par Salah Elayoubi, 21/1/2012
Ne vous fiez pas aux images d’Epinal, distillées par l’office marocain du tourisme dans ses brochures alléchantes, pour touristes, en mal de dépaysement.
Elle est sans commune mesure avec ce que véhicule la littérature contemporaine, sauf à compulser les revues et visionner les reportages, relatant les malheurs de populations en proie aux guerres, aux catastrophes naturelles ou aux confiscations entreprises par les multinationales.
La route qui relie Aït Hani à Rich, passe par Imider. Elle serpente au fond des gorges du Todgha, en calquant son cheminement sur celui de l’Oued du même nom, qui puise son hydrographie, dans les réservoirs inépuisables du Haut-Atlas.
Partout où les hommes ont réussi à domestiquer cette ressource vitale, qu’est l’eau, celle-ci le leur a rendu au centuple, faisant naître des tâches de verdure salvatrices, éblouissantes de beauté et d’harmonie, à l’ombre desquelles s’est épanouie la vie, certes fragile, mais autosuffisante, d’un chapelet de populations.
Quelques ressources naturelles, exploitées à bon escient, auraient suffi à apporter un complément à ce bonheur, en permettant de financer la santé, l’éducation, la formation sportive, l’accès à la culture. En un mot, tout ce qui contribue à l’épanouissement des populations et fait la fierté du citoyen d’appartenir à une Nation.
Imider avait un peu de tout cela : de l’eau, du soleil, une mine d’argent et une population courageuse, intelligente et besogneuse.
Tout pour bien faire !
Sauf que !
Sauf que, aux fourches caudines du colonialisme, ont succédé celles de l’ONA, par le pactole de millions d’Euros annuels, alléché.
Ce géant spécialisé dans la confiscation, imite, à s’y méprendre, la technique du rapace, prélevant sa dîme, sur le cheptel, pour s’en aller la déchiqueter et la dévorer dans son nid. Encore que, contrairement à ces oiseaux magnifiques, qui contribuent, de façon souveraine, à l’équilibre du biotope dans lequel ils évoluent et ne tuent que pour leur subsistance, le groupe royal se révèle un prédateur impitoyable, boulimique, « collectionniste » et destructeur, appliquant à la région, des méthodes proprement mafieuses, consistant à ratisser, le plus largement possible, les richesses, pour les exfiltrer, ensuite, du pays, afin de les transformer en devises, stockées dans les banques européennes et américaines, le coût des infrastructures, de la main-d’œuvre, des études, de la sécurité restant, comme de bien entendu, pour grande part, à la charge du contribuable marocain.
Qui s’étonnera, dès lors, face à tant d’impunité, de voir le principal actionnaire de cette multinationale, caracoler en tête du hit-parade des fortunes mondiales ?
Au village, qui semble avoir été oublié des hommes et des dieux, les femmes, surgies de leurs masures vernaculaires décrépies, plantées au milieu de nulle part, racontent aux vidéastes amateurs, une histoire qui en rappelle une autre, celle de cette saga hollywoodienne des années 70, créée par Larry Cohen, « Les envahisseurs » et où il est question d’eau raréfiée et polluée au mercure, d’hélicoptères virevoltant à basse altitude pour terroriser, de miliciens venus d’ailleurs, en voitures banalisées, enlever des citoyens, pour les conduire, manu militari, dans l’antre de la mine, pour les y battre, les torturer, menacer d’attenter à leur vie, à celle de leur famille ou à l’honneur de leurs filles, de leurs femmes ou celui de leurs sœurs.
Une tragédie que contemplent des gendarmes débonnaires, mains dans les poches, cigarette au bec et arme au pied, quand ils n’y participent pas, en donnant, purement et simplement la chasse, jusque dans la montagne, aux hommes, venus protester, contre le détournement de l’eau du village, pour les besoin de la mine.
Plusieurs femmes exhibent des hématomes indescriptibles autant qu’insupportables, infligés par les matraques de nervis, venus appliquer, avec une sauvagerie inouïe, le châtiment décidé, dans le confort d’une exo planète du côté de Rabat, à l’encontre de ces empêcheurs de rapiner en rond.
- « Nous ne nous arrêterons plus ! Qu’ils nous tuent ou qu’ils nous donnent nos droits ! », crie l’une d’elles, paraphrasant, bien involontairement, ce que gronde le peuple, ailleurs, dans nos villes.
D’autres évoquent le sort d’un des enfants d’Imider, Mustapha Ouchtoubane, ce héros de la résistance au pillage, tombé dans un traquenard tout aussi grossier et tout aussi grotesque que celui tendu à ce chanteur de Casablanca qui a osé défier le roi et sa mafia.
Sauf que Mustapha a eu le malheur de naître, dans ces montagnes éloignées, où le silence est une chape facile à déployer.
Autre tragédie, exprimée par d’autres mots, tout aussi pathétiques, tenus par ces villageois berbères des Aït Hdiddous, enclavés dans leurs villages, à l’adresse des quelques militants de la société civile et du mouvement du vingt février, venus leur porter secours, dans le froid glacial, qui fendait la pierre, en ce mois de janvier 2012:
- « Nous n’avons pas besoin d’argent, ni de couvertures. Nous avons besoin que l’on parle de notre cause ! »
Lors de son élection à la tête du Parti Socialiste Unifié, Nabila Mounib avait eu ces quelques mots à l’endroit de ses camarades :
- « J'ai une pensée toute particulière pour d'autres femmes qui ne me liront peut être jamais, car elles vivent en marge de la lecture et de la dignité . Des femmes qui sont exclues et pour lesquelles la survie reste un combat de tous les instants. »
Sans doute Nabila pensait-elle à ces femmes d’Imider ou d’ailleurs, qui livrent, pour l’histoire, de poignants récits et témoignages de leurs souffrances pour que plus jamais l’histoire ne les oublie, comme elle l’a fait, tant de fois, depuis l’arrivée de ces envahisseurs, semblant venus d’une autre planète, avec pour destination le Maroc et ses richesses et pour but avoué, en faire leur univers !
Lire aussi : "les indignés de Tinghir", solidmar 18/1/2012
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