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vendredi 18 octobre 2013

ACCORD DE PÊCHE UE-MAROC TOUJOURS AUSSI ILLÉGAL




Par Jean-Paul Le Marec, 15/10/2013



L'aggravation de la répression contre la population sahraouie dans les territoires occupés n'a pas empêché la commissaire européenne responsable du secteur pêche, Maria Damanaki, de signer avec le Maroc le 26 juillet un nouvel accord de pêche avec le Maroc.

La Commission européenne a adopté le 23 septembre la proposition de décision du Conseil (COM(2013)648 final) qui devra être ratifié par le Conseil et le Parlement européen.

Le Conseil devrait examiner cet accord d'ici fin novembre. Rappelons que le précédent accord (dont la prolongation avait été rejetée par le Parlement européen en décembre 2011) avait suscité des oppositions au Conseil de la part de certains Etats membres.

Au Parlement européen, la première discussion à la commission pêche a eu lieu le 3 octobre. La rapporteure est Carmen Fraga (PPE, Espagne) qui est très favorable à cet accord. Echéancier prévu jusqu'au vote en plénière:

                    - 4 novembre: présentation du rapport de Carmen Fraga à la commission pêche

                     - 27 novembre: adoption du rapport en commission

                    - 9 et 10 décembre: discussion et vote du rapport en session plénière à Strasbourg



Un accord illégal



L'accord est prévu pour 4 ans, de 2014 à 2017. Il détaille les autorisations de pêche pour les bateaux communautaires (principalement espagnols) selon les zones et les types de pêche. En échange, le Maroc recevra une aide communautaire de 30 millions d'euros qui devrait être complétée par 10 millions d'euros de la part des armateurs communautaires pour les licences de pêche. Ces financements peuvent permettre, d'une part au Maroc de s'équiper et de s'armer pour réprimer la population sahraouie, d'autre part à des responsables de l'armée d'occupation de s'enrichir.


Les eaux territoriales sahraouies  concernées



Le précédent accord de pêche (2007-2011) s'appliquait aux eaux "sous la souveraineté ou la juridiction du Royaume du Maroc". Par cette formulation, le Maroc s'octroyait illégalement une souveraineté sur les eaux territoriales du Sahara occidental sans que l'Union européenne y trouve à redire...Dans le nouvel accord, la formulation a changé pour devenir "dans les eaux du Royaume du Maroc" ou "dans la zone de pêche du Maroc". Les eaux sahraouies sont donc concernées.

Ce nouvel accord est tout aussi illégal que les précédents accords au regard du droit international puisque ni  l'ONU, ni  aucun pays au monde, ne  reconnait la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental comme l'a souligné l'avis d'octobre 1975 de la Cour internationale de justice de La Haye. En droit international, le Sahara occidental est un territoire non autonome. Une fois de plus, l'Union européenne bafoue le droit international contrairement aux Etats-Unis qui avaient expressément exclu le Sahara occidental de leur accord de libre échange avec le Maroc.



          Aucun bénéfice pour la population sahraouie



En rejetant en décembre 2011 la prolongation de l'accord, le Parlement européen avait estimé entre autres que cet accord ne respectait pas le droit international dans la mesure où il n'était pas prouvé que les populations locales bénéficiaient des retombées économiques et sociales de l'accord. La Commission prétend avoir répondu aux préoccupations du Parlement européen en "imposant au Maroc de fournir des rapports périodiques et détaillés sur l'utilisation de la contrepartie financière destinée à l'appui sectoriel, incluant leurs retombées économiques et financières, notamment sur une base géographique, le protocole prévoyant par ailleurs un mécanisme de suspension y compris en cas de violation des droits de l'homme et des principes démocratiques". Par cette formulation "base géographique", la Commission prend en compte le territoire du Sahara occidental mais ne parle pas de la population sahraouie.

Une réponse a été apportée à l'argumentation de la Commission par les pêcheurs sahraouis eux-mêmes qui ont créé leurs propres associations et se sont opposés à l'accord qui ne profite qu'aux pêcheurs marocains et met en danger la ressource halieutique. Les pseudo rapports demandés au Maroc ne serviront qu'à masquer les discriminations économiques et sociales subies par le peuple sahraoui aussi bien au Sud du Maroc que dans les territoires occupés.

De plus, le mécanisme de suspension prévu en cas d'atteinte aux droits de l'homme, s'il était vraiment crédible, devrait déjà être appliqué et empêcher la signature de l'accord puisque "les violations des droits de l'homme et des principes démocratiques " sont avérées par de nombreuses associations internationales des droits de l'homme (Amnesty international, Front Line, Human Rights Watch, ACAT...) et par le Parlement européen dans de nombreuses résolutions adoptées en 2012 et 2013. Fin septembre, le département d'Etat des Etats-Unis a publié un nouveau rapport qui reconnait la poursuite des violations des droits de l'homme au Sahara occidental. Il convient de rappeler également que l'accord d'association entre l'UE et le Maroc comporte déjà une clause sur le respect de droits de l'homme (article 2) qui n'a jamais été mise en œuvre malgré les nombreux manquements de la part du Maroc!



          Aucune consultation du peuple sahraoui



La Commission européenne prétend respecter le droit international en essayant de faire croire que la population sahraouie bénéficiera de l'accord  Mais c'est une interprétation du droit international qui est contestée même par Hans Corell, l'ancien conseiller juridique des Nations unies, qui avait fait adopter par le Conseil de sécurité en 2002 un avis juridique sur l'exploitation des ressources naturelles des territoires occupés.

Le 8 octobre 2013, il a déclaré à des médias suédois que son avis juridique a été détourné par l'Union européenne et les investisseurs. D'après cet avis, toute exploitation (phosphate, pêche...) ou prospection (pétrole) est illégale s'il n'est pas prouvé qu'elle est en conformité avec la volonté du peuple du territoire occupé. Le droit international est violé si le peuple du territoire n'est pas consulté.

C'est exactement le cas du Sahara occidental puisque, pour autoriser des bateaux communautaires à pêcher dans les eaux sahraouies, les autorités marocaines n'ont jamais demandé l'avis du peuple sahraoui. Cet avis ne pourrait être juridiquement valable qu'en consultant le représentant légitime- et reconnu internationalement- du peuple sahraoui, c'est-à-dire le Front Polisario. Donc, en l'absence de consultation du Front Polisario aussi bien par le Maroc que par l'Union européenne, cet accord est illégal. A la quatrième commission de décolonisation de l'ONU, Charles Liebling de WSRW (Western Sahara Resource Watch)  a précisé le 9 octobre que "le peuple sahraoui n'avait pas donné son consentement à l'exploitation des ressources naturelles". Il a donc proposé à la commission de porter la question des ressources naturelles du Sahara occidental à l'attention de l'assemblée générale de l'ONU afin d'obtenir "un avis de la Cour internationale de justice".



Obtenir le rejet de l'accord



La mobilisation internationale avait permis d'obtenir le rejet de la prolongation du précédent accord par une majorité du Parlement européen en décembre 2011 et l'opposition ou l'abstention de certains Etats membres au sein du Conseil

La mobilisation doit se renforcer d'ici le vote final en décembre en signant la pétition de WSRW et en intervenant

  -auprès du Conseil des ministres de l'UE et des parlementaires européens

          - auprès du gouvernement (ministre des affaires étrangères, ministre de la pêche, ministre des affaires européennes...) et des parlementaires français



Notre objectif est d'obtenir une nouvelle fois le rejet de l'accord s'il ne précise pas que les eaux territoriales sahraouies en sont exclues. Pour être acceptable, l'accord devrait limiter les activités de pêche des bateaux communautaires exclusivement dans les eaux territoriales marocaines c'est-à-dire au Nord du parallèle 27°40' qui constitue la frontière reconnue sur le plan international entre le Maroc et le Sahara occidental.



Le rejet de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc constituerait un moyen de pression supplémentaire sur les autorités marocaines pour qu'elles respectent le droit international fondé sur le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination.

                                                                 
 


                             

        






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