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samedi 27 février 2010

L'incroyable enquête du Dubaïgate

par Lemonde.fr, 26/2/2010
Mahmoud Al-Mabhouh, considéré par Israël comme un maillon essentiel de la contrebande d'armes à destination de la bande de Gaza, contrôlée par le mouvement palestinien Hamas, a été retrouvé mort le 20 janvier dans un hôtel de Dubaï. Le Mossad, le service de renseignement israélien, est suspecté d'être à l'origine de ce meurtre. Au fil des jours, l'enquête est devenue de plus en plus complexe ; pas moins de vingt-six personnes, porteuses de passeports occidentaux, sont recherchées par la police de Dubaï.
  • Les faits : le 20 janvier Mahmoud Al-Mabhouh est retrouvé mort dans la chambre n° 230 de l'hôtel Al-Bustan Rotana de Dubaï. Grâce aux nombreuses caméras de surveillance présentes à Dubaï, la police retrace l'itinéraire du commando chargé de le tuer. Le cadre du Hamas a été filé après son arrivée à Dubaï et le commando a réservé une chambre face à la sienne dans son hôtel. "Il a été étouffé après avoir reçu peut-être une décharge électrique", a déclaré le chef de la police à Dubaï, le général Khalfan.

  • Qui était Mahmoud Al-Mabhouh ? Né le 14 juin 1960, dans le vaste camp de réfugiés de Jabaliya, dans le nord de la bande de Gaza, Mahmoud Al-Mabhouh a rejoint à 18 ans le mouvement des Frères musulmans, qui a fondé le Hamas. Militant actif, il a régulièrement été détenu dans les geôles israéliennes au cours des années 1980. Il s'est fait connaître pour avoir orchestré l'enlèvement et l'assassinat de deux soldats israéliens en 1989.

    En 1990, Al-Mabhouh a fui la bande de Gaza pour l'Égypte après la destruction de sa maison par l'armée israélienne. Détenu trois mois en Egypte, il s'est rendu en Libye et enfin en Syrie, où il a vécu jusqu'à son assassinat, précise le Hamas. Mais on dispose de peu de détails quant à ses activités dans les deux dernières décennies.
  • Pourquoi le Mossad est-il suspecté ? Rapidement, les services secrets israéliens sont suspectés d'être à l'origine de ce meurtre. Le 15 février, après la découverte de l'utilisation par les suspects de passeports occidentaux, le chef de la police de Dubaï a dit "ne pas exclure une implication du Mossad ou d'autres parties dans l'assassinat" : "Israël commet de multiples assassinats dans beaucoup de pays, y compris dans des pays alliés." Même la presse israélienne soulève cette hypothèse. "Une méthode du Mossad", titre ainsi le quotidien Haaretz, le 16 février, en notant que les "préparatifs minutieux rappellent les actions du Mossad dans le passé". Les services secrets israéliens ont en effet mené de nombreuses opérations spectaculaires d'assassinats de dirigeants palestiniens à l'étranger, dont le bras droit du dirigeant historique Yasser Arafat, Abou Jihad, en avril 1988, lors d'un débarquement à Tunis, et le chef de l'organisation radicale du Djihad islamique, Fathi Chakaki, en octobre 1995 à Malte.
  • L'enquête : A la mi-février, la police de Dubaï annonce que onze personnes, porteuses de passeports européens, sont suspectées. Le 24 février, elle annonce qu'elle recherche désormais vingt-six suspects porteurs de passeports occidentaux. Sur ces vingt-six suspects (dont six femmes) douze détiennent des passeports britanniques, six sont porteurs de passeports irlandais, quatre sont munis de passeports français, trois de passeports australiens et un d'un passeport allemand. Certains de ces passeports sont faux, d'autres des vrais avec usurpation d'identité, et seraient des passeports "diplomatiques". Certains auraient utilisé l'identité d'Israéliens ayant une double nationalité. Enfin, trois Palestiniens seraient également interrogés dans cette affaire.

    La police a précisé que les quinze nouveaux suspects, dont les photos ont été diffusées (voir ci-dessus), étaient arrivés à Dubaï en provenance de six villes européennes et de Hongkong, et que quatorze suspects avaient utilisé, pendant leur séjour à Dubaï, des cartes de crédit délivrées par une seule banque, META Bank, une institution financière américaine.
    Finalement, fin février, le chef de la police de Dubaï se dit "certain à 99 %, sinon à 100 % que le Mossad est derrière l'assassinat". Il affirme que les enquêteurs ont des preuves, dont des écoutes téléphoniques, sur l'implication du renseignement israélien dans le meurtre. Selon lui, l'ADN d'au moins un des suspects ainsi que les empreintes digitales de plusieurs autres ont également été retrouvés.
  • Les réactions : La communauté internationale a unanimement condamné cet assassinat, sans pour autant mettre directement en cause Israël. Ce meurtre "soulève des questions qui sont profondément dérangeantes", ont affirmé les Vingt-Sept. De leur côté, Londres, Dublin, Paris, Sydney et Berlin ont récemment demandé des explications aux ambassadeurs d'Israël sur les passeports utilisés par le commando.
  • Israël. Jusqu'à présent, Israël est resté discret sur cette affaire. Seul le ministre des affaires étrangères, Avigdor Lieberman, a déclaré que "rien ne prouve qu'Israël est impliqué dans cette affaire". "Je pense que vous regardez trop de films de James Bond", a-t-il ajouté. De son côté, le ministre de l'industrie, Binyamin Ben Eliezer, ancien titulaire du portefeuille de la défense, a affirmé que les opérations menées par le Mossad doivent obtenir l'aval du seul premier ministre, Benyamin Nétanyahou. Citant des sources non identifiées proches du Mossad, le journal britannique Sunday Times a affirmé fin février que M. Nétanyahou avait rencontré les membres du commando, au quartier général du Mossad à Tel-Aviv, avant qu'ils ne se rendent à Dubaï pour tuer Al-Mabhouh.
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le Mossad m’a tuer
par Langue sauce piquante, le blog des corecteurs du Monde.fr

juduoqi-execution.1266568692.jpgDans l’affaire du responsable du Hamas trouvé mort à Dubaï dans sa chambre d’hôtel, le 20 janvier – assez probablement tué par le Mossad, “service secret” d’Israël (pas si secret que cela) –, la presse n’a pas longtemps hésité sur le terme idoine : assassinat. Mais voilà que le président Sarkozy a officiellement employé exécution à ce propos, lundi 22 février.
L’emploi de l’un ou de l’autre n’est pas neutre.
L’assassinat, c’est le “meurtre avec préméditation” selon les dictionnaires. (Le meurtre étant, lui, “l’action de tuer volontairement”. La différence entre les deux serait donc la préméditation. Ce sont en réalité de quasi-synonymes*.) L’assassinat et le meurtre sont en quelque sorte une activité “privée” mais interdite et réprimée par l’État.
Il en va autrement avec l’exécution, opération ordinairement réservée aux États*, dont ils ne se cachent pas, à laquelle ils donnent même une certaine publicité, et qui est le résultat d’un jugement en bonne et due forme. On a longtemps parlé à ce propos de prérogative “régalienne” et de “haute œuvre” : “l’exécuteur des hautes œuvres” étant le bourreau, l’assassin officiel en quelque sorte.
Parler d’assassinat fait ressortir le caractère criminel de l’acte. Employer exécution, c’est faire preuve d’indulgence et lui donner une certaine légitimité : de la part d’un chef de l’État, Sarkozy en l’occurrence, c’est peut-être même l’expression d’une solidarité cachée : la reconnaissance, entre pairs, du droit d’occision, régalien et imprescriptible*.
On ajoutera que la tempête de protestations (le “Dubaïgate”), y compris de la part de Sarkozy, ne porte pas tant sur l’acte lui-même que sur son amateurisme et le fait qu’il a été perpétré de façon trop maladroite et voyante.
* tout au plus peut-on noter que meurtre est privé de verbe par l’affaiblissement sémantique de meurtrir, qui a eu jadis le sens de “tuer”, mais qui n’a plus que celui de “blesser”.
* ou aux bandes armées truandes ou mafieuses, qui sont en fait de micro-États. Cf. la remarque d’Engels (le joyeux drille) sur l’État, qui se résume en dernière analyse à une “bande armée”.
* en France, la peine de mort est officiellement abolie, mais l’État, au plus haut niveau, se réserve le droit d’estourbir en douce et à l’étranger, ce que l’on appelle les “actions homo” (pour “homicide”) dans le langage des services secrets.
Illustration : JuDuoQi : Exécution en rang d’oignons.
PS : la faute dans le titre est volontaire et fait référence au fameux “Omar m’a tuer” (affaire du meurtre de Ghislaine Marchal, en 1991).

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