En taggant les murs de leur école, ce 6 Mars 2011, du slogan, « le peuple veut la chute du régime »   les quinze écoliers de Deraa, en Syrie,  ne se doutaient pas qu’ils allaient entraîner leur pays dans le cataclysme que l’on sait. Plus que jamais, le sort de la Syrie et de son Président se jouera dans les heures qui viennent. L’intervention qui se dessine ne va pas manquer de rebattre les cartes. Pour les uns, comme pour les autres.
Sauf coup de théâtre donc, les « Tomahawk » américains et les « Scalp » français, devraient fondre sur la Syrie, dans les quarante huit prochaines heures. Le temps pour les experts de la mission onusienne de rentrer à New York, samedi, pour livrer à l’ONU, leurs conclusions sur l’origine du bombardements au gaz Sarin, qui a frappé, mercredi 21 août,  les faubourgs de Damas, faisant mille trois cents (1.300) morts, parmi la population civile  d’Ain TarmaZamalka et Djobar.
A quatorze reprises déjà, le régime syrien a été accusé, au cours des derniers mois, d’avoir perpétré ce genre d’attaque contre les rebelles syriens, infligeant également des pertes aux populations civiles, imbriquées avec les combattants. Mais c’est la première fois depuis la guerre Irak-Iran et le gazage de la population kurde d’Halabja, par les troupes de Saddam Hussein, en 1988, qui avait fait des milliers de morts, que survient une attaque d’une telle ampleur.
En l’absence d’un « Smoking gun » irréfutable, le bombardement est tantôt imputé au régime, par ses détracteurs, tantôt aux rebelles par Damas et ses alliés.
Barack Obama semble, quant à lui, ne nourrir aucun doute sur la culpabilité de Damas et affirme détenir les preuves incriminant Damas. Et si tout d’un coup, l’homme semble se raviser et mettre l’arme au pied, c’est parce qu’un certain Colin Powell brandissant sa fameuse fiole d’Anthrax, au Conseil de Sécurité, s’est soudain rappelé au souvenir des américains et du reste du monde. Alors pour effacer l’image de comploteur et de va-t-en guerre que certains lui collent déjà, le Prix Nobel de paix fait mine de marquer une pause, en attendant le compte-rendu des inspecteurs des Nations Unis.  Entre le retour de ces derniers et son départ pour la Suède, s’ouvre une fenêtre de tir, entre samedi 31 et mardi 3 septembre. Soixante douze heures que Barack Obama compte bien mettre à profit, pour joindre le geste à la parole, après l’explication de texte, quelque peu prématurée qu’il avait livrée, sur le déroulement des opérations et les moyens que comptent utiliser les Etats-Unis, pour frapper le régime syrien.
Malgré une opinion américaine traumatisée par les bourbiers irakiens et afghans et opposée à plus de soixante (60) pour cent à une nouvelle guerre, malgré la défection, vendredi, de son allié traditionnel, le Royaume Uni, dont le parlement vient de refuser au Premier Ministre David Cameron, sa participation aux opérations militaires, malgré la  fermeture du Canal de Suez par l’Egypte et le refus de la Jordanie de servir de base de départ aux F-16 américains, le président américain poursuit sa « Danse du scalp », conscient qu’un recul jetterait  le discrédit sur sa détermination réelle, à mettre à exécution les menaces, qu’il avait adressées au président syrien, à propos des armes chimiques.
L’autre allié de l’Amérique, la France, ne semble par contre, pas flancher, malgré les soixante-deux (62) pour cent de français s'avouant inquiets de la réaction de la Russie. François Hollande emboîte fermement le pas à son homologue américain, dans une nouvelle  posture guerrière. Le président français affiche la même détermination à « punir », comme il l’a dit,  la Syrie, même si les moyens de la France restent modestes, au regard de l’escadre US, composée de cinq destroyers et d’un sous-marin, équipés de missiles de croisières « Tomahawk »,  d'une portée de deux mille cinq cents (2.500) kilomètres. Un dispositif auquel pourraient se joindre, en cas de nécessité,  les deux porte-avions « USS Nimitz » et « USS Harry S.Truman ». Sauf à mobiliser le « Charles De Gaulle », qui sort tout juste d’entretien et le faire escorter de toute son escadre d’accompagnement et de ravitaillement,  l’Hexagone ne dispose que de cinq chasseurs bombardiers et guère plus qu’une centaine de missiles « Scalp ». Autant dire que le rôle de Paris sera réduit à la partie congrue, d’autant que privés de la base aérienne britannique d'Akrotiri, à Chypre, après le désistement de Londres, les pilotes français seront contraints de décoller de la base de Solenzara en Corse, comme ils l’avaient fait lors de la guerre en Libye.
Les opérations déclenchées, la coalition va s’acharner à détruire, méthodiquement, tout comme elle l’avait fait avec l’Irak, les centres de commandement et de communication de l’armée syrienne,  ses casernes, ses bunkers, ses aéroports, ses arsenaux. Au passage, elle « égratignera » probablement,  le palais présidentiel, histoire de signifier à Bachar El Assad qu’il n’est, lui-même, pas à l’abri d’une frappe, s’il devait persister dans son aveuglement.
En l’absence de toute alternative à  Bachar El Assad et conscients des risques de partition du pays, entre alaouites, sunnites et kurdes, les « alliés » n’ont aucune intention de provoquer la chute du régime. Néanmoins, si les opérations devaient frapper efficacement le dispositif militaire syrien,  elles modifieraient sensiblement la donne, en permettant aux insurgés de reprendre l’offensive et regagner le terrain perdu au cours des mois écoulés, tout en sapant le moral des troupes régulières, comme semblent le démontrer les défections de ces derniers jours dans ses rangs. Par-dessus tout, il s’agit d’envoyer au tyran,  le signal qu’il ne pourra désormais plus s’en prendre impunément, à sa population.
Trop heureuse de voir le conflit syrien détourner l’attention de la communauté  internationale de son programme de colonisation à marche forcée, dans les territoires occupés,  Israël qui observe une neutralité de façade, n’aura certainement pas manqué de livrer à son vieil allié américain, toutes sortes d’informations sur les déplacements des troupes syriennes, leurs concentrations ainsi que d’autres éléments sensibles,  fruits du savoir-faire de l’Etat hébreux en matière d’espionnage et d’écoutes du réseau de communication de ses voisins arabes.
La Russie et la Chine auront beau pousser des cris d’orfraie et enchaîner les mises en garde, aucune des deux capitales n’a envie de s’impliquer dans un conflit dont personne n’est capable de prédire la suite. Et pas plus qu’elle n’avait levé le petit doigt, pour voler au secours de ses cousins germains serbes, lors de la guerre de Yougoslavie, Moscou ne tentera de sauver Damas. Vladimir Poutine n’ignore pas que la chute du régime syrien pourrait menacer la stabilité des républiques du Caucase, le flanc sud de la Russie à un jet de pierre de la Syrie. Mais le président russe sait également qu’il n’a pas les moyens d’une guerre contre l’occident. Il se contentera de déclarations, sans conséquences, avant de conclure de nouveaux  contrats d’armements juteux, avec le régime, si celui-ci devait en réchapper.
Bachar El Assad a beau pérorer devant les caméras de télévision, il n’en mène pas large. Le souvenir d’un Saddam Hussein se balançant au bout d’une corde après avoir fait preuve de la même arrogance, quelques heures après l’invasion de l’Irak, doit sans doute l’effleurer, sinon hanter ses nuits, avec cette différence de taille que les syriens ont promis de ne pas s’embarrasser de préjugés, ni de précautions s’ils devaient se saisir de leur tyran.
Personne n’a oublié la brutalité du propos de ce dernier menaçant Rafik hariri de lui casser le Liban sur la tête, avant de mettre sa menace à exécution, dans la sauvagerie que l’on sait.
Nul ne peut également oublier les dizaines de milliers de morts, les centaines de milliers de blessés et les millions de déplacés, à mettre au compte de l’un des plus abjectes dictatures.
Ce qui avait commencé par les tags des « Quinze de Deraa »,  pourrait bien s’achever dans les prochaines semaines, par la disparition d’un dictateur. Un de plus.
Personne ne s’en plaindra, sauf peut-être les autres tyrans, effrayés par ce qui promet d’être leur propre sort, à force d’aveuglement.