Par Pierre Stamboul, 1/8/2014
Pierre Stambul, co-président de l'Union Juive Française
pour la paix (UJFP), s'exprime dans cet entretien accordé au Temps d'Algérie sur
les crimes perpétrés par Israël contre les civils à Gaza. Il cite le but
recherché par Israël dans son agression contre Gaza et dénonce le silence de la
communauté internationale, dont celle d'Etats arabes du Golfe qui, note-t-il,
sont plutôt intéressés par les guerres en Syrie et en Irak (guerres alimentées
par certains de ces pays en soutenant le terrorisme).
Le Temps d'Algérie : Les raids menés par l'armée
israélienne contre Gaza se poursuivent pour la troisième semaine. Jusqu'à quand,
selon vous ?
Pierre Stambul : Le journaliste anticolonialiste
israélien Gideon Lévy écrivait le 18 juillet : «Le véritable but de l'opération
menée par Israël à Gaza ? Tuer des Arabes !» A l'heure où ces lignes sont
écrites, l'armée israélienne a tué à Gaza près de 600 personnes dont une
majorité de femmes, enfants ou vieillards. Un autre but évident du pogrom qui se
déroule, c'est d'empêcher une reconnaissance internationale du gouvernement
palestinien d'Union nationale. Le sionisme a fragmenté la Palestine et il a
besoin de sa division. Ces deux objectifs n'étant pas atteints et la «communauté
internationale» continuant à être silencieuse ou complice, la tuerie risque de
durer.
Le nombre de victimes civiles enregistré depuis le début
de l'agression contre Gaza est effroyable. Comment expliquez-vous ce nombre si
élevé ?
J'étais à Gaza en décembre dernier. Gaza est tout petit et
surpeuplé (5000 habitants au km2). Il n'y a aucun endroit où se réfugier. De
toute façon, l'armée israélienne a pilonné des objectifs absolument pas
militaires : elle attaqué des hôpitaux, fauché des enfants sur la plage… Avant
même ce massacre, il faut savoir que l'occupant avait tué 150 paysans dans leurs
champs, 11 pêcheurs en pleine mer. En 7 ans, il y a eu 650 exécutions
extrajudiciaires par des drones.
Les brigades d'Al Qassam du Hamas ont annoncé avoir
capturé un soldat israélien. Quel poids cela représentera-t-il sur la suite des
événements à Gaza ?
On a vu avec le soldat Shalit qu'il est possible d'échanger
un prisonnier israélien contre de nombreux Palestiniens. Aux 5700 prisonniers
politiques palestiniens (qui viennent de mener une longue grève de la faim) se
sont ajoutés plus de 900 nouveaux prisonniers : des élus, le président du
Parlement, d'anciens prisonniers libérés… Pour ces prisonniers, l'idée d'un
échange possible est un espoir.
Comment expliquez-vous le silence observé par des
responsables de nombre de pays occidentaux et du Golfe quant au massacre se
déroulant à Gaza?
C'est plus que du silence, c'est de la complicité. En France,
Hollande a osé téléphoner à Netanyahu et lui exprimer sa compassion pour … les
Israéliens effrayés par les tirs de roquettes. Dans la foulée, Hollande et son
gouvernement essaient d'interdire les manifestations pour la Palestine. Obama se
tait, ce qui équivaut à un permis de tuer. Il doit être ravi du fait que le
système antimissile des Israéliens soit à peu près efficace. Du côté des pays
arabes, la complicité du gouvernement égyptien qui participe activement au
blocus de Gaza est scandaleuse. Quant aux monarchies féodales du Golfe, elles
sont plus préoccupées par les guerres en Syrie ou en Irak que par le sort des
Gazaouis qu'elles ont toujours ignorés.
Comment expliquez-vous le silence de l'Arabie
saoudite?
J'étais en Egypte en décembre dernier, bloqué au Caire pour
pouvoir entrer à Gaza. L'UJFP n'a pas à porter de jugement sur la volonté de
l'armée égyptienne d'éradiquer les Frères musulmans. Ce que nous constatons,
c'est que depuis le coup d'Etat d'Al Sissi il y a un an, l'armée égyptienne a
détruit les tunnels et, dans sa volonté d'éradiquer le Hamas, prend en otage la
population de Gaza. Pour l'Arabie saoudite, elle appuie totalement le nouveau
régime égyptien qu'elle finance.
Quelle est la position de l'opinion publique israélienne
quant à cette guerre ?
Une bonne partie de l'opinion israélienne continue de
basculer vers l'extrême droite. Ceux qui ont lynché à mort un jeune Palestinien
ou le représentant du Likoud international Jacques Kupfer qui écrit
tranquillement «Si nous voulons mettre un terme à la guerre, nous devons raser
Gaza. Gaza doit devenir un champ de ruines d'où ne peuvent sortir que des
gémissements» sont hélas représentatifs de ce basculement. En même temps, c'est
toujours la peur qui pousse cette opinion vers une fuite en avant criminelle et
suicidaire. Il y a en Israël une ruée vers un deuxième passeport. Au cas où les
choses se gâtaient. N'oublions pas quand même les courageux anticolonialistes
israéliens qui manifestent tous les jours et qui dénoncent ce basculement
raciste et fasciste.
Quelle appréciation militaire faites-vous de ces
affrontements ? Comment voyez-vous l'issue des affrontements à Gaza
?
Le rapport de force est écrasant en faveur de l'occupant
israélien. Mais, à part tuer et encore tuer, ça ne lui sert à rien à terme. Les
dirigeants sionistes ont transformé toutes les négociations ou idées de
compromis en farces tragiques. Ils ont toujours l'idée d'expulser «plus loin»
les Palestiniens ou de les transformer en indigènes dociles vivant dans leurs
réserves. Le massacre de Gaza montre qu'ils n'y arriveront pas. Militairement,
les roquettes qui partent de Gaza sont peu de chose. Mais elles sont
représentatives d'une faille énorme dans la stratégie israélienne. Probablement,
on finira par avoir comme après «Plomb Durci» en 2008-2009 par une trêve et un
armistice suivis d'une poursuite des exactions quotidiennes de l'occupant. La
population de Gaza qui vit en cage lance un appel pour la fin du blocus. Si la
communauté internationale n'exige pas la levée du blocus (et hélas, elle ne le
fera pas), il y aura de nouvelles tragédies.
L'UJFP dont vous êtes un des responsables participe aux
manifestations et marches en France, réclamant l'arrêt de l'agression
israélienne contre Gaza. Pouvez-vous nous en dire un mot ?
L'indignation face à ce massacre et à la complicité de notre
gouvernement est énorme. Il y a des manifestations partout. Comme en 2008-2009,
la population des «quartiers» descend massivement dans la rue pour exprimer sa
douleur et sa solidarité avec Gaza. La réponse de la police et souvent des
médias est indécente. Elle ne parle … que d'antisémitisme comme si les victimes
n'étaient pas les Gazaouis écrasés sous les bombes. La seule réponse, c'est de
manifester toutes et tous ensemble : chrétiens, musulmans, juifs, athées … pour
l'égalité des droits et contre les crimes de guerre.
http://www.afrique-asie.fr/menu/moyen-orient/7985-pierre-stambul-les-dirigeants-sionistes-ont-transforme-toutes-les-negociations-ou-idees-de-compromis-en-farces-tragiques.html
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