Le
17 septembre, au petit matin, la Brigade de police judiciaire
arrêtait Ali Anouzla, Directeur de publication du journal
électronique Lakome, pour avoir publié un article faisant état d’une vidéo
d’AQMI menaçant le Maroc. En appui de cette information, le
journal mentionnait un lien renvoyant vers le journal espagnol « El
Païs » qui publiait le film en question, intitulé « Maroc, le
royaume de la corruption et du despotisme ». Le journaliste est jeté en prison
après une garde-à-vue de huit jours, avec les charges surréalistes, d’apologie
du terrorisme et d’aide et assistance à une entreprise terroriste.
Quelques
jours plus tard, le 30 septembre, lorsque l’ex-ministre marocain des affaires
étrangères et de la coopération, Saad Eddine El Othmani, défend
devant la soixante-huitième (68) session des Nations unies, à New York, la
candidature du Maroc au Conseil des droits de l'Homme de l'ONU, pour la période
2014-2016, il n’ignore pas que son pays vient d'envoyer un innocent en prison.
Pas plus qu'il n’ignore que le pays se fourvoie, à nouveau, dans une campagne de
répression qui ne dit pas son nom et qui démontre à quel point le régime qui a
échappé de peu au séisme du Printemps arabe, refuse obstinément de tirer les
leçons du passé.
La
forfaiture en système de gouvernance, l'exception
marocaine.
Rien
n’est plus insupportable que dénoncer son pays, mais rien n’est plus intolérable
que de se taire, lorsque ce dernier commet l’irréparable. Cette maxime est le
fondement même de toute démocratie. La liberté, la justice et la dignité sont à
ce prix. Une maxime à graver, un jour, aux frontons de nos institutions, en
souvenir de tous ceux qui sacrifièrent leur vie, leur liberté, leur carrière, ou
simplement leur droit à la parole, pour avoir accompli leur devoir citoyen de
dénoncer un crime, une injustice ou une forfaiture.
A
l’heure où le Maroc postule pour un siège au Conseil des droits de l'Homme de
l'ONU, il est bon de rappeler qu’en matière de forfaiture, notre pays n’a plus
rien à prouver. Il a tout inventé. En économie, Hassan II avait tout confisqué,
après avoir fait semblant de « Marocaniser ». Il se comportait avec la
courtisanerie comme un dieu qui pouvait vous attribuer aujourd’hui, ce qu’il
vous confisquera le lendemain, si vous deviez, ne serait-ce que lui déplaire.
Pour les autres, les opposants, il avait ses chambres de tortures, ses bagnes
mouroirs, ses exécutions sommaires et ses fosses communes, dans un black-out
total. Les parodies de procès n’avaient pour seul but que celui de lustrer la
façade internationale du régime. Au semblant de légalité dispensée par les
jugements des tribunaux, succédait alors la grâce du tyran. Généreuse, royale,
divine même, elle était principalement destinée à séduire le petit peuple et
entretenir dans l’imaginaire collectif, l’image du bon roi. Clément et
miséricordieux.
Des
forfaitures économiques par brassées
Mohammed
VI ne se comporte guère différemment. Même si toutefois, lui et les siens,
doivent nourrir une bien sévère nostalgie pour ces temps bénis où les dictateurs
pouvaient encore jeter une chape de plomb étanche sur leurs exactions. Les
tyrans s’éprouvent malchanceux de vivre à une époque où l’information voyage à
la vitesse de l’éclair. Tant et si bien que leurs forfaitures et leurs basses
besognes à peines accomplies, se retrouvent dans les pipe-lines des rédactions
et des réseaux sociaux.
C’est
ainsi que l’on sut que le roi qui se trouve officiellement, à la tête d’une
fortune personnelle estimée à plus de deux milliards cinq cents millions
(2.500.000.000) de dollars, estimation largement minorée, n’en continue pas
moins de ponctionner annuellement, au trésor public marocain trois cent seize
millions sept cent mille (316.700.000) dollars (vingt quatre fois le budget de
la monarchie espagnole), dans un pays où la misère est une pandémie.
C’est
ainsi également, que l’on apprit comment Mounir Majidi,
secrétaire particulier du roi et son âme damnée, à qui l’on doit la pollution
visuelle de nos villes, à coups de panneaux publicitaires géants de sa
société FC-Com avait, en 2005, mis la main, sur un terrain
« Habous », (biens de main morte gérés par l’Etat) avec la
connivence du ministre en charge du département. Quatre hectares et demi (4,5),
en zone touristique à Taroudant au prix ridicule de cinquante
(50) dirhams le mètre carré, dans une zone où le commun des mortels doit
débourser dix (10) à quinze (15) fois plus. Quelques mois plus tard, en 2008,
l’homme, bombardé Président du Fath Union
Sport (FUS), récidivait en tentant de mettre la main
au dirham symbolique, sur les deux hectares et demi (2.5) de terrain,
appartenant à la ville de Rabat et sur lequel évolue le club sportif, contre la
promesse d’un nouveau complexe sportif. La péréquation devait permettre à notre
homme, de réaliser un projet immobilier et commercial en plein centre de Rabat,
au prix de vente du mètre carré construit avoisinant les trente mille (30.000)
dirhams.
C’est
aussi de cette façon que l’on apprit comment deux hauts fonctionnaires, le
ministre de l’économie et des finances,Salaheddine
Mezouar etNourredine Bensouda, trésorier général du
Royaume et ancien camarade de classe du roi avaient joué à un ping-pong
incestueux, avec l’argent du contribuable en se « téléphonant » des primes
exorbitantes. Un échange de bons procédés, dignes d’une mafia.
C’est
encore ainsi que l’on apprit comment Moncef Belkhayat, alors
ministre de la jeunesse et des sports aimait tant les Audi A8, qu’il en loua
une, aux frais du contribuable, pour une durée de trente six mois (36) mois,
pour un montant total de trois millions deux cent quarante mille (3.240.000)
dirhams, le prix approximatif de trois véhicules du même modèle. Et comment le
même homme fit attribuer à Bull Marocdont un membre de sa
famille, Mehdi Kettani est le Président Directeur Général, un
contrat de services informatiques, pour son département pour une valeur de
plusieurs dizaines de millions de dirhams.
C’est
ainsi que l’on sut également comment la holding du roi, la « Société
Nationale d’Investissement » (SNI) empoisonne depuis
plusieurs décennies, les populations d’Imider, dans l'Atlas
marocain, en captant dans un premier temps, les eaux de la nappe phréatique
servant à ces derniers d’eau potable, avant de les rejeter chargées des scories
du minerai, de cyanure et de mercure provenant de sa mine d’argent.
C’est
ainsi que l’on apprit également comment Yasmina Baddou,
ancienne ministre de la santé publique et son époux, Ali
Fassi-Fihri, Directeur général de l'Office national de
l'électricité et de l'eau potable (ONEE) et Président
de la Fédération royale marocaine de
football (FRMF), tous deux proches du Palais, avaient
acquis, pour deux millions d’Euros, deux appartements au 48 rue
Bassano et au 15 rue Magellan à Paris, au mépris de la
législation marocaine des changes et sans que jamais, une enquête n'ait été
diligentée par la justice marocaine, à propos de la provenance des fonds.
C’est
ainsi que les nouvelles de la grâce royale d’un pédophile espagnol et d’un
trafiquant de drogue avant même que ce dernier ne soit jugé, se répandirent
comme traînée de poudre et rallumèrent la flamme de la contestation qui
somnolait en cet été 2013.
Des
forfaitures judiciaires aussi
Un
florilège non exhaustif, qu’on pourrait dérouler à l’infini, comme un tapis
d’infamies et qui ne doit pas nous faire oublier que si la forfaiture consiste à
s’enrichir honteusement dans l’impunité, elle revient également à
instrumentaliser la justice, pour s’en prendre à ceux qui la dénoncent.
En 2013,
on continue toujours de torturer, mais on n’exécute plus, du moins pas
sommairement. On emprisonne toujours, mais sans faire disparaître totalement. On
continue de tuer, pas forcément physiquement, mais économiquement, en asphyxiant
les détracteurs, en les privant de l’exercice de leur métier ou de leur
activité. Hassan II l’avait expérimenté à grande échelle, au détriment du Rif,
qu’il avait soumis à un blocus économique.
Mohammed
VI l’entreprend comme l’araignée tisse la toile qui va engluer ses proies.
Patiemment, sournoisement, subrepticement, presque imperceptiblement, pour ne
pas s’attirer les foudres de la communauté internationale. En maquillant par
exemple, sa vengeance de simulacres de procès, au cours desquels les charges
reprochées aux militants et aux opposants assimilent ces derniers à de vulgaires
droits communs, des criminels voire des terroristes. C’est ainsi que un par un
les polices du régime rattrapent tous ceux qui avaient osé apporter la
contradiction à ce dernier, lors du Printemps 2011. Selon la formule consacrée
de « Tanger à Lagouira », tout ceux qui, de près, ou de loin avaient dénoncé les
quelques turpitudes énoncées plus haut, ont fini aux mains d’une justice, dont
le moins que l’on puisse dire est qu’elle est aux ordres, au point que les
membres du gouvernement ont à chaque arrestation semblé avoir été mis au courant
après coup, avec pour mission de défendre, coûte que coûte, le point de vue
officiel, quitte à se couvrir de ridicule. Monsieur Saad Eddine El Othmani ne
pouvait ignorer que militants et opposants se comptent à présent, par centaines
dans les prisons du royaume et ceux qui, à ce jour, ont échappé aux nombreux
coups de filet, s’attendent à être interpellés à tout moment.
Monsieur
Saad Eddine El Othmani ne pouvait ignorer non plus, que deux jours avant son
intervention, le régime arrêtait M’barek Daoudi, en compagnie
de son fils Brahim. L’ex-militaire marocain avait osé
témoigner, à plusieurs reprises, avoir assisté, pendant la guerre contre le
Polisario, aux exécutions sommaires des membres d’une même famille, dont les
corps ont été récemment découverts, dans une fosse commune
à Amgala, au Sahara. Deux des fils de
l’intéressé, Taha, et Omar, arrêtés le 9 août
dernier avec quatre autres militants sahraouis de Guelmim,
suite à des échauffourées à l'occasion d'un match de football local, avaient été
condamnés le 26 septembre, en appel, à un an de prison. Un troisième fils est
porté disparu, comme au plus fort des années de plomb.
Le
3 octobre, la communauté internationale apprenait, estomaquée, l’arrestation de
trois adolescents à Nador, pour attentat à la pudeur. Les deux premiers, un
jeune homme de quinze (15) ans, Mouhsine et sa petite
amie, Raja, quatorze (14) ans avaient échangé un baiser comme
des millions d’amoureux dans le monde. Le troisième
interpellé, Oussama, 16 ans, avait simplement immortalisé
l’événement en prenant en photo, la démonstration d’affection des deux amoureux.
Détail sordide, c’est une association de défense des droits de l’homme qui a
porté plainte contre les trois adolescents après la parution de la photo sur
Facebook. Preuve que certains « Droit-de-l’hommistes » marocains ont
définitivement intégré dans leurs gènes, les réflexes inculqués par des
décennies de dictature.
Dimanche
6 octobre, trois (3) militants du « Mouvement du vingt
février » et de l’ «Association Marocaine des Droits de
l’Homme » (AMDH), Mouad
Khalloufi, Rabie Houmazen et Hamza
Haddi ont été interpellés pour outrage et agression sur des policiers
dans l’exercice de leurs fonctions. Violemment torturés par la police
casablancaise, les trois militants privés de nourriture, de soins et de visites,
paient leur participation active aux marches du « Vingt février ». Les trois
jeunes gens étaient venus s’enquérir de l’état de santé de Fatiha
Haloui, la propre mère de Hamza Haddi, elle-même violemment passée à
tabac, la veille au soir, au commissariat de Lissasfa et à qui « on » n’a jamais
pardonné ses déclarations fracassantes, lors des marches du Mouvement du vingt
février, à Casablanca. La mère de famille devra répondre le 25 octobre prochain,
d’outrage à agent public.
Le
9 Octobre s’ouvrait le procès de Omar Maanaoui, Militant du
« Mouvement du Vingt Février », impliqué dans les événements du 4 Janvier 2013,
à Koucha, Taza et dans la manifestation contre
la grâce accordée par le roi, au pédophile espagnol Daniel
Galvan. Le militant encourt une peine de plusieurs années de prison,
pour les chefs d’accusation d’insultes à fonctionnaires dans l'exercice de leurs
fonctions et usage de la violence à leur encontre au moyen d’armes, de
destruction de biens publics, de refus d’obtempérer, d’atteinte à l’ordre
public, de mise en danger de la vie d’autrui, de coups et blessures, de port
d’arme, de vol et de menaces. Rien que ça !
Au
royaume des « droits de l’homme intégrés »
Dans
son éditorial « Le matin du Sahara » osait écrire, au lendemain
de l’allocution du ministre marocain devant l’assemblée des Nations Unies :
« Le Royaume, qui dispose désormais d'un système intégré d'institutions
engagées dans la promotion et la protection des droits de l'Homme, aspire
légitimement à devenir membre de ce Conseil, le principal organe des Nations
unies, œuvrant pour la promotion et la protection des droits
fondamentaux. ». Or, si le Maroc avait été une réelle démocratie il
n’y aurait aucun « système intégré » d’institutions défendant les droits de
l’homme, comme ce Conseil National des Droits de l’Homme, mais compterait plutôt
des organisations indépendantes du pouvoir, parce que, comme dit le vieux
dicton, on dénonce difficilement ses compagnons de débauche de la veille.
Avec
le Maroc, un autre pays frappe à la porte du Conseil des droits de l'Homme de
l'ONU, l’Algérie. Deux voisins qui après s'être fait la vraie guerre, se livrent
à une seconde, à coups de communiqués, de déclarations ou de discours où
transpire la haine réciproque que les deux régimes se portent mutuellement. A
moins qu’ils ne fassent semblant, car tant de choses réunissent leurs
dirigeants, comme la prédation économique, le népotisme, le mensonge,
l’hypocrisie, la dilapidation des deniers publics, les exactions, la répression
et les crimes en tous genres. Tant et si bien, qu’ils devraient rougir de honte,
de vouloir siéger à l’ONU, pour juger de la conception que d’autres font des
Droits de l’homme.
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