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mardi 23 février 2010

Pluie et boue, dans le nord du Maroc

Par Marc Roger,lecteur public, voyage littéraire Saint-Malo-Bamako, 19/2/2010
(extraits)
La misère des campagnes du nord du Maroc ne quitte plus mes yeux. La nuit. Paupières fermées. Les images de désolation défilent. L'immense plaine de terre argileuse qui va, sans une ride, du Rif à l'océan, creusée par les méandres paresseux du Sebou et de ses affluents, s'est transformée en marécage. L'absence de drainage en profondeur empêche l'évacuation des précipitations qui s'abattent sans discontinuer sur cette région sous influence océanique. Toutes cultures céréalières noyées. Récoltes compromises. Parfois à cent pour cent. Une catastrophe économique. Dès l'aube. Vers sept heures. Les ouvrières. Les ouvriers. Se tassent dans les taxis. Ou, à l'arrière des camions. À pied ou à vélo. S'en vont rejoindre les sucrières. Ou les vergers pour la cueillette des oranges qu'ils ont quittés la veille, couverts de boue. Les femmes parviennent toujours à mêler des couleurs vives à leurs tenues. Ainsi, leurs frusques sont-elles moins tristes. Moins pauvres qu'il n'y paraît. Les inclémences qu'ils subissent devraient les mettre à terre. Résignés. Ils poursuivent l'étincelle de survie qui leur reste à tenir à l'écart des flaques d'eau. Chaussés de bottes ou de sabots de caoutchouc que la planète entière achète aujourd'hui à la Chine. Les enfants jouent dans un coin de la cour de récré de l'école encore sec. Le peuple des campagnes. Courbé. Se tient debout. Dans les eaux qui croupissent. Dans la merde des bêtes. Cependant que le linge s'étale étincelant sur les feuilles de cactus. Le souci d'être propre à la femme de maison. Quand tout se ligue contre elle. De l'aube au crépuscule.

Tracteur_MR-LVDL.jpg
(c)MR/LVDL

À la vitesse de trois kilomètres heure. Soit cinquante mètres à la minute. Rien ne m'échappe. De ces gestes accomplis par les êtres vivants qui se battent grain à grain pour que le pain cuise au four. Ce garçon qui n'a pas les moyens de s'acheter un âne, s'est attelé lui-même à sa carriole. Il va couper de l'herbe. La faux tape sur la tôle à chaque cahot de la route. Il salue ses voisins qui s'en vont au point d'eau. Car d'eau courante ou de puits. Nul n'en dispose près de chez lui. Il faut courir. À l'aune des bidons remplir les seaux. Remplir les cruches. Faire comme on peut pour échapper à la folie intestinale de l'avoir bue sans la bouillir. Je suis près d'un village. Et, la vie foisonnante continue sous les vagues du prêche. Vendredi. On écoute l'imam. La leçon vaut pour tous. Mais, vaut-elle pour cet homme ? Il se plie. Un instant, je le crois en prière. Soudain, ses fesses nues m'apparaissent. Impudiques. Exposées au regard du trafic. Dans un bruit douloureux. La diarrhée le traverse. Il se relève. Sans s'essuyer. Remonte son pantalon et continue sa route. La fumée des barbecues me flatte autrement les narines. Je m'approche du centre. J'arrive en plein repas des ventres. Quartiers de bœuf ou de mouton suspendus aux crochets des étals. Un bouquet de coriandre entre chaque. La graisse des brochettes grésille sur les braises. L'odeur m'enveloppe. Je salive. Et m'attable. Festin. Je suis un gouffre.

Pendant ce temps. Le roi donne son feu vert à des chantiers, bien sûr, pharaoniques. La presse est unanime. Sa majesté est visionnaire. La ligne de TGV Casablanca-Rabat-Tanger est une révolution copernicienne. Je cite. Livraison 2015. Mille barrages à construire. Horizon 2030. Les pauvres qui pataugent attendront. Enfin, qu'ils se rassurent. Les enfants des nantis qui rouleront dans les plaines à trois cents vingt kilomètres heures auront de doux superlatifs à leur égard - Papa regarde les paysans dans leurs champs comme ils sont beaux ! On dirait des Playmobil...
 Source : nouvel obs : Chef de famille vit dans une tente  

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