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mercredi 16 octobre 2013

Pédophile gracié, ados enfermés : au Maroc, la justice agonise

 par Rachid Zerrouki 14/10/2013

En août 2013, au Maroc, une grâce royale est accordée à un pédophile espagnol responsable du viol de 11 enfants alors que l’ONG « Touche pas à mon enfant » estime à 26 000 le nombre d’enfants violés par an. Peu de temps après, ce sont deux ados qui sont placés en détention pour avoir publié une photo de leur baiser sur Facebook, et un troisième qui les rejoint pour avoir pris ladite photo. À travers ces faits d’actualité qui ont traversé les frontières, l’état déplorable d’une justice marocaine particulièrement nébuleuse s’étale sous les yeux du monde entier. Décryptage.

Maroc
Kiss-in organisé en janvier dernier après que deux
 jeunes Tunisiens aient récolté deux mois
 de prison pour un baiser.
« Le baiser de Nador ». Tel est désormais désigné cet incident, dans les colonnes des journaux locaux, mais pas seulement. Aljazeera, Libération , The Independant et même la presse australienne, tous font l’écho de cette intervention policière aux frontières de l’absurde et du désolant. À Nador, au nord-est du Maroc, un couple d’adolescents a été arrêté par la police pour avoir publié sur Facebook une photo les montrant en train de s’embrasser. Un troisième adolescent les rejoint pour avoir pris la photo mais l’absurdité de la situation ne s’arrête pas là : c’est une ONG qui est à l’origine de la plainte et elle a pour vocation de défendre… les libertés individuelles. Les réseaux sociaux s’enflamment, et comme souvent dans un Maroc où les pratiques américaines embrassent les traditions musulmanes comme les McDos se confondent avec les méchouis dans les rues de Casablanca, l’opinion publique se divise entre conservateurs religieux qui y voient une atteinte à la pudeur, et progressistes qui se désolent devant ce qu’ils estiment être un acte d’amour honteusement châtié.

Le feu aux poudres

Maroc
Hassan Arif, député
Plus que le préjudice d’une justice que certains considèrent comme étant en discorde totale avec son époque, c’est la succession des contingents qui n’aide guère à atténuer l’indignation des Marocains. Cet été, un Espagnol de 63 ans, Daniel Galvan, qui avait été condamné à 30 ans de prison au Maroc pour le viol de 11 enfants, a bénéficié d’une grâce royale après moins de deux ans de réclusion. Au Maroc on crie au scandale, on interpelle les autorités. On organise des sit-in sévèrement réprimés au cours desquels des slogans plus anti-monarchistes que jamais sont Hassan Arif, député.prononcés dans un pays qui n’a jamais été vraiment ébranlé par les secousses du printemps arabe. Les réseaux sociaux se déchaînent et le fracas causé par le courroux des manifestants retentit bien au-delà des frontières méditerranéennes.


D’autres excentricités judiciaires ne traversent pas les frontières mais viennent régulièrement s’ajouter à l’interminable liste de ces jugements dont le cheminement légal est pour le moins obscur. Hassan Arif, député du parti l’Union Constitutionnelle et président de la Commune d’Aïn Aouda, est poursuivi depuis plusieurs années pour le viol d’une fonctionnaire. La victime a eu un enfant qu’elle affirme être le fruit de cette agression sexuelle. Maroc Telecom a fourni les preuves de 284 communications téléphoniques entre le député et la victime et des tests ADN ont été effectués par le laboratoire de la Gendarmerie Royale, l’un est basé sur un échantillon de sa salive, et l’autre sur le sperme retrouvé sur ses sous-vêtements. Les résultats ne laissent place à aucune tergiversation, Hassan Arif est le père de cet enfant, mais l’intéressé continue de nier tout rapport sexuel avec la victime. Après un tribunal de première instance qui le condamne à un an de prison (soit la même peine que pour un morceau de rap contestataire), la cour d’appel le déclare innocent et le libère immédiatement. Le magazwinezwine » en arabe veut dire « beau ») collaboratif féminin Qandisha relate cette scène durant laquelle l’enfant en question, qui était présent au jugement d’appel, est allé vers l’accusé et l’a appelé « Emmi » (mon oncle).
La justice marocaine finit par donner une issue à ce procès qui sonne comme une provocation à l’oreille d’une frange de la population marocaine : les autorités ont arrêté la victime Malika Slimani, résidant dans le village d’Ain Aouda. Elle est accusée d’outrage à magistrat. Présentée devant le parquet, elle a refusé de présenter des excuses et a réitéré sa remise en question de l’intégrité du tribunal qui a statué sur son affaire. Le parlementaire accusé de viol est innocenté, et la femme violée est arrêtée et accusée d’outrage à magistrat.

Au Maroc, Justice et traditions se confondent

Ces fréquentes démonstrations d’injustice dévoilent les grésillements d’un système judiciaire mal conçu et mal appliqué. Le Maroc, c’est ce splendide pays d’Afrique du Nord où non sans peine, se brassent coutumes religieuses musulmanes et mœurs européennes dans un climat tendu où les vents de la crise économique rejoignent la rafale du printemps arabe. Ce mélange explosif est en partie responsable des dysfonctionnements de la justice. Le pays n’est point laïque : selon la Constitution du pays, l’islam est la religion d’État qui garantit à tous le libre exercice des cultes.
« L’islam est la religion d’État qui garantit à tous le libre exercice des cultes. »
Le roi du Maroc, qui affirme descendre de Mahomet, possède le titre honorifique d’amir al-mouminine (« commandeur des croyants ») et est censé veiller au respect de l’islam. L’éducation islamique est enseignée et imposée dans les écoles publiques, et l’islam est au cœur de la justice marocaine. La loi de séparation des Églises et de l’État qui a été adoptée le 9 décembre 1905 en France n’a pas son pareil au Maroc et le traitement réservé aux « déjeuners » du ramadan en est un parfait exemple. Le mois sacré au cours duquel les fidèles ne doivent pas manger, boire, fumer ou entretenir de relations sexuelles de l’aube au coucher du soleil entraîne chaque année des lynchages publics de non-jeûneurs alors que la Constitution marocaine garantit la liberté de culte. La tolérance vis-à-vis de ces non-jeûneurs est un formidable marqueur de la mine de la cohabitation entre coutumes religieuses et mœurs athées dans le pays : si certains mois du ramadan se passent paisiblement, d’autres voient des dizaines de déjeuneurs du ramadan dans toutes les villes du royaume condamnés à de la prison ferme.
Ces arrestations reposent sur l’article 222 du Code pénal qui stipule que « tout individu notoirement connu pour son appartenance à l’Islam qui rompt ostensiblement le jeûne dans un lieu public pendant le ramadan est passible de un à six mois d’emprisonnement et d’une amende », or, l’article est surprenant dans le sens ou le Coran, lui, ne prévoit aucune pénalité à l’encontre de celui qui ne respecte pas le ramadan : la justice marocaine calque ses lois sur sa propre interprétation du Coran, et tente de pallier ce que vraisemblablement elle considère être des omissions dans le texte sacré. Cette tentative d’appuyer les lois de la Constitution sur celle du Coran pour leur conférer un caractère incontestable est à l’origine d’une partie des exactions commises par la justice marocaine.
En outre, dans l’inventaire des articles du Code pénal qui soulèvent l’indignation et dorénavant la révolte de certains marocains, on peut également citer l’article 475 qui permet au violeur d’une femme, fût-elle mineure, d’épouser sa victime pour échapper à sa peine.
« Les violeurs se voient proposer par les juges d’épouser leurs victimes, au lieu de purger leur peine d’emprisonnement. »
Les violeurs se voient proposer par les juges d’épouser leurs victimes, au lieu de purger leur peine d’emprisonnement. Amina Filali, une jeune fille de 16 ans habitant la ville de Larache, a été une des innombrables proies de cet article qui soulève tant la polémique. Après que la lycéenne a été contrainte de se marier à un membre de sa famille qui l’avait violée, elle se donne la mort en avalant un poison pour rat au domicile de sa belle-famille, désespérée par les mauvais traitements dont elle était victime de la part de son mari. L’affaire Amina date de mars 2012. En janvier le gouvernement marocain a annoncé qu’il prévoyait de changer cet article, mais les Marocaines, dont 62,8 % étaient victimes de violences en 2011, selon une enquête officielle réalisée par le Haut commissariat au Plan Marocain, attendent encore à ce jour.

Une justice au service du riche et du puissant

Si la conception même de la justice est à revoir, son application actuelle n’est pas à laisser pour compte : l’idée d’une même justice pour tous les citoyens marocains relève de l’utopie tant des facteurs comme la richesse, le niveau social ou les connaissances entrent en compte tacitement dans un procès. Nous avons évoqué l’affaire Hassan Arif, mais celle-ci est loin d’être un cas isolé. Le Baromètre Mondial de la Corruption de 2013 publié en juillet confirme ce constat. Si certains secteurs échappent relativement bien à la corruption comme les institutions religieuses, les médias, ou les ONG, d’autres secteurs cruciaux dans la vie quotidienne des Marocains sont jugés très corrompus. On y découvre donc que 64 % des répondants ont payé un pot-de-vin à l’occasion de leurs contacts avec les services de police et 41 % en ce qui concerne la justice…
Des procès à consonance politique, religieuse ou mafieuse sont liquidés rapidement et ceux qui concernent le commun des mortels peuvent durer des années sans aucune possibilité de recours. La corruption est tellement ancrée qu’elle fait partie des mœurs du pays. Elle prend le nom de rechoua. Elle est dans les 50 Dhirams qu’on propose ouvertement à un policier qui oublie alors un excès de vitesse, fût-il à l’origine imaginaire, dans les billets qui accompagnent ses dossiers administratifs afin « d’accélérer les choses », dans le raisonnement nébuleux qui entraîne un juge à rendre coupable une victime de viol. Une justice que les Marocains considèrent au service du pouvoir et de l’argent.

L’indignation cède sa place à la révolte



Maroc«Ils nous ont interdit l’usage de nos téléphones portables et nous ont séquestrées pendant des heures. On a essayé de s’échapper, mais ils nous ont rattrapées. […] Ils nous ont insultées de tous les noms […] nous ont battues à coups de bâton de fer, menacées à l’arme blanche, m’ont à tour de rôle obligée à faire des choses qui touchent à ma dignité, ils ont abusé de mon corps… m’ont touchée ici et là avec agressivité, obligée à les embrasser, à les toucher, ils m’ont souillé la peau » (Témoignage de Hiba pour h24info.ma). Dans un pays où les droits des femmes restent malheureusement cloisonnés dans un code civil aux allures moyenâgeuses, il n’est pas rare qu’une jeune fille ou qu’une femme violée taise sa « mésaventure » jusqu’à la fin de sa vie. La honte, la « Hchouma ».
Pas Hiba et Jihane : les deux jeunes filles de 17 ans ont bravé les interdits sociaux pour raconter leur mésaventure à qui voulait l’entendre, si fort que même ceux qui se bouchaient les oreilles l’ont entendue.
Un des inculpés était ce qu’on appelle communément un « fils de », il faut entendre par là qu’il a des parents dont la richesse, le grade ou les connaissances l’auraient d’ordinaire protégé de toute inculpation. Les agresseurs ont d’ailleurs à maintes reprises pendant l’acte de viol, rappelé ce statut social qui à lui seul aurait dû leur garantir de s’en sortir en toute impunité : l’un d’entre eux est un fils de haut gradé de l’armée et gendre d’un ancien très haut fonctionnaire. Oui, mais, chose inimaginable il y a encore quelques années : ça n’a pas suffi à étouffer l’affaire.
Avec une justice qui semble à ce point désorientée, c’est la société civile marocaine qui s’engage. Les mères de Hiba et Jihane sont à l’origine d’un mouvement d’indignation qui ne connaît plus de limite. Au lieu de camoufler l’affaire par peur de s’attirer les médisances de l’entourage, les deux mères ont lutté avec leurs armes, sur le modèle des révolutionnaires. En quelques jours, la page « En soutien à deux mères : Fatim Zahra Yaacoubi & Me Jamila Siouri » a réussi à réunir plus de 15 000 personnes avec un objectif affiché et assumé : faire de cette sordide affaire de viol un cas d’école judiciaire.
« Avec une justice qui semble à ce point désorientée, c’est la société civile marocaine qui s’engage. »
Le Maroc est alors fait de Hibas et de Jihanes qui sur Facebook organisent la lutte. Sur la page en question du réseau social aux 5,2 millions de Marocains, on parle plus librement que jamais sur ces « fils de ». Des sit-ins de soutien sont organisés et la jeunesse s’implique. On ne s’offusque plus dans la confidence familiale, avec une voix assez basse pour éviter que le voisin n’entende, mais avec panache et assurance, sur Internet, dans la presse comme dans la rue, pancartes punchlinisées à la main et slogans ravageurs à la bouche.
Cette même communauté d’indignés qui s’est formée autour de Hiba et Jihane s’est retrouvée peu après à l’occasion de la grâce royale accordée au pédophile espagnol, et elle s’est déchaînée à s’en attirer des coups de matraques dans la gueule. C’est la même qui aujourd’hui s’implique à l’occasion du « Baiser de Nador » : lorsque dans une société, le peuple se rend compte ainsi de l’immensité de son pouvoir, les hauts gradés qui jouissent des maux de la société commencent à douter. L’information peut compter sur une presse libre et indépendante sur Internet.
Ils peuvent d’autant plus s’inquiéter d’un aller sans retour aux abysses de la société que la presse libre et indépendante s’organise au Maroc. De tels événements ne sont plus camouflés. Si le journal papier reste très touché par la censure, sur Internet, sites d’information, blogs et autres webzines petits par la taille et grands par l’ambition fleurissent un peu partout. Ici on trouve un magazine féminin qui ne traite pas de shampooings mais de véritables faits d’actualité qui concernent autant les hommes que les femmes avec indépendance et pertinence. Là un site activiste : Mamfakinch qui n’hésite pas à relayer ces informations qui auraient été dissimulées fut un temps, et qui donne la parole à des prisonniers politiques qui ont bien des choses à dire. Plusieurs de ces organes de presse alternative auraient des leçons d’indépendance et d’intérêt à donner à certains de nos médias français, à commencer par Lakome (« pour vous »), le fleuron de la presse indépendante marocaine. Ce Médiapart marocain a poussé son indépendance et sa volonté d’informer son lecteur à tel point que son directeur est poursuivi aujourd’hui pour apologie du terrorisme. Le 17 septembre, le journaliste Ali Anouzla est arrêté par la police après avoir fait publier un lien vers une vidéo d’Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI) qui appelle à commettre des attentats au Maroc.


« Cher ami,
Tu savais et nous savions que la meute ne tarderait pas à être lâchée.
Tu savais et nous savions que la horde sauvage piaffait d’impatience.
Tu savais et nous savions que la curée ne saurait tarder.
Tu savais et nous savions que tu étais dans leur viseur.
Leur restait à trouver un prétexte. »
Ce sont les mots du journaliste Khalid Jamai à son ami Ali Anouzla dans une lettre ouverte publiée sur Lakome, « leur » faisant référence au makhzen (l’État). 
Maroc
Edwy Plenel, co-fondateur de Médiapart
Ali Anouzla s’était toujours servi d’une plume libre et affranchie de toute entrave économique ou politique, et avait, entre autres, révélé l’affaire du pédophile espagnol et vivement critiqué le gouvernement, et le cabinet royal à cette occasion, s’attirant les foudres « d’en haut ». Aujourd’hui, de la moustache la plus célèbre de la presse française à Washington, le cas Ali Anouzla mobilise mondialement. Le magazine marocain très populaire TelQuel n’hésite pas à titrer courageusement en une « Libérez Ali Anouzla ».
« On peut dire beaucoup de choses au Maroc, mais avec les précautions voulues pour ne pas porter atteinte au moral de la nation » disait sa majesté le roi Hassan II, pour justifier ses extorsions aux droits de l’Homme, à Tazmamart ou lors de l’emprisonnement de Bouabid. « C’est comme si pendait au-dessus de la tête de certains journalistes irrévérencieux, refusant la laisse de l’autocensure, une épée de Damoclès qui finirait fatalement par s’abattre sur eux. Les prétextes varient (Sahara, islam, monarchie, stabilité, sécurité, etc.) mais le but n’a jamais changé : faire taire », observe aujourd’hui, sous l’ère Mohammed VI, le blogueur au journal Le Monde Driss Ksikes. Cet étouffement de la presse n’est donc pas nouveau, la vague d’indignation et le vent de révolte qui suit, quitte à contredire un ordre royal, en revanche, le sont.

Samedi 12 octobre était organisé un « kiss-in » à Rabat devant le parlement, en soutien aux trois adolescents de Nador accusés d’attentat à la pudeur. À l’origine de cette manifestation : le M.A.L.I (Mouvement Alternatif pour les Libertés Individuelles) dont Ibtissame Lachgar est la cofondatrice. Un jeune contre-manifestant s’est jeté sur elle en l’injuriant : le kiss-in de Rabat est loin de faire l’unanimité.

Ibtissame, qu’est-ce qui a motivé votre décision de participer à l’organisation de ce kiss-in ?

Je suis cofondatrice de M.A.L.I et je défends les droits humains de manière générale. Quand l’affaire a éclaté j’étais à Paris. L’idée est venue naturellement d’organiser un kiss-in lors des échanges sur Facebook, car c’est un mode de manifestation assez répandu dans le monde « occidental ». Il a eu lieu le Dimanche 6 octobre devant l’ambassade du Canada et étant originaire de Rabat et représentante du M.A.L.I cela s’est fait naturellement de co-organiser celui de Rabat.

Comment s’est déroulée la manifestation ? Vous avez vraisemblablement été victime d’un débordement…

La manifestation s’est déroulée exactement comme nous le pressentions. À savoir que les autorités (police, DST [NDLR : Direction de la surveillance du territoire]) allaient être présentes, dans une relative discrétion. Un journaliste a été harcelé et intimidé (car il avait une caméra). Mais nous savions que le leader de la jeunesse royaliste serait là avec d’autres détracteurs nationalistes au patriotisme exacerbé (équivalent de l’extrême droite en France) [NDLR : Il s'agit de Amine Baroudi, leader du mouvement très conservateur « L'alliance royaliste marocaine », il s'est déjà fait connaître par des appels au meurtre, par exemple]. Il était effectivement là, attendant le début du kiss-in pour mieux grogner et cogner. Au bout de 5 secondes de baisers, il s’est jeté sur moi, puis a commencé à jeter des chaises et des verres (nous étions sur une terrasse de café en face du parlement). Insultes et menaces fusaient. Puis d’autres se sont mêlés à cette réaction moyenâgeuse. Nous avons été poursuivis dans les rues de Rabat, avec des menaces et des insultes. Des propos racistes « juifs ! chrétiens ! » C’était hallucinant ! Des discours en tant que défenseurs de l’Islam et du Maroc. Comme quoi nous étions en train de renier notre « marocanité ».

Cette affaire a largement dépassé les frontières et vu de l’étranger, on a l’impression qu’il faut se cacher pour être amoureux au Maroc. Est-ce vraiment difficile de vivre son amour dans ce pays quand on n’est pas mariés ?

Il ne s’agit pas tant de la question de mariage. Un couple, même marié, ne doit pas s’embrasser en public d’après nos détracteurs. Mais c’est faux, il existe encore (et heureusement), des jeunes qui se bécotent dans des jardins publics, devant leur lycées ou sur une plage. Mais en effet, cela est très mal vu par une majorité de Marocains. Qui estime que le baiser est de l’ordre de l’intime. Nous sommes dans une société de plus en plus conservatrice, la montée de l’islamisme (comme un peu partout dans le monde) fait que l’inquisition socio-religieuse est de mise (de la part des autorités et de la société). Il faut se cacher ! C’est triste de devoir cacher son amour, la plus belle chose qui soit, quand des délits et des crimes se passent au vu et au su de tous. Je précise par ailleurs, que l’article 490 du Code pénal marocain condamne les rapports sexuels hors mariage.

Deux ados arrêtés pour un baiser. À qui la faute d’après vous ?

La faute à la personne qui a porté plainte. Membre d’une soit disant association (obscure) défendant les droits humains et les libertés publiques… les joies du paradoxe à la sauce marocaine. Celui-ci a retiré sa plainte mais c’est trop tard. Les lois sont ce qu’elles sont et nous nous battons pour les changer.

Selon vous, la liberté des mœurs au Maroc a plutôt évolué ou régressé ces dernières années ?

Mais les mentalités, c’est une autre paire de manches ; elles n’évoluent pas du tout dans le bon sens. Les atteintes aux libertés individuelles en général sont hélas de plus en plus fréquentes au niveau sociétal. Nous sommes face à un obscurantisme rampant très inquiétant. Et les libertaires, modernistes, laïcs et autres progressistes se font rare sur le terrain et en pratique.

Lynchage des « déjeuneurs », campagnes anti-avortement, homophobie, atteinte à liberté des mœurs… Le M.A.L.I est sur tous les fronts. Quel avenir voyez-vous pour la laïcité au Maroc ?

Aucun pour l’instant, pour deux raisons : la montée de l’islamisme comme je le disais et ce retour à la religion comme pilier de l’éducation et des traditions. Mais également l’absence patente des intellectuels et/ou laïcs de l’espace public. Ils sont présents certes sur la toile mais dans la réalité, c’est une frange de la société marocaine dormante, ce qui donne beaucoup de marge aux islamistes sur le terrain et à leurs discours populistes. L’endoctrinement est partout. Même et surtout dans le système éducatif (de l’école à l’université). Voilà la note finale : une alerte !
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Boîte noire :


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