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vendredi 26 février 2010

Dans les écoles marocaines, des entreprises privées pour la sécurité.

Par Agora Vox, 26/2/2010

Au Maroc, une initiative peu louable vient de voir le jour dans certains établissements scolaires et qui consiste à charger des entreprises privées de la sécurité de ces établissements. Après quelques mois d’exercice il s’est avéré que ce sont ces miliciens eux-mêmes qui sont la source de plusieurs échauffourées avec les élèves, souvent pour un oui ou un non. En plus des harcèlements successifs dont sont victimes les filles dans ces établissements. Alors l’on se demande vraiment la véritable mission de ces vigiles.
Une entreprise pareille peut se comprendre dans des villes où la violence est au quotidien, mais généraliser à des collèges et lycées du sud-est où la violence n’a jamais été autant recrudescente que depuis leur apparition oblige à se poser des questions quant à leur véritable mission.
Il ne se passe pas un jour sans que les nouvelles recrues de la sécurité scolaire ne se querellent avec un élève ou un autre. L’absence de formation éducative de ces nouveaux venus les entraîne souvent dans des altercations dont sont, bien sûr, victimes les élèves, qui se voient ainsi déshonorés, voire humiliés devant leurs camarades, en violation flagrante d’un principe élémentaire de l’éducation qui consiste à ne jamais humilier un jeune devant ses congénères. Le choix même de la discipline de qualification de ces nouveaux matons, qu’on trie parmi les pratiquants des arts martiaux, est déjà une provocation des jeunes adolescents à une période de leur vie où se développe la volonté d’affirmation de soi. Le choix de ces bruce-lee en herbe est malheureusement aussi un indice indiscutable de l’échec de notre système scolaire qui ne peut plus éduquer nos jeunes par le verbe et par l’exemple, au lieu de recourir à ces messieurs muscles pour les dompter. C’est la reconnaissance implicite de l’impuissance et de l’incapacité de guider ces jeunes par la manière douce, parce que l’on les a laissés trop longtemps sans repères dans un monde indécryptable pour leurs jeunes têtes souvent brûlées.
Le fait d’avoir à recourir à des sociétés privées pour éduquer nos enfants est le commencement d’un cancer qui va évoluer jusqu’à détruire complètement nos jeunes qui sont notre avenir et notre espoir de changement. En fait ces gardes des établissements scolaires ne sont pas reprochables en eux-mêmes, du moment qu’ils sont eux aussi victimes d’un milieu social, dans lequel ils n’ont pu se faire employer pour leurs qualités intellectuelles, de la fatuité desquelles ils se sont vite rendu compte, mais pour leurs qualités physiques, c’est-à-dire la force à l’état "brute" sans besoin de raisonnement. Pour survivre ils ont dû se plier aux lois du marché et ont choisi ce modeste travail mal payé, plutôt que le chômage. Un travail pénible qui demande des nerfs d’acier et une bonne formation psychologique pour pouvoir faire face aux circonstances de travail en milieu juvénile. Mais les sociétés mercantiles qui les emploient ne se donnent pas la peine de les préparer ni de les mettre en condition de manière suffisante. Elles se limitent à les lâcher comme des toréadors devant affronter des jeunes souvent très susceptibles et qui peuvent réagir de manière inattendue à chaque geste qu’ils interprètent comme une provocation.
Donc c’est la fin de l’éducation puisqu’elle n’est plus assurée par le dernier bastion où l’on espérait, et maintenait longtemps l’illusion de la voir fleurir, avant que l’apparition des gardiens ne fasse tomber la feuille de vigne qui voilait la nudité de notre système éducatif. Alors on a mis nos enfants entre les mains de jeunes de leur âge, ou à peine plus âgés, sans les munir d’aucune formation autre que musculaire et il ne fallait pas très longtemps pour voir les résultats... Mais l’essentiel étant de créer des emplois, alors on privatise tout pour enrichir encore les entreprises de gardiennage comme si nous étions à Baghdad et non plus dans un paisible lycée d’un petit village du Maroc.
Ici tout le monde, que ce soient les enseignants ou les surveillants, s’accordent pour dire que le lycée n’a jamais vu autant d’actes de violence que lorsque ce corps étranger est venu s’implanter dans l’ établissement. Sans oublier que le conseil de gestion du lycée avait demandé à l’administration de montrer le statut de création de ce corps de miliciens qui détermine leur domaine d’action et ses limites, mais le conseil n’a reçu que des réponses évasives et vagues. Certains membres de ce conseil avaient demandé aussi un droit de regard sur la main courante dans laquelle ces gardiens consignent leurs observations, du moment que celles-ci sont censées concerner l’aspect disciplinaire de l’établissement, qui fait partie des prérogatives du conseil, mais l’administration s’est barricadée derrière des motifs insignifiants pour ne pas exécuter cette recommandation.
Les raisons des querelles sont souvent futiles et la manière d’intervenir des gardes est souvent sinon toujours inadaptées et ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu. A titre d’exemple ils demandent aux élèves d’ôter les écouteurs et les lunettes de soleil dans la cour du lycée, alors que nulle part aucun avis ne signale qu’il est interdit de les porter, et alors que la moindre règle fondamentale exige de sensibiliser les jeunes, de les persuader d’abord de la pertinence d’une interdiction avant d’intervenir pour respecter celle-ci. Car si le jeune n’est pas convaincu de l’utilité de ce qu’on lui conseille de faire, il est carrément inutile de lui imposer un changement par force, car dans ce cas on ne réussit qu’à en faire un ennemi de plus. Enfin il est inadmissible que dans un pays qui a ratifié les chartes de l’interdiction des sanctions corporelles en milieu scolaire, l’on puisse encore voir un jeune maltraité, frappé et humilié devant ses amis et ses cahiers éparpillés, surtout devant les filles dans un milieu machiste comme le nôtre.
Ce n’est pas que les jeunes d’aujourd’hui soient irréprochables ni faciles à gérer. Beaucoup d’entre nos élèves n’ont jamais reçu la moindre éducation concernant la politesse, l’obéissance, le respect des adultes. Mais est-ce de leur faute si personne ne s’est jamais donné la peine de les leur apprendre, au moment où l’école elle même censée éduquer en même temps qu’instruire ne leur apprend que des rudiments d’éducation religieuse et civique d’une manière peu attractive qui transforme ces cours en une séance très lourde, dont on sort avec joie et dont on se presse d’oublier les moindres détails, d’autant plus que la réalité qu’ils voient devant eux ,dans la rue, ne correspond en rien à ces cours moralisateurs d’une autre époque.
De façon plus simple et plus terre à terre, nous mentons tous à nos enfants à l’extérieur de l’école et nous leur surinons de la morale en classe, dans l’espoir candide qu’ils vont nous croire, oubliant souvent que les enfants, de nos jours ne ressemblent en rien aux enfants que nous étions, que leur environnement hypermédiatisé en fait des mutants aux réaction et à l’intelligence plus alertes. Nous devons chercher un terrain d’entente avec ces hommes du monde futur et ne pas nous cloisonner dans des schèmes éducatifs inertes que nous croyons servir toujours en nous référant à une quelconque réussite passée.
Nous ne pouvons pas requérir de nos étudiants d’apprendre à être autonomes, tant qu’il peuvent se rendre compte de visu que nous ne pouvons pas prendre la moindre décision des plus banales sans en référer d’avance à nos supérieurs les plus hiérarchiquement élevés, par une routine administrative qui tuerait d’ennui le dalaï Lama le plus zen.A ce titre les élèves nous prennent à chaque fois pour des demeurés lors des examens, puisqu’il suffit de la moindre chiure de mouche tombée par inadvertance sur une copie et qui ressemblerait à un point pour provoquer un branle-bas indescriptible et déclencher des dizaines de coup de fil pour savoir s’il s’agit bien de fiente ou d’un point pouvant changer le sens d’un mot.
De même n’avons aucun espoir de former des adultes honnêtes tant que nous fermons les yeux sur toutes les imperfections qui viennent nous lécher les orteils sans que nous fassions le moindre geste pour les corriger ou du moins les critiquer. Nous ne devons pas nous limiter à entrer dans le moule de cette superbe description faite par un anonyme disant des enseignants et des responsables de l’éducation en général, que ce sont "des hommes d’hier qui apprennent à des enfants d’aujourd’hui comment se comporter dans le monde de demain". Sinon nous aurions raté un autre train en marche. Et il n’en reste pas beaucoup sur l’itinéraire du progrès, par contre il y en a encore une multitude dans l’autre sens, tous en wagons-lits pour les rebuts de l’Histoire !
Il faut donc mettre fin à cette mascarade ! Par un retour à une école éducative qui n’a pas besoin des mercenaires étrangers à son milieu, ou qui sont d’anciens élèves échoués, pour la protéger d’elle-même d’autant plus qu’un discours officiel suggérait, il n’y a pas longtemps, de raser les enceintes scolaires. Si ces énergumènes avaient quelque éducation à donner ils auraient commencé par eux-mêmes et n’auraient jamais raté leur cursus scolaire pour échouer entre les mains des entreprises vampires, qui leur sucent l’énergie jusqu’à l’os et les rejetteront dès que leurs muscles se seront atrophiés, pour engager d’autres plus vigoureux. Ne dit-on pas que les vampires raffolent de sang frais ?
Est-ce là le meilleur modèle éducatif que notre ministère a trouvé à montrer aux jeunes ? Ou bien est-ce les nouvelles recommandation d’un quelconque organisme mondial occulte qui dicte de frustrer nos jeunes pour les écraser et leur enlever toute velléité de discussion des ordres, dans une entreprise machiavélique de les rendre malléables et corvéables à merci, susceptibles d’admettre toutes les humiliations pour un quignon de pain et d’accepter toutes les fraudes et toutes les imperfections sociales sans rechigner. Si c’est là le véritable objectif de théoriciens de l’enseignement eh bien chapeau ! Car ils sont en train de collaborer à créer la génération la plus bête et la plus refoulée de l’Histoire du pays.

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