Polémique autour d’une visite de Kerry Kennedy



 Nouvelles du Sahara  Par Olivier Quarante, 2/9/2012
 Le Maroc a toujours du mal à laisser les observateurs étrangers sillonner le Sahara occidental et rencontrer librement les militants sahraouis. Kerry Kennedy, sur place pour le Robert F. Kennedy Center for justice and Human rights, raconte.

On se souvient qu’en mai dernier, à quelques jours de la visite que devait entamer au Sahara occidental l’envoyé spécial de Ban Ki-moon, le Maroc retirait sa confiance au représentant de l’ONU. Résultat : visite annulée. (Lire l’article publié le 15 juin sur Nouvellesdusahara )

Cette fois-ci, la visite d’observateurs étrangers a bien eu lieu, mais dans quel contexte…royaume

Une délégation du « Robert F. Kennedy Center for justice and Human rights », une fondation américaine présidée par une fille de Robert Kennedy, vient de passer plusieurs jours au Maroc et au Sahara occidental.

Après avoir rencontré plusieurs personnalités politiques marocaines, elle s’est rendue à Laayoune et y a rencontré plusieurs ONG Sahraouies qui militent pour le respect des droits humains mais non reconnues par le pouvoir marocain.

Première « faute » pour le pouvoir et la presse du Maroc.  Dès lors, la mission américaine ne pouvait plus être « objective » et « crédible ». Crime de lèse-majesté, les membres de la délégation se sont rendus au domicile de Aminatou Haidar, véritable égérie des militants sahraouis favorables à l’indépendance du Sahara occidental.

La délégation n’était sur place que depuis trois jours que, selon le communiqué publié sur le site du Gouvernement du Maroc, « la presse quotidienne de ce mercredi (NDLR : 29 août) continue de commenter la mission de la Fondation Robert Kennedy dans les provinces du sud, soulignant que cette dernière n’a pas réussi à faire preuve de crédibilité, de neutralité et d’impartialité, en épousant les thèses des ennemis de l’intégrité territoriale du Royaume« .

Pourtant le 29 août, à l’issue d’un entretien qui s’est tenu entre Kerry Kennedy et le premier vice-président de la Chambre des conseillers, Mohamed Faouzi Ben Allal, il était noté, dans un autre communiqué officiel que « Kerry Kennedy, qui a indiqué avoir rencontré des représentants d’ONG et des autorités locales dans la région, a assuré n’avoir pas de positions préconçues sur la situation des droits humains au Sahara« .

On reconnaît là une stratégie habituelle orchestrée par le pouvoir marocain de chercher à discréditer systématiquement celui -fut-il étranger- qui n’épouse pas d’emblée la position officielle. « Pas de positions préconçues » + rencontre avec des ONG Sahraouies opposées au Maroc = pour les thèses séparatistes.

Illustration : « Dès le premier jour de sa visite à Laâyoune, la présidente de la Fondation Robert F. Kennedy pour la justice et les droits de l’Homme (RFK), Mme Kerry Kennedy, a fait montre d’un manque flagrant d’objectivité, en privilégiant les rencontres avec des individus porteurs de la thèse séparatiste, au détriment des sahraouis unionistes qui crient à la provocation« , peut-on lire dans un autre communiqué officiel daté du 27 août.

Il faut dire aussi que la publication par Kerry Kennedy sur le site de la fondation d’un texte relatant un incident survenu très vite, lors de son arrivée à Laayoune, n’a sûrement pas beaucoup plu : Lire le compte-rendu de cet incident repris par plusieurs organes de presse .

Derrière cette polémique et ces tensions, c’est bien la question de la suite à donner à une revendication portée par plusieurs pays à l’ONU pour que soit mis au point un dispositif de surveillance du respect des droits de l’homme, au Sahara occidental comme dans les camps de réfugiés en Algérie. Le Front Polisario a depuis longtemps donné son accord.

Pour aller vers la résolution du conflit, tous les observateurs estiment que l’évolution de la position de pays comme la France est essentielle. Jusqu’à maintenant, le pouvoir français a toujours refusé l’ajout de ce volet « surveillance des droits de l’homme » à la mission onusienne sur place depuis 20 ans, contrairement à d’autres pays comme le Royaume-Uni, l’Autriche, l’Ouganda, le Nigeria ou le Mexique.

« Toutes les missions de maintien de la paix de l’ONU établies depuis 1991 disposent de ces mécanismes, qui reposent sur le constat que toute paix durable s’appuie sur le respect des droits de l’homme. Partout ailleurs, du Darfour au Timor Leste, en passant par le Kosovo, la France soutient pleinement l’intégration croissante des questions touchant aux droits de l’homme dans les missions de l’ONU. Il n’y a que sur le dossier sahraoui que Paris s’arc-boute, persistant à défendre une anomalie historique« , dénonçait Philippe Bolopion, directeur ONU de Human Rights Watch, le 22 décembre 2010 dans Le Monde. (Point de vue à lire ici )

Après les violences de novembre 2010 au Sahara occidental, la France avait refusé également l’envoi d’une mission d’enquête.

La délégation américaine a poursuivi sa mission en se rendant dans les camps de réfugiés au sud-ouest de l’Algérie, dans la région de Tindouf.

Les articles fustigeant le comportement du Polisario qui aurait empêché la délégation américaine de « rencontrer dans les camps de Tindouf en toute liberté des milliers de séquestrés sahraouis qui sont privés de leurs droits et libertés les plus élémentaires« , comme on peut le lire par exemple ici , étaient déjà nombreux, avant même que le séjour de la mission se termine.

Des manifestations de mécontentement ont lieu dans les camps de réfugiés depuis plusieurs mois.  Mi-juin, par exemple, une route a été bloquée pour dénoncer les conditions de vie trés dures dans les campements, les agissements de la police de Tindouf, le couvre-feu à minuit… Certains sites pro-marocains évoquent le cas d’opposants au Polisario qui auraient été mis à l’écart pour ne pas être vus par la délégation US, sans apporter de preuves. Il est fait mention notamment du cas du chanteur sahraoui, Najem Allal, qui dénonce dans une de ses chansons la corruption qui toucherait de hauts responsables du Front Polisario. Mais, certains sites, comme celui d’emarrakech.info , avancent que c’est la délégation elle-même qui aurait refusé de le rencontrer.

La guerre de la propagande se poursuit.


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 Sahara: Rabat ne respecte pas les droits humains, selon la Fondation Kennedy 

Par ©AFP / 03/9/2012


RABAT - Le Maroc ne respecte pas les droits humains au Sahara occidental, affirme la Fondation Robert-Kennedy dans un rapport préliminaire publié au terme d'une visite dans cette région où règne, selon elle, un climat de terreur du fait notamment de l'omniprésence policière.

Cette Fondation, dirigée par Kerry Kennedy, a déjà rédigé par le passé un rapport critique sur la situation au Sahara occidental et elle est accusée par Rabat de parti pris en faveur du mouvement indépendantiste Polisario.

Nous nous étonnons de la rapidité avec laquelle a été élaboré ce document qui s'aligne sur les thèses de l'autre partie, a réagi lundi soir auprès de l'AFP le porte-parole du gouvernement, Mustapha al-Khalfi, dénonçant la nature biaisée de cette organisation et assurant que Rabat poursuivrait la consolidation des droits de l'Homme dans toutes les régions du royaume.

Dans son rapport préliminaire transmis à l'AFP, la Fondation Kennedy, qui a bouclé sa visite au Sahara occidental le 27 août, note quelques évolutions positives depuis son précédent séjour, début 2011, comme l'adoption d'une nouvelle Constitution au Maroc garantissant, entre autres, une plus grande liberté d'expression.

Elle se félicite aussi du rôle du Conseil national des droits de l'Homme (CNDH), un organisme officiel dont elle a rencontré la semaine dernière les membres lors d'un passage à Rabat.

Mais la Fondation dresse un réquisitoire contre les autorités marocaines dans le récit de son séjour à Laâyoune, la capitale du Sahara occidental.

L'omniprésence des forces de sécurité, les violations du droit à la vie, à la liberté, à l'intégrité physique, à la liberté d'expression, de réunion et d'association crée un climat de terreur et d'intimidation en violation de la loi et du respect des droits humains, affirme le rapport.

La Fondation, qui dénonce un quasi état d'impunité s'agissant des violations des droits humains, demande au gouvernement du Maroc de mettre un terme au recours à la violence à l'encontre des Sahraouis pro-indépendance.

A titre d'exemple, elle se plaint de la surveillance très étroite dont elle a été l'objet et déclare avoir assisté à une scène de violence contre une manifestante.

L'oppression contre ceux qui critiquent le gouvernement (...) n'est pas digne du royaume du Maroc, qui a fait des progrès considérables au cours de la dernière décennie en matière de garanties des droits humains, conclut Kerry Kennedy.

Durant sa visite au Maghreb, la Fondation s'est également rendue dans les camps de réfugiés sahraouis de Tindouf, en Algérie, qui soutient le Polisario, mais elle n'y consacre qu'une brève partie de son rapport.

Les conditions de vie y sont insuffisantes et après bientôt quatre décennies (elles) ne sont plus acceptables et affectent gravement les vies (...) de plus de 100.000 réfugiés, est-il écrit.

Sur ce point, M. Khalfi a dit regretter que la situation des droits humains à Tindouf n'ait pas été soulevée.

Le Maroc propose une large autonomie, sous sa souveraineté, au Sahara occidental, ex-colonie espagnole annexée en 1975, ce que rejette le Polisario.