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mardi 24 janvier 2012

Prison d’Oukacha: L7a9ed raconte…


Par Alaebennani, 24/1/2012

Après quatre mois de détention, Mouad Belghouate, Alias Lhaqed, est relaxé mais non innocenté, malgré les multiples preuves présentées devant la Cour. Dans cet entretien, le jeune rappeur nous parle du monde troublant de la prison Oukacha, de son procès et de ses positions sur un Maroc agité.
Mouad-Belghouate« L’abus de pouvoir et la torture m’ont notamment marqué dans cette prison, qui n’a rien de correctionnel », témoigne Mouad Belghouate.
A votre avis, pour quelles raisons la justice vous a-t-elle relaxé ?
Il y a eu la pression de la rue, tout simplement. Elle était obligée de me libérer, sinon un drame allait arriver. A ma sortie de prison, j’ai remarqué sur Internet qu’il y avait beaucoup d’indignés comme moi. Les gens ne peuvent plus se taire face à l’injustice. Il est devenu inconcevable au Maroc de jeter quelqu’un en prison pour ses opinions. Cela m’enchante et nous persisterons dans ce combat jusqu’à faire triompher les droits humains dans ce pays.

Quel comportement avaient les responsables de la prison d’Oukacha à votre égard ?
Ils se comportaient avec moi de manière respectueuse. Par contre, j’ai remarqué que certains prisonniers n’ont pas droit au même comportement. On les a introduit dans un cercle vicieux et corrompu. Quand ils ne donnent pas assez d’argent aux responsables, ils sont maltraités comme pas possible. La hogra sévit dans cet établissement pénitencier.

Parlez-nous un peu de la vie à l’intérieur d’Oukacha ?
Tout s’achète en prison. C’est un petit Maroc et qui dit « Maroc », dit « prévarication ». A Oukacha aussi, il y a le boss qui fait ce qu’il veut, et autour de lui, un petit gouvernement au caractère assez mafieux. Ils font majoritairement tous du business autour de la drogue. On arrive facilement à reconnaître les dealers. Ces derniers se mettent normalement d’accord avec les responsables de la prison pour faire leur petit commerce, en échange d’une bonne part du bénéfice. Mais ce n’est pas tout. Il y a aussi beaucoup de médicaments et d’antidépresseurs pour malades mentaux qui circulent sans prescription médicale. On peut aussi y « louer » sa cellule pour dormir. Si tu as du fric, tu es bien logé. Si tu es à sec, on te donne une cellule exagérément petite. Autre image d’Oukacha, si un détenu est passé à tabac par un autre détenu pour une quelconque raison et se plaint, l’agresseur peut donner de l’argent pour que les responsables de la prison détournent le regard. Quant à la nourriture, je n’ai même pas les mots pour la décrire tellement elle est infecte, surtout la manière avec laquelle elle est servie. Les cellules souffrent d’un encombrement insupportable : une quarantaine de détenus sont entassés dans une cellule qui, normalement, n’en abriterait que seize. La cellule 6, où j’étais, hébergeait quatre personnes, alors qu’elle est réservée à un seul détenu. Tout ceci reflète l’image de la justice au Maroc. Là-bas, la majorité des détenus se disent innocents. L’abus de pouvoir et la torture m’ont notamment marqué dans cette prison, qui n’a rien de correctionnel.

A votre sortie de prison, Al Adl Wal Ihssan ne marche plus aux côtés du Mouvement du 20 février lors des manifestations. Comment accueillez-vous cela ?
Ils sont libres d’adhérer à n’importe quelle mouvance. Ils sont matures et savent très bien ce qu’ils font. Je pense que leur combat est loin d’être fini.

Votre nouvel album rap, vous l’avez écrit derrière les barreaux. De quoi traite-t-il exactement ?
Mon nouvel album se situe dans la même logique de militantisme artistique. J’ajouterais à cela quelques anecdotes sur la prison, le nouveau gouvernement antidémocratique, mais aussi sur les ambitions de la jeunesse.

Pensez-vous que l’art et le rap, seuls, peuvent aider à faire changer les choses ?
Historiquement, l’art est un agitateur de foules et d’émotions. Derrière chaque révolution, on trouve des artistes. Cela aide à briser les tabous et à surpasser les lignes rouges. L’art ne peut pas tout changer, mais il piétine la peur et c’est déjà ça.

Par quoi, à votre avis, faut-il commencer pour avoir un espoir dans l’avenir démocratique du pays ?
La justice, une vraie. Sans elle, rien ne va. Grâce à elle, tout prend forme.

Avez-vous peur pour votre art, maintenant que le PJD est au pouvoir ?
Le PJD n’a justement aucun pouvoir. C’est juste un outil du Palais pour calmer les esprits.

Le Mouvement du 20 février vit une crise désespérante. Comment, à votre avis, ce mouvement pourrait-il se ressaisir ?
Nous avons commis beaucoup d’erreurs. Je pense que les débats stériles doivent céder la place à l’action. Tout le monde doit apporter sa bûche au feu du mouvement. Même sans ce dernier, les gens doivent apprendre à réagir contre la hogra.

Du neuf, côté travail ?
Je travaillais au sein d’une société de câblage avant d’aller en prison. Le tribunal doit m’innocenter, sinon mon employeur aura du mal à me reprendre. Nous avons fait appel et mon innocence, je l’aurai coûte que coûte.

Si les organisateurs du festival Mawazine vous invitaient, vous répondriez quoi ?
(Rires). Vous connaissez déjà ma réponse…◆

Paru dans le Soir Echos : http://bit.ly/A73XAq

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