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mercredi 16 avril 2014

Paris : la police veut «évincer» les Roms des beaux quartiers

Une note interne au commissariat parisien du VIe arrondissement préconise «d'évincer systématiquement» les Roms de l'arrondissement. 

Une directive illégale qui provoque des remous.

Par Céline Carez (avec F.L.), Le Parisien, 15/4/2014

Paris (VIe), hier. Les familles roms se sont récemment installées en nombre dans cet arrondissement huppé de la capitale.

Paris (VIe), hier. Les familles roms se sont récemment installées en nombre dans cet arrondissement huppé de la capitale. | (LP/Humberto de Oliveira.)

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QUI A VRAIMENT ORDONNÉ de « recenser et évincer les Roms avec ou sans enfants, avec ou sans animaux » ? Qui est derrière cette note interne qui n'aurait jamais dû sortir du commissariat du VI e arrondissement de , mais que nous avons pu consulter ?
Difficile d'obtenir des réponses claires de l'administration.

Il faut dire que le contenu de la note, rédigée vendredi dernier au commissariat de la rue Bonaparte, est particulièrement sensible. Cibler une population sur des critères ethniques est interdit en (lire ci-dessous).

Le document est rédigé par un officier de police, « sur instruction de la commissaire centrale ». Cette note demande « dès à présent et jusqu'à nouvel ordre, pour les effectifs du VI e arrondissement, de jour et de nuit, de localiser les familles roms vivant dans la rue et de les évincer systématiquement » .

Parmi les gradés de la police parisienne, le document ne laisse pas indifférent. « C'est violent et surtout illégal ! » commente sous couvert d'anonymat un haut fonctionnaire de la préfecture de police, « choqué ». Si ce fonctionnaire rappelle qu'il est illégal de mendier avec un enfant de moins de 6 ans, il estime néanmoins que « cette consigne maladroite et inadmissible stigmatise une population. Et de quel droit les évincer ? » poursuit-il.



A la mairie du VI e, la lecture n'est pas la même. Le maire , Jean-Pierre Lecoq, lui, n'est « pas choqué » par le ton de cette note interne. « On joue sur les mots. Ce qui me choque, c'est de voir des familles de Roms dans la rue avec des enfants en bas âge. Ce n'est pas acceptable sur le plan humain et social. »

L'élu dénonce l'arrivée massive depuis deux mois de familles de Roms qui dorment dans la rue avec de jeunes enfants, autour de Saint-Germain-des-Prés. « Ils cachent des matelas dans des bosquets. Les familles ont triplé. C'est un vrai problème. » Jean-Pierre Lecoq a d'ailleurs eu une « conversation le mois dernier avec le préfet sur le sujet ». Selon l'édile, ces Roms ont traversé la Seine, depuis le début de l'année, « chassés du quartier de la Bastille (XI e) par la police ».

« C'est le jeu du mistigri, déplore Jean-Pierre Colombies, délégué du syndicat de police Snop-SCSI. On chasse les Roms d'un endroit à l'autre, d'un arrondissement à l'autre, ça ne résout rien. » Au passage, le syndicaliste des cadres de la sécurité intérieure regrette que « les fonctionnaires de police aient à exécuter des consignes de la préfecture de police qui elle-même est fort influencée par le pouvoir politique ».
A la préfecture de police de Paris, on est embarrassé, « choqué que cette note soit sortie du commissariat » à laquelle cependant on reconnaît « une facilité de langage malheureuse » dans la rédaction. Mais, « des instructions ont bien été passées au commissariat » du VI e, et c'est à la suite de l'alerte de Jean-Pierre Lecoq « qu'il a été décidé d'organiser des opérations coordonnées à vocation sociale ». Selon la préfecture, il s'agit bien d'une « opération de recensement, même si le terme n'est pas très heureux ».
Evangéline Masson, du Secours catholique, « scandalisée » par les termes de la note, confirme cependant l'arrivée massive de familles roms depuis deux mois sur le VI e. La jeune femme, qui fait des tournées sur le VI e pour voir les Roms, dénonce des « délits au faciès et la stigmatisation d'une population pauvre ». « Les recenser pour les évincer, c'est déplacer le problème. »

Au cabinet du préfet, on indique : « Au final, notre seule motivation, c'est que les enfants ne dorment pas dans la rue. » Et de citer le dernier enfant rom recensé qui dormait rue Danton, en plein coeur de Saint-Germain-des-Prés. Le nourrisson n'avait même pas trois mois, né le 8 février dernier...

VIDEO. Une note d'un commissariat parisien pour «évincer» les Roms
«Cette note échappe à tout cadre légal»
« SUR LE PLAN de la procédure judiciaire, cette note échappe à tout cadre légal. » La circonspection domine lorsqu'on interroge des juges parisiens sur le contenu de la note du commissariat du VI e que nous révélons. Première remarque, les mots et le style général employés échappent à tout formalisme habituel.

« Cela ressemble davantage à un genre de mémento que l'on se passe entre collègues plutôt qu'à une note de service officielle telle que les chefs ou les commissaires peuvent parfois en rédiger », remarque un haut magistrat.

Au-delà de la forme, c'est le contenu même des consignes qui interpelle. Il y a bien sûr ces Roms, désignés en toutes lettres comme les cibles de la note. « La jurisprudence est très claire : aucun contrôle de police ne peut être effectué en ciblant une personne en fonction de son apparence ou de sa nationalité réelle ou supposée », poursuit cette source.

Le but affiché ensuite : débarrasser les rues de l'arrondissement huppé de leur présence. « Il ne s'agit pas ici de prévenir ou de réprimer telle ou telle infraction mais de faire le vide. Légalement aucun texte n'autorise ce type d'initiative. » Les consignes éditées font également référence à une « instruction parquet » dont découlerait cette même note. « Aucune instruction en ce sens n'a été donnée à ce commissariat », tranche une source judiciaire parisienne.

« Le parquet autorise parfois des contrôles d'identité ciblés pour prévenir certains délits, comme le vol par ruse, commis dans des quartiers touristiques et souvent attribués à des Roms, mais il n'est pas question de les viser directement, ni de les évincer purement et simplement », complète un autre magistrat, pour qui la note diffusée « constitue, a minima, une maladresse ».
Thibaut Raisse

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