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lundi 8 novembre 2010

Maroc : Une société qui démolit ses écoles…

Par Abderrahim Kassou, Culture toute ! 6/11/2010
Une société qui commence à démolir ses écoles est une société qui va mal. Une société qui commence à démolir ses écoles sans que personne ne réagisse est une société qui va très mal. Ainsi est notre société. Durant le mois d’août, le collège Ibn Toufaïl a été démoli pour laisser place à un club des enseignants. 
 Construire un club des enseignants est sans doute nécessaire, une initiative louable au bénéfice d’un corps ô combien primordial dans une société saine. Mais était-ce nécessaire à cet endroit précis ? Cela valait-il la suppression de classes, la répartition des élèves vers d’autres lieux, et la démolition d’un établissement d’enseignement historique ? On me rétorquera que les établissements publics d’enseignement dans certains quartiers comme Anfa, Racine, Gautier ou le Maarif à Casablanca se vident. C’est également le cas de certains établissements dans d’autres villes du Maroc. Les parents préfèrent mettre leur progéniture dans des établissements privés de plus en plus coûteux et sélectifs. Donc autant utiliser ces espaces pour d’autres usages. Comme si la baisse de qualité de l’enseignement public était une fatalité. On en prend acte. Le drame n’est finalement pas que l’enseignement public soit mauvais. Le drame est que cela soit devenu la norme et ne révolte plus personne, Cela ne fait réagir personne. S’il est naïf de trouver anormal que des écoles soient démolies alors que tant de nos concitoyens sont analphabètes, il n’y a plus beaucoup de naïfs dans notre société.
Le collège Ibn Toufaïl est un bâtiment emblématique du Maarif situé dans la rue de Normandie. Il s’agit d’un ensemble composé du collège en question, mais également d’une école primaire, l’école Anas Ibnou Malik. Certaines parties datant des années trente sont réalisées dans un style Art déco, mais l’essentiel a été construit à la fin des années quarante dans une architecture moderne, élégante, faite de volumes simples et orthogonaux. Un tel bâtiment constituait l’un des exemples de l’architecture publique marocaine dans laquelle se sont illustrés nombre de grands noms de l’architecture. Au moment où Casablanca est de plus en plus reconnue comme une destination de niveau mondial pour son patrimoine architectural moderne ; au moment où Casablanca accueille de plus en plus d’écoles d’architecture du monde entier venant parcourir les rues de cette ville considérée comme un véritable livre d’architecture à ciel ouvert ; au moment où de plus en plus de Casablancais sont fiers de leur patrimoine dans l’ancienne médina, au centre-ville, mais également à Hay Hassani, Hay Mohammadi, aux Roches-Noires et ailleurs, des actes irréversibles continuent à se produire. Le collège Ibn Toufaïl ainsi que l’école Anas Ibnou Malik n’existent plus. On ne verra plus des gamins et gamines en blouse blanche chahuter devant l’entrée, on ne verra plus des parents angoissés, des profs pressés, des retardataires traverser la rue de Normandie et se précipiter vers le bâtiment, les anciens élèves ne pourront plus revenir sur leurs lieux de souvenirs…
Au-delà de la perte de lieux de mémoire qui ont formé tant de Marocains, au-delà de la démolition d’un des édifices patrimoniaux remarquables de l’architecture publique marocaine, c’est de la disparition des établissements publics dans certains quartiers qu’il s’agit. Lequel est le suivant : Chawki, Idriss Ier ? C’est également la disparition de l’école publique comme espace de mixité sociale, un des rares espaces où les Marocains de différents niveaux sociaux se croisent et se côtoient. De nos jours, les différentes couches sociales n’ont plus d’activités communes, fréquentent peu de lieux ensemble, vivent des vies parallèles ; ne vont ni à la même plage, ni au même café, encore moins à la même école. Les établissements d’enseignement public, ces véritables espaces d’exercice de la mixité sociale et espaces d’apprentissage de la vie, sont en train de disparaître dans l’indifférence générale. Et une société où le seul espace de mixité qui subsiste est l’hypermarché est une société qui va mal.
/http://www.culturetoute.net/contributions/abderrahim-kassou-une-societe-qui-demolit-ses-ecoles/

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