en écarquillant les yeux pour tenter de mieux le voir. Mais il ne bouge pas. C’est calculé pour que je ne puisse pas distinguer son visage. Il porte des lunettes. Dans le no man’s land, de chaque côté (…), il y a des policiers en uniforme qui parlent fort entre eux, couvrant nos voix pendant tout l’entretien (…) », relate Mme Mangin Asfari. « Il me demande à avoir un avocat  français qui vienne non pas en tant qu’observateur, mais pour plaider, ici,  afin de demander et d’obtenir ses droits fondamentaux de détenu politique. À ce moment là, le directeur-adjoint m’annonce que c’est terminé. Je suis stupéfaite (…). À ce moment, je vois Ennaâma à droite qui fait demi-tour, il a toujours les mains dans le dos, sans doute menottées. Il me jette un dernier coup d’œil au dessus de son épaule et me dit au revoir sans un sourire. Je sors en état de choc. Je n’ai rien compris, il est trop sérieux, ce n’est plus Ennaâma ! », poursuit Mme Mangin-Asfari, la mort dans l’âme.
Il est vrai que par la suite, notamment après le renouvellement du mandat de la MINURSO, la situation des visite s’est améliorée. Au cours de la troisième semaine d’avril 2011 par exemple, des visites de familles ont pu être organisées. Mais l’évolution statutaire des détenus est toujours au point mort.
Lors du dernier renouvellement de la mission onusiennes au Sahara occidental, la France s’est opposée l’extension de ses prérogatives à la protection des Droits de l’Homme. Il est normal qu’aujourd’hui les détenus sahraouis s’attendent à ce qu’elle assume les

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