Par Kamal Lahbib, coordinateur du collectif associatif pour l’observation des élections au Maroc, ex-secrétaire général du Forum des alternatives Sud, 15/12/2011
Kamal Lahbib |
« Un an d’histoire précipitée et un premier bilan s’impose. Les mouvements de protestation dans la rue de tendance démocrate moderniste, voire laïque, ont déclenché un processus électoral qui a porté au pouvoir des partis islamistes conservateurs. La Tunisie, l’Égypte, le Maroc – même la Libye – sont confrontés à ce paradoxe.
Deuxième constat, la démocratie représentative a ses limites. Ces pouvoirs nouvellement élus ont une faible légitimité. Sans doute en raison d’un lourd passif de pratiques électorales falsifiées durant des années, le taux de participation aux élections a été faible : 56 % des inscrits en Tunisie, 45 % au Maroc. Mais si l’on regarde de plus près, il y a eu au Maroc deux millions d’inscrits en moins que pour les élections législatives de 2007. En réalité, à peine 28 % des votants potentiels ont voté…
Enfin les mouvements qui ont emporté ces pays sont l’aboutissement de revendications à caractère social. Mais ce n’est pas l’Assemblée constituante en Tunisie qui va régler les questions d’accès à la terre, au logement, au travail, à la santé et à l’enseignement.
Pousser à des réformes profondes
De plus l’environnement global de crise va faire caisse de résonance. Les pays seront contraints d’adopter des mesures pour s’intégrer à l’économie libérale sur la scène internationale. Or il y a une contradiction fondamentale entre le système libéral dominant et les intérêts des sociétés pauvres de nos pays. Tout ceci risque d’exacerber les conflits. Les manifestations vont probablement reprendre de plus belle. Les mouvements sociaux vont s’amplifier.
Les révolutions vont continuer pour pousser à des réformes profondes. Certes les pays sont à des degrés d’avancement divers, la Tunisie est jusqu’à présent le meilleur modèle. Le Maroc n’a, lui, procédé qu’à de petites retouches.
La part d’optimisme réside dans la conviction que la lame de fond en faveur de la démocratie, de la liberté, de la dignité et de la justice sociale ne s’arrêtera pas. Aucun retour en arrière n’est possible. Le défi sera d’arriver à maintenir la contestation dans un mouvement pacifique et de trouver des solutions consensuelles pour bousculer les systèmes classiques anciens et compenser la faiblesse de la démocratie représentative.
À l’instar d’initiatives menées dans certains pays d’Amérique latine, nous devons innover en matière de démocratie participative, créer de nouveaux modes de représentation et de régulation et mener un travail en profondeur pour rétablir la confiance dans les institutions. Il faudra de l’audace et de la créativité. Les mois et les années qui viennent ne seront pas faciles. »
Recueilli par MARIE VERDIER
http://www.la-croix.com/Actualite/S-informer/Monde/Kamal-Lahbib-Au-Maroc-les-mouvements-sociaux-vont-s-amplifier-_EG_-2011-12-15-747288
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