A l’extrême Nord-Ouest de l’Afrique, au pays des «Grottes d’Hercule»
où réalité et mythologie s’entremêlent bien volontiers, c’est un
misérable qui a joué, le 4 novembre 2014, le treizième acte improbable
des Travaux d’Hercule qu’on aurait pu intituler « Hercule et les Égouts d’Al Massira », cependant qu’un petit prince, agissant sur ordre, allait s’improviser, le vendredi suivant, faiseur de pluie.
Au quartier « Al Massira », ainsi appelé en souvenir de la fameuse Marche verte,
lancée en novembre 1975, par Hassan II, pour récupérer le Sahara
occidental, alors que la marche n’en finit plus de verdir et de
triompher dans les discours officiels, les constructions n’en finissent
plus de vieillir de cette obsolescence précoce, dont notre pays a le
secret. Le tout-à-l’égout est à l’avenant : Sous-dimensionné, surchargé,
pollué et encombré. Alors lorsque l’inondation a frappé son quartier,
ce mardi-là, le sang de Mustapha Semlali, Alias «Allal»
n’a fait qu’un tour, face à l’ampleur du désastre. Débarrassé de son
chemisier hawaïen de seconde main, muscles saillants, cage thoracique en
porte-à-faux et posture conquérante, le héros d’un jour semblait
marcher sur l’eau, n’hésitant pas à plonger, dans la boue des eaux usées
de son quartier, pour curer quelques regards des déchets hétéroclites
qui les obstruaient, sous les yeux éberlués d’une foule en délire.
Il y avait quelque chose d’Hercule en Allal, pourrait-on chanter.
Physique noueux, acharnement du sort, domicile familial abandonné, nom
d’emprunt et, in fine, l’immortalité avec ces quelques minutes d’une
vidéo qui a fait le tour du monde.
Mais au pays du Couchant, c’est bien connu, il ne peut y avoir
d’autre héros que le tyran, ce dernier détestant qu’on lui fasse de
l’ombre. Alors, un vulgaire préposé au chauffage d’un hammam bâti comme
un athlète et qui joue les empêcheurs d’inonder en rond, vous pensez
bien ! Son exploit à peine accompli, l’égoutier improvisé, subissait un
interrogatoire serré et une visite inquisitoire à son misérable et
sombre une-pièce, histoire de s’assurer que l’homme n’allait pas se
transformer en leader révolutionnaire rassembleur de foules. Rassurés
par la misère, le discours simpliste, les louanges et les vivats de
notre héros pour le roi et son chef du gouvernement, les sécuritaires
avaient battu en retraite, cependant qu’une rumeur, savamment distillée,
laissait entendre que l’homme avait agi sous le coup de quelques
substances illicites. Allal, lui, se répandait en interviews où il
promettait de damer, à lui tout seul, le pion à tous les ouvriers de la
Redal, et tous ceux que l’on voudra, si « on » faisait appel au savoir-faire, dont il venait de faire la démonstration.
En ce début novembre, ce sont donc les averses qui ravissent la
vedette. Abondantes et dévastatrices. La direction de la météorologie
avait émis, dès dimanche, un avis de tempête, avec « averses parfois orageuses et souvent accompagnées de vents forts dans plusieurs régions du nord, du centre et de l’est du pays. ».
Des coups de tabac impressionnants, aux conséquences parfois
incalculables, particulièrement dans les campagnes profondes, où les
oueds peuvent, en quelques minutes, passer de la configuration de rus à
celle de torrents impétueux aux accès de colère qui broient tout sur
leur passage, n’épargnant ni les biens, ni le vivant.
L’histoire aurait pu s’en tenir là, si, guère impressionné par ces
alertes, le Palais ne s’était fourvoyé à organiser le vendredi 7, entre
deux averses, des prières rogatoires, sous la conduite de prince
héritier, Hassan. Un grand moment de honte pour le régime qui
instrumentalise la religion, depuis qu’il a compris le bénéfice qu’il
pouvait en tirer. Les rues de la plupart de nos villes étaient noyées
sous des trombes d’eau et tout ce que le pays comptait de notables et
d’ « élites », avait pris le chemin des mosquées, pour y emprunter à
l’animisme africain, un de ses rites les plus obscurantistes, pour en
appeler à la pluie.
Au même moment, à cinq cent millions de kilomètres de notre galaxie,
un petit robot achevait sa course dans l’espace intersidéral, pour aller
se poser sur une comète, au milieu de nulle part, avec une précision
diabolique. But de l’exercice, étudier les origines du monde et tenter
de dire son futur. Autant dire un moment de grande solitude et de
frustration pour nos compatriotes, pris dans les serres d’un régime
qui a érigé le moyen-âge, le mensonge et l’hypocrisie en outils de
gouvernance et fait d’un enfant l’instrument d’une forfaiture, preuve
qu’il n’y a rien à espérer de cette génération qui passe les portes du
collège royal.
Sauf miracle, les chemins de Mustapha Semlali, Alias Hercule et Hassan Ben Mohammed Alaoui, ne devraient jamais se croiser.
Le premier est retourné à l’enfer de ses copeaux et au bûcher du four
à bois de son hammam de quartier. Personne ne viendra jamais l’y
chercher, pour lui confier les rênes de la voirie de Rabat, malgré ses
nombreux appels du pied au roi et à Benkirane.
Le second est retourné à la douceur de ses palais, et à ses rêves
d’enfant, sans se douter que les adultes s’acharnent chaque jour, à
corrompre les plus infimes parcelles de son innocence, à le faire
participer, à son corps défendant, aux mensonges et aux singeries
coupables du régime marocain.
Ainsi va la vie du côté des grottes d’Hercule !
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