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dimanche 30 mai 2010

Les coûts élevés de l’autoritarisme au Moyen-Orient

Par : Aziz Enhaili,al-Ofok, no. 25, mai 2010.
L’autoritarisme sévit dans la plupart des pays du Moyen-Orient. Ses gardiens sourcilleux veillent au grain. Malheur à toute tête qui dépasse! Si la «rentabilité» d’un régime politique se mesure à l’aune de ses coûts pour une communauté nationale, force est de constater que le prix de la tyrannie islamique s’est révélé (comme esquissé brièvement ci-dessous) très élevé pour qu’elle puisse être tenable à moyen et long terme.
Le prix élevé de l’autocratie islamique ne se cantonne pas à un seul champ. Il touche les différentes sphères de la vie en société (économie, politique, société, culture). Et cela perdure depuis au moins cinquante ans.
Peuples et trahison des élites
Les peuples majoritairement musulmans s’étaient laissé «intoxiquer» par la rhétorique nationaliste de leurs élites dites émancipatrices. Ils avaient cru que la conclusion victorieuse de leur lutte allait déboucher non seulement sur leur émancipation du joug colonial, mais surtout sur le recouvrement de leur dignité.
Après des décennies d’indépendance, ces peuples se retrouvent pris en otage par des régimes autoritaires. À cause de leur faillite politique et économique, ces pouvoirs se sont servis Ad vitam aeternam d’un thème comme celui de la «menace extérieure» pour contenir les revendications de leur peuple de plus de libertés politiques et de justice sociale. À titre d’exemple, l’épouvantail «État d’Israël» s’est révélé d’une efficacité redoutable. À tous ceux qui voulaient voir leur pays accéder enfin à un régime de liberté, on répondait qu’il fallait attendre jusqu’à la libération de la Palestine de la botte israélienne. À ceux qui voulaient voir leur économie se libérer de l’étatisme patrimonial et du clanisme prédateur, on disait de se montrer patients jusqu’à ce que les Palestiniens recouvrent leur liberté. À chaque fois, on exhortait les «impatients» à resserrer les rangs et à faire front commun autour de la cause arabe sacrée.
Non seulement la Palestine demeure encore occupée, hélas, mais son peuple ne s’était jamais aussi mal porté. De plus, les conséquences de l’autoritarisme sur les différents champs sociaux se sont révélées catastrophiques au Moyen-Orient. Les quatre rapports du PNUD des années 2000 sur l’indice du développement humain dans cette région sont éloquents à cet égard.
Le champ politique islamique est moribond. Le corps social de la classe politique n’a pas connu de renouvellement réel, puisque ce sont les mêmes groupes sociaux qui se maintiennent depuis plus d’un demi-siècle au pouvoir. Non selon la volonté populaire, mais au bout du fusil. Aux dynasties royales conservatrices attachées à la continuité se sont joints des «républiques» tentées quant à elles par des dérives dynastiques, à l’image de la Syrie (Égypte, Libye, Tunisie, Yémen). Le contrôle étroit, sinon l’interdiction, des différents lieux de sociabilité moderne (partis politiques, syndicats, associations des droits humains…) a fait de la mosquée le seul, sinon le principal, lieu de contestation politique de l’ordre en place. Fournissant aux régimes un prétexte tout désigné pour réprimer toute opposition, islamiste ou non.
Dans ce contexte, si les innovations politiques sont proscrites, la médiocrité est à l’honneur. Comment aurait-il pu en être autrement puisque c’est l’obséquiosité et la servilité qui commande la sélection par le Prince du personnel politique et son ascension et non le principe méritocratique.
L’autoritarisme politique va de pair avec le contrôle étroit du champ économique. Ici, l’économie cesse d’être un outil de création des richesses nationales, dont tous devraient profiter à des degrés divers, et devient notamment un levier de pression sur la bourgeoisie industrieuse pour qu’elle se tienne tranquille. On s’en sert également pour s’acheter des loyautés serviles et des clientèles dociles. Un milieu opportun qui fait de la corruption généralisée aux différentes strates sociales, un outil très efficace de contrôle social. Détruisant toute innovation sociale potentielle.
Devant la fermeture du champ politique et la satellisation du champ économique, les vocations des classes innovantes deviennent frustrées. Avec en prime des révoltes cycliques violemment réprimées ou, pire, des révoltes passives, c’est-à-dire des gestes retournant la violence non contre le pouvoir établi, mais contre soi ou contre son groupe immédiat. Ce mode passif inclut également ces mouvements de départ à l’étranger à la recherche d’un meilleur avenir. Un «choix» privant le pays de ses éléments les plus prometteurs (jeunes, cadres, hommes d’affaires…).
Le milieu culturel n’échappe pas non plus à cette ambiance autoritaire. Différents leviers aident le Prince à endiguer sa créativité. Allant du maintien de taux très élevés d’analphabétisme jusqu’au contrôle du marché culturel, en passant par la promotion de certains comportements. Avec comme message bien entendu que tout créateur qui voudrait durer devrait éviter de mécontenter le Prince! Avec cette chape de plomb, l’entreprise créatrice se trouve vidée de son potentiel innovant et libérateur.
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Cette esquisse montre une partie seulement des dégâts visibles de l’autoritarisme au Moyen-Orient. Tant qu’il écrasera cette partie du monde, point de développement ou de dignité.

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