A lire ce mercredi dans l'Humanité : "Les assassins ont échoué à tuer Charlie. Le voilà aujourd’hui, meurtri, en larmes, mais toujours insolent, généreux, courageux. Les Français vont à coup sûr faire un triomphe à ce journal des survivants, comme un pas de plus fait lors de leurs marches gigantesques, comme un « j’affirme et je signe » au bas d’un manifeste, comme signet glissé dans les pages de la mémoire. D’accord et même pas d’accord avec Charlie, ses nouveaux lecteurs proclameront en l’achetant leur attachement à la liberté d’expression, loin de ce M. Guéant qui insinue que nos libertés pourraient se détailler à la découpe et qu’il faudrait céder à la terreur en renonçant à quelques-unes. Les kalachnikovs voulaient faire taire le « journal irresponsable » ?
Elles ont centuplé son audience, fait entrer au cœur de millions de foyers cet air de liberté né en 1968 que les néoconservateurs voudraient éliminer, cet antilibéralisme que les dévots de la finance exècrent, ce goût de la laïcité, donc de la tolérance et de la critique, qui exaspère les nouveaux inquisiteurs. Paradoxe : en la circonstance, s’il a fait naître d’immenses souffrances, le crime ne paie pas. Mais le geste d’aujourd’hui ne devra pas rester une pièce jaune versée à la quête. L’attachement à la liberté d’expression, le refus des haines et des amalgames, l’aspiration à la citoyenneté républicaine doivent trouver d’autres suites, dans la résistance aux peurs que des démagogues veulent agiter, dans la recherche d’une société d’égalité et d’épanouissement, dans la construction d’un monde fraternel. Cela doit passer aussi par le geste quotidien d’achat des journaux qui ne marchent pas au rythme de la pensée unique, par la revendication qu’ils puissent vivre à l’égal des machines médiatiques pilotées par des multinationales. Alors, chacun se gardera des détournements de la fraternité d’un weekend de colère et d’amour, et pourra, contre les semeurs de haine, se reconnaître dans les mots de Jaurès : « Ils se sont disputé les cendres et moi, j’ai soufflé sur la braise. » Patrick Apel-Muller
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