Par Salah Elayoubi, 3/9/2012
Un portefeuille en peau de Hérisson
On savait le portefeuille de Mohammed VI, en peau de hérisson
véritable, particulièrement lorsqu’il s’agit d’y mettre la main, pour
restituer à ses compatriotes un peu de ce qu’il leur a pris.
Le roi est encore plus avare envers les plus modestes d’entre eux,
lorsque ceux-ci s’aventurent à défendre son régime et ses pratiques
moyenâgeuses. Et s’il a définitivement perdu son titre de « Roi des
pauvres », il le doit tout autant à son affairisme coupable et sa soif
d’enrichissement, qu’à l’indigence de sa générosité.
Tout au plus lui reconnaît-on, ici ou là, quelques postures, dont on
sait qu’elles ne mangent pas de pain et ne lui coûtent rien, comme cette
piètre « Harira », cette soupe du ramadan et les misérables ingrédients
qu’il distribue aux nécessiteux, le tout payé du produit du racket et
des caisses de l’Etat marocain.
Pour se convaincre de tout cela, il fallait se trouver samedi
dernier, au Trocadéro, où se sont exportées les pratiques indignes du
makhzen, consistant à réquisitionner quelques pauvres bougres acheminés
depuis Metz, sous bonne escorte vigilante de quelques sbires du régime,
grimés, pour l’occasion, en patriotes.
Des baltajis réquisitionnés pour les besoins de la cause monarchiste
Au péril de leur vie familiale, sinon de leur vie tout court et
contre la promesse d’un aller-retour en autocar et d’un sandwich arrosé
d’un soda, ces pathétiques destins brinquebalés d’une cause à l’autre,
ont eu pour seule heure de gloire de regarder passer derrière le cordon
de CRS qui contenait leurs velléités, les amoureux de la liberté qui
s’en allaient crier leur refus de courber l’échine, devant leur
semblable.
Ils ignorent sans doute encore, à l’heure où ces lignes sont écrites,
instrumentés qu’ils sont, que l’enjeu de cet après-midi là, était aussi
leur propre dignité que d’autres étaient allés défendre !
Larbi Maâninou, aura eu ce commentaire lourd de vérité pour résumer leur condition:
« ..En face des vieux embarqués de Metz, débarqués de
leur car, au Trocadéro faisaient pitié. J’avais envie de les embrasser
alors qu’ils mangeaient leur sandwich et buvaient leur canette de coca
… Ces personnes d’un âge certain ont été obligées de se
déplacer pour nous faire face. La police les a cantonnés dans un coin
pour éviter tout débordement provoqué par les vrais voyous du Maroc. Ils
sont sur le chemin du retour et je leur souhaite une belle soirée qui
leur fera oublier cette indignité qu’on leur a fait subir… »
Ahmed Benani en tête de cortège, lors de la marche en direction de l’ambassade du Maroc
Une poignée de citoyens pour des millions d’autres
Ils étaient tout juste une centaine.
A eux seuls, ils en ont représenté des millions d’autres, en ce jour
mémorable du premier septembre, à Paris, Rue Le Tasse, siège de
l’ambassade du Maroc. Le choix du lieu s’imposait, tant les locataires,
pourtant censés représenter les intérêts du peuple marocain, se plaisent
à répéter cyniques, devant les caméras du monde qu’ils courtisent à
coups de ronds de jambes, de pâtisseries et de discours dégoulinants de
miel qu’ils sont les ambassadeurs de Sa Majesté.
Il s’agissait pour les militants de tous bords, de parodier la
cérémonie de la Beyaa, tout comme avaient tenté de le faire une poignée
d’autres à Rabat, avant de se faire brutalement disperser par des
policiers aux méthodes aussi brutalistes que voyoutes.
Le monde est soudain devenu étroit pour les dictateurs. Ce qui n’a pu
se tenir convenablement, dans la capitale marocaine, s’est exporté
naturellement, ailleurs.
Une belle revanche sur le régime marocain à la main bien lourde et
qui est en proie, par les temps qui courent, à une contestation
généralisée, sinon de son existence, du moins de ses méthodes
révoltantes, par ces « focos » rêvés par le Che et qui sont menés
pacifiquement, par les citoyens marocains et les militants de tous
bords, laissant la violence, les voies de faits et l’arbitraire au camp
d’en face. Et si la cérémonie de Paris a définitivement achevé de
ridiculiser celle du Mechouar et ses défenseurs, le roi si autiste et si
vaniteux ne pourra s’en prendre qu’à lui-même !
Il y avait de tout dans cette réunion des justes, sous un soleil radieux !
Il y avait ce capitaine de l’armée de l’air marocaine, en tenue d’été, béret vissé sur la tête.
Militaire un jour, militaire pour toujours dit le dicton. Et Mustapha
Adib est sans doute le meilleur d’entre eux. Le plus courageux aussi,
dont l’histoire dit qu’il a bu le calice de l’injustice, jusqu’à la lie,
pour avoir dénoncé la corruption et l’injustice. Un comble ! Il est
aujourd’hui l’objet de toutes les « assiduités », de tous les
ostracismes et de toutes les injustices qui lui font dire qu’il n’est
plus marocain. Qui pourrait le blâmer d’avoir prononcé ce truisme, et
d’avoir voulu le traduire dans les faits, en faisant vœu de renonciation
à la nationalité de ses parents qui ont pourtant tant donné à leur
patrie !
Il y avait aussi Ahmed Benani, le politologue, et professeur
universitaire qui, de son langage exquis, avoue à longueur d’année, sur
ses pages Facebook, dans ses conférences ou ses réunions privées, ne
plus supporter l’autisme de ce régime arc-bouté depuis toujours sur ses
injustices et ses pratiques douteuses. Il est accouru de ses hauteurs
lausannoises pour haranguer les siens et appeler de ses vœux cette «
Aube citoyenne ».
Il y avait Anas Chadil, cet élève-ingénieur qui, le premier, au soir
du 24 août, avait eu l’idée lumineuse de cette « waqfa », devant
l’ambassade du Maroc à Paris!
Il est reparti depuis à Nantes, préparer sa soutenance prévue ce
lundi, apaisé d’avoir pu dire son mot, sur la question de cette satanée
allégeance.
Il y avait Zineb El Rhazoui. Celle des grands jours et de tous les combats.
Déguisée en maîtresse de cérémonie, la pasionaria de la démocratie,
était à faire hurler de rires un couvent des bonnes sœurs, mais qui,
comme à son habitude, lorsqu’il s’agit de dénoncer les travers des
dictateurs ne déridait pas de colère ! Moment de clownerie assuré tout
de même !
L’ombre des absents
Enfin il y avait l’ombre de tous ces absents, qui planait sur cette
manifestation de la dignité contre l’indignité, de la liberté contre la
soumission et de la citoyenneté contre l’assujettissement ! Ils sont
légions les laissés pour compte, les pauvres, les misérables, les
affamés, les spoliés, les oubliés du régime et nos militants. Ils
s’appellent Abderrahmane Assal, Mouad Belghouat, Younes Belkhdim, Samir
Bradley, Nour Essalam Kartachi, Leila Nassimi, Youssef Oubella, , Tariq
Rochdi, et tant d’autres, emprisonnés pour avoir dit leur refus de la
servitude et du déni de droit.
La comédie de la beyaa aura vécu, le temps d’un après-midi
particulier, sous une protection policière qui, pour une fois, aura
profité aux démocrates. Elle aura eu pour théâtre les parvis des droits
de l’homme au Trocadero et celui de l’ambassade du Maroc, cet antre de
la dictature et son symbole. Un jour, sans doute, la parabole s’écrira
dans l’autre sens ! Ce jour-là, les marocains rendus enfin à leur
dignité citoyenne, n’auront besoin ni de protection des forces de
l’ordre, ni d’allégeance dégradante due à un de leurs semblables.
http://youtu.be/aGfJ5KHKY2w
http://youtu.be/GQ1hMCYutgY
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