L'aggravation
de la répression contre la population sahraouie dans les territoires occupés n'a
pas empêché la commissaire européenne responsable du secteur pêche, Maria
Damanaki, de signer avec le Maroc le 26 juillet un nouvel accord de pêche avec
le Maroc.
La
Commission européenne a adopté le 23 septembre la proposition de décision du
Conseil (COM(2013)648 final) qui devra être ratifié par le Conseil et le
Parlement européen.
Le
Conseil devrait examiner cet accord d'ici fin novembre. Rappelons que le
précédent accord (dont la prolongation avait été rejetée par le Parlement
européen en décembre 2011) avait suscité des oppositions au Conseil de la part
de certains Etats membres.
Au
Parlement européen, la première discussion à la commission pêche a eu lieu le 3
octobre. La rapporteure est Carmen Fraga (PPE, Espagne) qui est très favorable
à cet accord. Echéancier prévu jusqu'au vote en plénière:
- 4 novembre: présentation
du rapport de Carmen Fraga à la commission pêche
- 27 novembre: adoption du rapport en commission
-
9 et 10 décembre: discussion et vote du rapport en session plénière à
Strasbourg
Un accord illégal
L'accord
est prévu pour 4 ans, de 2014 à 2017. Il détaille les autorisations de pêche
pour les bateaux communautaires (principalement espagnols) selon les zones et
les types de pêche. En échange, le Maroc recevra une aide communautaire de 30
millions d'euros qui devrait être complétée par 10 millions d'euros de la part
des armateurs communautaires pour les licences de pêche. Ces financements
peuvent permettre, d'une part au Maroc de s'équiper et de s'armer pour réprimer
la population sahraouie, d'autre part à des responsables de l'armée
d'occupation de s'enrichir.
Les eaux territoriales sahraouies
concernées
Le précédent
accord de pêche (2007-2011) s'appliquait aux eaux "sous la souveraineté ou
la juridiction du Royaume du Maroc". Par cette formulation, le Maroc
s'octroyait illégalement une souveraineté sur les eaux territoriales du Sahara
occidental sans que l'Union européenne y trouve à redire...Dans le nouvel
accord, la formulation a changé pour devenir "dans les eaux du Royaume du
Maroc" ou "dans la zone de pêche du Maroc". Les eaux sahraouies
sont donc concernées.
Ce nouvel accord est tout aussi
illégal que les précédents accords au regard du droit international puisque ni l'ONU, ni
aucun pays au monde, ne reconnait
la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental comme l'a souligné l'avis
d'octobre 1975 de la Cour internationale de justice de La Haye. En droit
international, le Sahara occidental est un territoire non autonome. Une fois de
plus, l'Union européenne bafoue le droit international contrairement aux
Etats-Unis qui avaient expressément exclu le Sahara occidental de leur accord
de libre échange avec le Maroc.
Aucun
bénéfice pour la population sahraouie
En
rejetant en décembre 2011 la prolongation de l'accord, le Parlement européen avait
estimé entre autres que cet accord ne respectait pas le droit international
dans la mesure où il n'était pas prouvé que les populations locales bénéficiaient
des retombées économiques et sociales de l'accord. La Commission prétend avoir
répondu aux préoccupations du Parlement européen en "imposant au Maroc de
fournir des rapports périodiques et détaillés sur l'utilisation de la
contrepartie financière destinée à l'appui sectoriel, incluant leurs retombées
économiques et financières, notamment sur une base géographique, le protocole
prévoyant par ailleurs un mécanisme de suspension y compris en cas de violation
des droits de l'homme et des principes démocratiques". Par cette
formulation "base géographique", la Commission prend en compte le
territoire du Sahara occidental mais ne parle pas de la population sahraouie.
Une
réponse a été apportée à l'argumentation de la Commission par les pêcheurs
sahraouis eux-mêmes qui ont créé leurs propres associations et se sont opposés
à l'accord qui ne profite qu'aux pêcheurs marocains et met en danger la
ressource halieutique. Les pseudo rapports demandés au Maroc ne serviront qu'à
masquer les discriminations économiques et sociales subies par le peuple
sahraoui aussi bien au Sud du Maroc que dans les territoires occupés.
De plus,
le mécanisme de suspension prévu en cas d'atteinte aux droits de l'homme, s'il
était vraiment crédible, devrait déjà être appliqué et empêcher la signature de
l'accord puisque "les violations des droits de l'homme et des principes
démocratiques " sont avérées par de nombreuses associations
internationales des droits de l'homme (Amnesty international, Front Line, Human
Rights Watch, ACAT...) et par le Parlement européen dans de nombreuses résolutions
adoptées en 2012 et 2013. Fin septembre, le département d'Etat des Etats-Unis a
publié un nouveau rapport qui reconnait la poursuite des violations des droits
de l'homme au Sahara occidental. Il convient de rappeler également que l'accord
d'association entre l'UE et le Maroc comporte déjà une clause sur le respect de
droits de l'homme (article 2) qui n'a jamais été mise en œuvre malgré les
nombreux manquements de la part du Maroc!
Aucune
consultation du peuple sahraoui
La
Commission européenne prétend respecter le droit international en essayant de
faire croire que la population sahraouie bénéficiera de l'accord Mais c'est une interprétation du droit
international qui est contestée même par Hans Corell, l'ancien conseiller
juridique des Nations unies, qui avait fait adopter par le Conseil de sécurité en
2002 un avis juridique sur l'exploitation des ressources naturelles des territoires
occupés.
Le 8
octobre 2013, il a déclaré à des médias suédois que son avis juridique a été
détourné par l'Union européenne et les investisseurs. D'après cet avis, toute
exploitation (phosphate, pêche...) ou prospection (pétrole) est illégale s'il
n'est pas prouvé qu'elle est en conformité avec la volonté du peuple du
territoire occupé. Le droit
international est violé si le peuple du territoire n'est pas consulté.
C'est
exactement le cas du Sahara occidental puisque, pour autoriser des bateaux
communautaires à pêcher dans les eaux sahraouies, les autorités marocaines n'ont
jamais demandé l'avis du peuple sahraoui. Cet avis ne pourrait être
juridiquement valable qu'en consultant le représentant légitime- et reconnu
internationalement- du peuple sahraoui, c'est-à-dire le Front Polisario. Donc,
en l'absence de consultation du Front Polisario aussi bien par le Maroc que par
l'Union européenne, cet accord est illégal. A la quatrième commission de
décolonisation de l'ONU, Charles Liebling de WSRW (Western Sahara Resource
Watch) a précisé le 9 octobre que "le peuple sahraoui n'avait pas donné son
consentement à l'exploitation des ressources naturelles". Il a donc
proposé à la commission de porter la question des ressources naturelles du
Sahara occidental à l'attention de l'assemblée générale de l'ONU afin d'obtenir
"un avis de la Cour internationale de justice".
Obtenir le rejet de l'accord
La
mobilisation internationale avait permis d'obtenir le rejet de la prolongation du
précédent accord par une majorité du Parlement européen en décembre 2011 et l'opposition
ou l'abstention de certains Etats membres au sein du Conseil
La
mobilisation doit se renforcer d'ici le vote final en décembre en signant la
pétition de WSRW et en intervenant
-auprès du Conseil des ministres de l'UE et des
parlementaires européens
- auprès du gouvernement (ministre des
affaires étrangères, ministre de la pêche, ministre des affaires
européennes...) et des parlementaires français
Notre objectif est d'obtenir une
nouvelle fois le rejet de l'accord s'il ne précise pas que les eaux
territoriales sahraouies en sont exclues. Pour être acceptable, l'accord devrait limiter les
activités de pêche des bateaux communautaires exclusivement dans les eaux
territoriales marocaines c'est-à-dire au Nord du parallèle 27°40' qui constitue
la frontière reconnue sur le plan international entre le Maroc et le Sahara
occidental.
Le rejet
de l'accord de pêche entre l'Union européenne et le Maroc constituerait un
moyen de pression supplémentaire sur les autorités marocaines pour qu'elles
respectent le droit international fondé sur le droit du peuple sahraoui à
l'autodétermination.
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