Mis à jour le
Médias/Télé
Qui se cache derrière "le Roi des pauvres" ? Un
redoutable homme d’affaires qui aurait transformé ses sujets en
clients. Pour mener l’enquête sur Mohammed VI, Jean-Louis Pérez s’est
appuyé sur des témoignages clés : le cousin germain du Roi, d’anciens
militaires, des journalistes exilés… Et même Catherine Graciet, la
journaliste française soupçonnée, en août 2015, de chantage et
d’extorsion de fonds à l’encontre du monarque en échange de la
non-publication d’un livre compromettant. Elle s’exprime, sans tabou,
dans Roi du Maroc, le règne secret H H, un documentaire
sous surveillance produit par Premières lignes avec la participation de
France 3. Diffusion, ce soir, à 23h25, dans la bien nommée case "Docs
interdits".
Pourquoi le visionnage par la presse est-il soumis à des conditions de confidentialité aussi drastiques ?
Parce que c’est un documentaire sensible. La
réalisation a été un cauchemar ! J’ai été éjecté du pays par 40
policiers. Heureusement, j’ai pu sauver mes rushes. Les autorités
marocaines ont un vrai problème avec la presse indépendante en général,
et avec ce film en particulier. Je n’ai jamais connu autant de menaces
d’attaque en justice, de pression. Pour nous discréditer, de très
nombreux sites marocains ont réalisé des articles à charge,
diffamatoires, en disant que "Docs interdits" était devenu un "doc de
choc" réalisé par Catherine Graciet. Nous ne voulions pas que des
extraits se baladent un peu partout sur le Web. Le public pourra juger
sur pièce, à la diffusion du film. Après, nous assumerons pleinement les
critiques.
Le témoignage de la journaliste Catherine Graciet sur la manière dont elle s’est laissée corrompre est édifiant.
J’avais pris l’initiative de travailler avec
cette spécialiste du Maroc reconnue, coauteure avec Eric Laurent du
livre "Le roi prédateur, main basse sur le Maroc". Un livre qui n’a pas
été attaqué en justice par le royaume, pourtant très procédurier. Depuis
le début, Catherine Graciet participe au film en tant que consultante.
Elle nous a ouvert son carnet d’adresses. En rentrant de vacances, l’été
dernier, j’ai découvert ce qui se passait. J’assume d’avoir travaillé
avec elle, avant. Ce qui a été fait, après, ne me concerne pas. Mais son
témoignage et le regard de Gilles Perrault qui dénonçait les dérives du
régime de Hassan II dans "Mon ami le roi", et à qui l’on a aussi
proposé de l’argent, nourrit le récit.
Racontez-nous la genèse de votre documentaire.
J’ai souvent passé mes vacances au Maroc. Quand
on ne fait pas attention, tout va bien. Dans un récent voyage, j’ai
réalisé un documentaire sur l’échec de la vente de Rafale par la France.
Alors que je tournais sur un salon de l’aéronautique, que j’étais
accrédité, je me retrouvais souvent au poste de police. J’ai alors
commencé à m’intéresser à la structure économique du pays, à l’emprise
de la SNI, la holding royale marocaine, principal acteur économique du
pays qui investit dans les secteurs de la banque, des assurances, de la
grande distribution, des télécoms, de l’énergie… J’ai gratté et j’ai
découvert un conflit d’intérêts.
Si le royaume du Maroc a pu s’enrichir, ce
n’est pas sans la collaboration de systèmes financiers occidentaux.
Pourquoi taisez-vous leur rôle ?
Vous avez raison. D’ailleurs le roi du Maroc fut
l’ancien stagiaire, à Bruxelles, de Jacques Delors. Mais faire un
constat sur la réalité du pays a déjà été tellement difficile ! Au
début, l’angle était strictement économique et financier. A mesure que
le film se fabriquait, j’ai été conduit à parler de la liberté de la
presse, puis de la corruption au sein de l’armée, puis de Catherine
Graciet.
Pourquoi avoir interviewé Jack Lang, ancien ministre et actuel président de l’Institut du monde arabe ?
Par déontologie, dans le cadre d’une démarche contradictoire. C’est le seul ami du Maroc qui ait accepté de me parler.
Que nous apprenez-vous que nous ne sachions déjà, notamment à travers les enquêtes de Catherine Graciet et d’Eric Laurent ?
Le grand public n’était pas forcément au courant.
Personnellement, je ne connaissais pas cette holding royale. Je
constate que le simple fait de vouloir le raconter pose un vrai
problème. En soi, c’est déjà une information.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire