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mercredi 7 octobre 2009

Khadija Ryadi, du syndicalisme aux Droits de l'Homme

Par Aïcha Akalay, L'économiste, 5/10/2009

A la tête de l’AMDH depuis 2007· Son combat: liberté, égalité… et féminisme!· Entre Marx et Vanessa Redgrave

«Nous luttons pour que vive l’homme et meure le dragon». Khadija Ryadi aurait pu accoucher de ces mots. Ils naîtront sous la plume poétique de Saïda Menebhi, le 17 novembre 1976, alors qu’elle était détenue dans le sinistre commissariat de Derb Moulay Cherif. Khadija n’oubliera jamais Saïda, cette figure emblématique de la lutte des détenus politiques. Madame la présidente de l’Association marocaine des droits humains doit peut-être beaucoup à Saïda Menebhi, et elle le lui rend bien. «La mort de Saïda a donné la vie à beaucoup d’autres personnes», dit-elle avec émotion. Saïda est un modèle, une idole… mais surtout la preuve que le courage se puise dans les principes et les grands idéaux. Et des principes, Khadija Ryadi en a à revendre. Beaucoup trop selon ses détracteurs qui l’estampillent «d’intégriste des droits de l’Homme».

Pourtant, Khadija n’a pas de barbe pour coiffer ce sobriquet. Le sourire avenant, la voix douce, une disponibilité sans faille, elle inspire d’abord la bonhomie. Elle est surtout d’un grand flegme. Déconcertant d’ailleurs, quand on connaît l’énergie explosive dont elle fait preuve dans les manifestations, quitte à prendre de sacrés coups de gourdin. Sa coupe à la garçonne est là pour rappeler son dynamisme et son côté bien ancré dans l’air du temps. Flirtant avec la cinquantaine, elle en fait dix de moins. Elle dira sans doute que son secret de jouvence, c’est le militantisme.

Khadija est née le 27 décembre 1960, un mardi comme Karl Marx. A Rabat, elle grandit plongée dans le monde ouvrier, tellement cher au philosophe de la lutte des classes. Papa était syndicaliste très actif et maman s’occupait des tâches ménagères et de l’éducation de la marmaille. Bien évidemment Khadija tient beaucoup de son père. Elle a lu étant petite les nombreuses lettres de menaces et d’intimidation qu’il recevait. De là prendra source la révolte. Elle voulait être architecte ou professeur de sciences naturelles, mais ce sont ses deux sœurs qui le seront à sa place. Khadija, une fois son bac en poche en 1978, poursuit des études d’informaticienne à l’Insea (Institut national de sSatistique et d’Economie appliquée).C’est à cette époque qu’elle se familiarise avec le militantisme (de gauche) en intégrant l’Unem (l’Union nationale des étudiants marocains).
Dans les années 1980, elle fait aussi partie d’un ciné-club, où l’organisation de la Semaine de la Palestine chaque année restera son meilleur souvenir. Moins par amour du cinéma que par conviction politique, elle reste marquée par l’engagement de Vanessa Redgrave. L’actrice du fameux «Blow up» d’Antonioni, et égérie du cinéma anglais des années 1960 et 1970, produisait à cette époque de nombreux films sur la révolution palestinienne. Khadija sera touchée par cette militante trotskyste qui soutient une cause, non pas par solidarité religieuse ou ethnique, mais par souci d’universalisme.Khadija s’imposera la même exigence. Membre de l’UMT (Union marocaine du travail) puis de l’AMDH, avant d’en prendre la présidence en 2007, elle garde comme référentiel, dans tous ses combats, les traités internationaux qui régissent les droits de l’Homme. Cette Marocaine qui se dit d’abord Africaine, puis citoyenne du monde, livre un diagnostic inquiétant de l’état des droits humains au Royaume. Selon elle, «nous ne sommes pas dans un pays démocratique», et «toutes les avancées que nous avons connues (droits civiques, politiques et droits des femmes) ne sont que partielles. Quant aux droits économiques, sociaux et culturels, ils sont à un stade catastrophique. C’est incroyable de constater que dans l’indifférence générale, l’école est en faillite et, par conséquent, tout l’avenir du Maroc en danger». Khadija ne badine pas avec l’humain. Quitte à être à contre-courant, elle demande d’abord une révision de la Constitution en vue d’une harmonisation avec les traités internationaux dont le Maroc est signataire. L’égalité des hommes et des femmes, notamment sur la question de l’héritage, le respect des libertés privées (d’où son soutien au mouvement MALI récemment), l’abolition de la peine de mort… sont autant de dossiers sur lesquels elle ne manie pas la langue de bois. Sa réserve, par contre, pointe son nez quand il s’agit de parler de sa relation avec Annahj Addimocrati dont elle a longtemps fait partie. Soucieuse d’être avant tout présidente de l’AMDH, elle met au placard ses opinions politiques le temps d’une interview. Pas de bureau pour la présidente de l’AMDH, elle accueille dans une salle de réunion et sacrifie sa pose déjeuner de fonctionnaire surbookée pour défendre encore et toujours ses idées. Khadija aurait pu détourner la devise française pour résumer son combat: liberté, égalité… et féminisme!

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