Par Ali Fkir, 4/3/2011
D’en haut, on vient de créer un nouvel instrument de « droits humains », le « conseil national des droits humains » (CNDH). La nature de l’instrument, la stratégie, la procédure restent les mêmes, seules les individus changent, l’emballage quoi ! Comment ?
- La nature de l’instrument est purement conservatrice : défendre (à sa manière) les valeurs sacrées du pays en général et les choix du monarque en particulier. Défendre l’essence du régime et ses « piliers de légitimité ».
- La stratégie consiste à confectionner deux Maroc :
A - le Maroc de façade tourné vers l’étranger. C’est le Maroc de la « tolérance, des droits de la femme, des droits de l’enfant, de la liberté d’expression, de la liberté d’entreprendre… ». C’est le miroir aux alouettes! Les bourgeoisies européennes, à leur tête celles qui gouvernent la France, qui connaissent par ailleurs l’amère réalité, exploitent cette « face » bien fardée de produits de beauté (ayant pour but de masquer les rides de vieillesse d’un système politique historiquement condamné à disparaître).
Ce Maroc «chimérique », permet à tous les arrivistes « nationaux », à tous ceux qui ont renié leur passé de militants, à ceux qui sont à la recherche d’une mini place à l’ombre de l’arbre du makhzen, à ceux qui sont aux aguets (comme les chats affamés du bled) des miettes qui tomberaient des table des nantis, ou comme des chiens affamés du bled prêts à avaler avec avidité des os offerts généreusement par leurs maîtres.
B- le Maroc, le vrai Maroc, celui de l’étouffement de tout ce qui est vivant, de tout ce qui trouble la quiétude des seigneurs.
Le Maroc de la répression, de l’emprisonnement, de l’exclusion, de la marginalisation, de l’appauvrissement…le Maroc moyenâgeux, Maroc du totalitarisme, Maroc des ténèbres, Maroc du sacré., Maroc de l’intolérance…
- Les procédures sont les mêmes : après l’analyse de la conjoncture, la détermination des différents paramètres de la situation, stratification des contradictions, après avoir fixé la cible (l’ennemi principal), le roi crée un instrument adéquat, choisit les « hommes » de la mission, l’argentier du pays débourse, les divers services de l’État déblaient le terrain, la répression s’occupe de gros travaux…
- « L’emballage » leurrant les profanes et autres non-avertis : jouer sur le passé des individus recrutés pour la basse besogne, gonfler leurs mérites, leur QI, mettre en relief leurs diplômes ( qui peuvent s’avérer inexistants)…Les moyens audiovisuels publics et « privés » s’occupent des autres aspects de la finition, du maquillage…
La création du CNDH, n‘échappe absolument pas à cette vérité, à cette logique. C’est le souci de la continuité qui prédomine, souci de la « pérennité » de la monarchie qui est déterminante dans les grandes décisions des dominants. Quelles que soient les qualités « individuelles » des personnes recrutées, le rôle de celles-ci ne dépasse en rien le rôle du pion dans un échiquier. C’est le cerveau du maître qui choisit le coup, et c’est sa main qui fait avancer le pion.
Résumons en quelques lignes l’historique des de la politique officielle dans le domaine des droits humains.
En 1990, alors que les geôles du régimes pullulaient de prisonniers politiques, et que la répression battait son plein, le tyran Hassan II créa le Conseil Consultatif des Droits de l’Homme. C’était la mode : dans sa campagne contre les bureaucraties de l’Europe de l’Est, l’impérialisme avait joué avec intelligence sur cette sensible fibre. Il avait (et il le fait toujours) conseillé/recommandé aux dictatures assujetties à son influence de créer des instances (bidon bien sûr) qui prônent la défenses des droits de l’Homme.
En 1993, Le même tyran créa un ministère chargé des droits de l’Homme dirigé par un avocat (avocat bien connu dans les milieux de la défense des causes injustes)
Le 7 janvier 2004, Mohammed VI, installa l’Instance Équité Réconciliation (l’IER) ayant pour objectifs principal : « tourner la page » (en dénaturant la réalité), pour cela il fallait impliquer dans la falsification de l’Histoire des gens « fiables », des individus qui ont eux-mêmes souffert des pratiques du régime de Hassan II. La « nouvelle ère » a recruté sans grandes difficultés (il faut reconnaître cela à l’entourage du monarque) dans les milieux de gauche.
Le 11 juillet 2005, le roi nomme Driss Benzekri (ancien président de la défunte IER) président du ressuscité CCDH
Après le décès de Benzekri, le roi nomme en novembre 2006 Ahmed Herzeni secrétaire général du CCDH, avec la même mission à la charge. Dénaturer l’Histoire, « redorer » le blason d’un régime terni par l’histoire de la dictature
Le 30 novembre 2005, l’IER remit au roi son rapport final. Pour le roi, pour l’IER, le dossier de la répression de la période 1956 – 1999, est désormais clos. Jusqu’à aujourd’hui (mars 2011), l’Etat et les appendices du makhzen nient toute violation des droits humains au Maroc depuis 1999 (date de l’intronisation de Mohammed VI).
Le jeudi 3 mars 2011, l’enfantement d’un rejeton makhzanien, le CNDH, ayant la même mission que les défunts, mais avec un nouvel objectif de détail : contrecarrer l’influence de l’AMDH, qui est devenue un véritable grain de sable dans la machine makhzanienne. Un véritable cauchemar pour les despotes.
Il est devenu pratiquement impossible à cette machine de masquer « normalement » la réalité des violations des droits humains qui empoisonnent quotidiennement la vie des marocain-es et de présenter facilement aux institutions internationales des « rapports mensongers » à cause, entre autres, de l’AMDH.
Il fallait confectionner un instrument de combat, le CNDH, recruter les personnes « aptes » à faire le boulot. Ceux qui ne portent pas dans leur cœur l’AMDH d’aujourd’hui.
Aussi bien pour les commanditaires que pour les commandités, les moyens à utilisés (et non les objectifs) doivent ressembler à ceux de l’AMDH : la proximité, une structure hiérachique…l’argentier du royaume ne lésinera pas cette fois-ci sur le financement
Il reste à souligner la différence entre l’AMDH et le CNDH :
- L’AMDH est le produit de la résistance populaire alors que le CNDH est le produit du makhzen, le produit d’un système répressif.
- L’AMDH a pour mission de faire connaître la vérité, de condamner les violations, de se solidariser avec les victimes, d’accompagner les victimes dans la recherche de la justice…
Quant au CNDH, il a pour mission, n’en déplaise aux arrivistes de tous poils, de défendre l’image de l’Etat marocain, la « virginité » de la nouvelle ère…
- Les deux organisations sont nées dans des conjonctures caractérisées par la lutte acharnée entre le peuple et le makhzen :
L’AMDH pour défendre la cause du peuple, le CNDH pour défendre l’ennemi du peuple, défendre le système répressif en place, jouer le rôle du sapeur-pompier surtout en ces temps de combat légitime pour le changement combat initié par la jeunesse marocaine du 20 février 2011.
Devant l’ampleur du mouvement pour le changement, le régime n’a d’autres solutions que d’accentuer la répression et de recruter de nouveaux sapeurs-pompiers…
Reprenant des passages de la MAP (agence du makhzen) :
+ Le cndh se distingue notamment par les mécanismes régionaux
+ mécanismes régionaux en tant que dispositifs de proximité
+ Le nouveau dahir vise par ailleurs à consolider l'autonomie du conseil (contrairement à ce qui a été avancé par le sieur El Yazami, il n’est pas question d’indépendance)
+ Après avoir rendu hommage aux efforts sincères que les anciens présidents et secrétaire général du conseil, ainsi que l'ensemble de ses composantes, avaient déployés avec dévouement et abnégation tout au long de leurs mandats, dans l'accomplissement des missions assignées au conseil, sa majesté le roi a salué le parcours militant, notoirement connu, tant au plan national qu'international, des nouveaux présidents et secrétaire général, ainsi que leur ferme engagement en faveur des droits de l'homme, de la citoyenneté agissante et des justes causes de la nation.
******************************************
Usurpation du logo de l'AMDH ? Maladresse ou malveillance ?
A la lecture de l'article ci-dessus on comprend que l'AMDH n'a pas participé à la mise en place de cette "nouvelle" instance. Dans quel but cet amalgame a-t-il été fait ? Pour brouiller les pistes ? (NDLR)
Maroc-réformes : le Conseil des droits de l’Homme érigé en instance nationale
Nouvelle initiative de réforme au Maroc, avec la transformation du Conseil consultatif des droits de l’homme en instance nationale. L’objectif de cette décision qui s’inscrit dans une stratégie de réforme globale, est d’ériger l’institution de défense des droits humains en mécanisme régi selon les normes et standards internationaux. Outre sa vocation de contribuer à l'élargissement des libertés et à la consécration des valeurs de tolérance, le nouveau Conseil National (CNDH) renforcera la position du Maroc en tant que partenaire privilégié de l’Union européenne, avec laquelle il entretient déjà un dialogue politique institutionnalisé.
L’action du CNDH devrait bénéficier du travail accompli par l’ancienne structure créée en 1990, puis réformée en 2001. En 20 ans d’existence, le Conseil des droits de l’homme avait réussi à asseoir son indépendance. Son action s’est élargie par le biais de structures et de mécanismes de défense et de protection des droits humains au niveau national et régional. Ainsi, le nouveau Conseil National compte capitaliser sur ces acquis pour contribuer résolument à la consolidation des avancées démocratiques et à l'ancrage de la culture et de la pratique des droits de l'Homme au Maroc. « Notre mission au sein du conseil nous engage à œuvrer pour l’élargissement du champ des libertés et des droits humains, de la consécration des valeurs de tolérance, d’égalité et de respect de la dignité humaine », a déclaré Mohamed Sabar, le nouveau secrétaire général du CNDH. La consultation, la surveillance, l’alerte précoce et l’évaluation de la situation des droits humains sont autant de prérogatives dévolues au Conseil. Ce dernier aura, entre autres compétences, la possibilité de visiter les lieux de détention et les établissements pénitentiaires et de contrôler les conditions des prisonniers.
http://www.statut-avance.com/index.php?option=com_content&view=article&id=238:maroc-reformes--le-conseil-des-droits-de-lhomme-erige-en-instance-nationale&catid=1:latest-news
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire