La
France compte aujourd’hui près de 1.034 médecins marocains nouvellement
inscrits au 1er janvier 2013 au tableau de l’Ordre des médecins, soit
5,8%. Le Maroc devance ainsi la Tunisie (2,5%) et l’Egypte (1%) et fait
moins que l’Algérie (24,1%) qui représente quasiment un quart des
médecins étrangers exerçant en France. C’est ce qu’a révélé la septième
édition de l’Atlas national de la démographie médicale de France, publié
le 4 juin dernier par le Conseil national de l’Ordre des médecins
(CNOM).
Selon ce document dont nous avions fait état lors de nos précédentes
éditions, le nombre des médecins titulaires d’un diplôme européen et
extra-européen s’élève à 17.835 soit 9% des médecins inscrits en
activité régulière au tableau de l’Ordre. Une proportion en nette
progression ces dernières années et qui touche l’ensemble des régions de
France métropolitaine. En effet, sur la période 2008-2013, ce nombre a
augmenté de +43%. Et d’ici à 2018, leurs effectifs devraient continuer à
augmenter de 34%.
Un accroissement qui risque de toucher de plus en plus de médecins
marocains candidats à la migration vers la France qui ont vu leur nombre
augmenter d’une année à l’autre. En 2011, on estime à plus de 5.000
personnes, les Marocains qui travaillent dans le domaine de la santé
(médecins, chirurgiens, dentistes, etc.). Les statistiques officielles
de l’époque parlaient de 1.400 spécialistes marocains, soit 15 à 20% des
praticiens en fonction. Une tendance observée déjà en 2006 qui a
enregistré un taux de 31 % de médecins marocains exerçant à l’étranger,
contre 44 % d’Algériens, et 33 % de Tunisiens.
Pour Mohamed Dahmani, secrétaire général du Conseil national du
Syndicat national de la santé publique (SNSP), ces chiffres n’ont rien
de surprenant. « La migration des médecins marocains vers l’Occident est
devenue un véritable phénomène ces dernières années. Elle touche
aujourd’hui toutes les spécialités et elle est fortement concentrée dans
les pays francophones notamment la France, la Belgique, la Suisse et le
Canada», nous a-t-il précisé.
Même constat de la part du Dr Naciri Bennani Mohamed, président du
Syndicat des médecins du secteur libéral (SMSL) : «Il y a près de 8.500
médecins marocains à l’étranger, et chaque année, on constate de
nouveaux départs.
Selon des statistiques du ministère de la Santé, entre 2008 et 2011,
le nombre des médecins du secteur privé a chuté de 8.317 à 7.934 à cause
de cette immigration vers l’étranger», a-t-il souligné.
Comment ces deux professionnels expliquent ce phénomène? Il y a
d’abord la question de la formation. «Beaucoup de médecins marocains ont
fait leurs études dans les facultés européennes et peu nombreux sont
ceux qui décident de rentrer au pays. De même pour ceux qui ont opté
pour l’étranger pour faire une spécialité», nous a indiqué Mohamed
Dahmani. Un avis partagé par Dr Bennani qui ajoute un autre argument,
celui relatif aux conditions de travail et des salaires jugés plus
attractifs qu’au Maroc.
La forte demande des médecins marocains de la part de la France
explique également l’amplification de ce phénomène. «Aujourd’hui,
beaucoup de maires de villes françaises contactent des médecins privés
marocains pour qu’ils viennent travailler à l’Hexagone en leur
garantissant un cabinet et un logement ainsi que des matériels médicaux.
Mieux, ces médecins ont la possibilité de travailler dans le secteur
libéral », nous a-t-il déclaré. En France, les médecins marocains,
présents dans toutes les spécialités, sont connus pour leur compétence
et leur sérieux. Ils sont plus représentés dans les spécialités
médicochirurgicales et privilégient le mode d’exercice hospitalier.
Mais il n’y a pas que la formation et les conditions de travail qui
attirent nos médecins vers d’autres cieux. L’absence d’un régime de
couverture sociale pour les médecins fait également partie des
motivations qui alimentent cette envie de quitter le Royaume. «Selon un
sondage réalisé par le SMSL auprès de médecins candidats à
l’immigration, sur les causes qui poussent ces praticiens à voir
ailleurs, la quasi-totalité d’entre eux ont pointé l’absence d’un régime
de couverture médicale et de sécurité sociale comme première cause de
départ », nous a révélé Dr Bennani.
Faut-il avoir peur de cette hémorragie? «Evidemment que oui»,
répondent les spécialistes du secteur. En effet, le Maroc souffre d’une
pénurie en personnel. Leur nombre ne dépasse pas les 7.000, soit 6
médecins pour 10.0000 habitants au moment où le standard de l’OMS est
fixé à 1 médecin pour 650 habitants. « Une situation de plus en plus
préoccupante du fait qu’aujourd’hui, les quatre facultés du Royaume
assurent seulement la formation de 850 médecins par an dont 50%
n’intègrent pas le marché du travail directement puisqu’ils font des
spécialités, analyse Mohamed Dahmani. Ceci d’autant plus que près de 200
médecins partent en retraite chaque année ».
Un tableau qui se noircit davantage si on doit prendre en compte le
fait que cette hémorragie touche également les étudiants en médecine. «
Aujourd’hui, beaucoup d’entre eux abandonnent leurs études en 4ème ou en
5ème année pour partir en France et reprendre leurs études», nous a
révélé Dr Bennani.
Hassan Bentaleb
Source : Libération
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