Par Louis Cabanes, Bakchich, 19/1/2010
Si l’heure est aux millions accordés aux sinistrés haïtiens, des rapports de l’ONU et du ministère Haïtien de l’Environnement pointaient du doigt, il y a un an les liens entre conditions naturelles, pauvreté et inaction des États.
Toute idée de cause à effet serait exagérée et trompeuse. Le séisme qui a frappé Haïti il y a une semaine ne peut trouver d’explications dans quelques fumeuses théories qui le lieraient aux aléas du changement climatique. Il permet en revanche (tardivement) de sortir de l’ombre des documents qui pointent la corrélation si sensible entre extrême pauvreté et conditions naturelles extrêmes.
Comme le révèle un rapport du Ministère de l’environnement Haïtien de 2009, « L’expérience vécue en Haïti montre clairement qu’il y a un lien inextricable entre les changements climatiques, et le phénomène de la pauvreté » dont « les répercussions de ces phénomènes sont encore beaucoup plus sévères pour les Petits Etats Insulaires en Développement (PEID), comme Haïti, confrontés déjà à un ensemble de défis économiques et structurels ». Ce qui, rappelle le document, se « traduit concrètement dans la vie du citoyen haïtien, par la baisse considérable des revenus, les inondations dévastatrices qui emportent récoltes et vies humaines, bref, un recul de l’espérance de vie. »
Pays ou 76% de la population survit avec moins de 2 dollars par jour, classé au 149ème rang sur 182 du développement humain dressé par le PNUD, l’inaction évaluée par l’administration « pourrait coûter au pays entre 10 et 15% de son économie ». Depuis l’ouragan Jeanne en 2004 qui fit plus de 5000 morts, la Commission Nationale sur la Sécurité Alimentaire (CNSA) prévoyait pour 2009 une « augmentation exponentielle du nombre d’haïtiens qui souffriront de faim et de malnutrition ».
127 millions de dollars d’aides requis, la moitié collectée
A cet état des lieux connu de tous, le Conseil de sécurité de l’ONU, dans son rapport du 14 mars dernier, dénonçait « les insuffisances de la communauté internationale face à la série de tempêtes et d’ouragans qui a dévasté Haïti en 2008 pour répondre aux besoins humanitaires urgents du pays. » Allant jusqu’à critiquer, peu commun des langues diplomatiques, « l’appel éclair visant à mobiliser 127 millions de dollars pour apporter une assistance Humanitaire immédiate qui n’a généré qu’environ la moitié des fonds requis. » Constatant que « Trois millions de personnes souffrent d’insécurité alimentaire modérée ou extrême, soit près d’un tiers de la population totale du pays ». La conclusion dudit rapport sonne comme un aveu d’impuissance, à savoir que « les niveaux actuels d’extrême pauvreté sont manifestement incompatibles avec la stabilité à long terme du pays. » Le gouvernement haïtien, et son président René Préval, en prennent aussi pour leur grade, accusés de ne pas avoir « établi de plan d’action ciblé détaillant les priorités du pays en matière de développement à court, moyen et long terme. »
Un second rapport, de septembre dernier, évaluait « l’impact dévastateur d’une série d’ouragans, la gravité de la situation socioéconomique » en faisant de nouveau remarquer la défaillance de la communauté internationale dont « Les subventions mises en place après les émeutes d’avril 2008 pour faire face à la hausse des prix alimentaires et de ceux de l’énergie ont été supprimées » et qu’« Il n’existe toujours pratiquement pas de filet de protection sociale. » L’appel de l’ONU visant à récolter les 562 millions de dollars ne fera pas taire les manquements du passé.
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