9 mai 2016
Dénués de volonté politique et de courage
collectif pour apporter une réponse à la hauteur des enjeux des
migrations actuelles, les pays européens ne savent plus quoi inventer
pour éviter d’accueillir et de secourir les milliers de personnes qui
espèrent encore un endroit pour vivre dans la sécurité et la dignité.
Pas une semaine sans que de nouvelles informations sur le sort
réservé aux personnes exilées aux portes et au sein de l’Europe ne
provoquent l’indignation et la colère des défenseurs des droits humains.
À la dernière tragédie de 500 morts en Méditerranée du mois d’avril, se
sont ajoutées des dizaines de disparitions supplémentaires.
Dénués de volonté politique et de courage collectif pour apporter une
réponse à la hauteur des enjeux des migrations actuelles, les pays
européens ne savent plus quoi inventer pour éviter d’accueillir et de
secourir les milliers de personnes qui espèrent encore un endroit pour
vivre dans la sécurité et la dignité. Alors que la seule véritable
question devrait être : comment assurer un accueil humanitaire et une
protection à tous ceux qui le demandent et qui en ont besoin, nos pays
semblent ne s’accorder que sur un point : comment éloigner le problème,
comment s’en débarrasser au plus vite !
S’en débarrasser collectivement en les empêchant d’aborder le
continent européen par une militarisation accrue des frontières
extérieures. S’en débarrasser nationalement en fermant les frontières
intérieures. Se débarrasser aussi, lâchement et hypocritement, de leurs
responsabilités en les renvoyant dans un pays aussi peu « sûr » que la
Turquie !
Que reste t-il des valeurs humanistes de nos pays quand le haut
commissaire aux droits de l’Homme s’inquiète, aux frontières
européennes, « d’un risque réel de négligence des obligations liées au
respect des droits de l’Homme » ? Que reste t-il du droit d’asile quand
le Haut Commissariat pour les Réfugiés lui même refuse de cautionner des
mesures en contradiction avec le droit international en Grèce ?
Le droit d’asile et, au-delà, la liberté de migrer, sont en danger.
Et ces dangers en révèlent d’autres. D’abord, pour les milliers de
femmes, d’hommes et d’enfants qui se retrouvent arrêtés, enfermés,
triés, quand ils ne sont pas morts sur les routes de l’exil. Ensuite,
pour le renoncement aux valeurs d’humanité universelles, pilonnées par
la peur, la xénophobie ou la haine.
Dans ce contexte d’une Europe qui semble avoir perdu la boussole,
nous déplorons que la France n’ait pas apporté jusqu’à présent de
réponses fortes et courageuses à la hauteur des enjeux. La France n’a
contribué que très peu en matière d’accueil, mais elle réagit pourtant
sur un « mode crise », tant dans son engagement européen que dans le
durcissement de sa politique nationale de contrôle et d’éloignement des
personnes migrantes.
Entre morts, murs, détention, tri et troc, quelle sera la prochaine
démission morale d’une Europe en crise ? Que retiendront les livres
d’histoire de cette période si nous ne parvenons pas à arrêter cette
déroute collective des pays européens ?
Le temps est à la résistance : l’urgence est d’alerter sur ces
dérives. De revendiquer l’hospitalité plutôt que l’hostilité ou la peur.
De démontrer concrètement que la solidarité est le meilleur rempart
contre la xénophobie et une forme de réponse aux maux de nos sociétés.
De très nombreux citoyens adhèrent à cet esprit de résistance
aujourd’hui, et construisent des alternatives solidaires. Notre
gouvernement ferait bien d’en tenir compte.
Geneviève Jacques et Jean-Claude Mas, présidente et secrétaire général de La Cimade
Photographie : Les migrants bloqués à la frontière entre la Grèce et la Macédoine à Eidomeni, novembre 2015. © Sara Prestianni
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