Ventes d’armes : le grand boom des exportations françaises
Les exportations d'armement de la France entre 2010 et 2014
C’est un record que l’exécutif ne boude pas. Alors que François
Hollande, avant de décoller pour l’Algérie, inaugure ce lundi le salon
de l’aéronautique, civile et militaire, du Bourget, il pourra
s’enorgueillir d’être le premier président à avoir exporté le Rafale.
Doublant, au minimum, le montant annuel des commandes d’armement cette
année. 2014 avait déjà été prospère pour les industriels de la défense,
2015 devrait battre tous les records : 15 milliards d’euros.Hugo Meijer, chercheur au King’s College de Londres et rattaché à Sciences-Po, nuance un peu ce bilan : «Les exportations françaises d’armement sont 30 % plus basses en 2010-2014 que sur la période précédente, entre 2005 et 2009.» Ce qui accentue, par contraste, le «record» de 2015 et la bonne performance en 2014. Il n’empêche, l’armement français se vend mieux depuis 2013.
Plan B des pays arabes
Le millésime est lié au regain de tensions dans le monde, observe Lucie Béraud-Sudreau, doctorante à Paris-II-Panthéon-Assas sur les politiques d’exportation d’armement : «Les dépenses militaires augmentent partout dans le monde, surtout au Moyen-Orient et en Asie.» C’est dans ces deux régions que se trouvent les plus gros clients de la France ces cinq dernières années (Arabie Saoudite, Inde, Emirats arabes unis) et les acquéreurs du Rafale. Un «effet image» joue aussi, avance Hugo Meijer : lorsqu’un Etat se dote d’un système d’armes performant, ses voisins sont tentés de s’aligner. Auprès des pays arabes, la France jouit également de son statut de plan B : contrariés par la politique américaine au Moyen-Orient (le refus de «punir» Bachar al-Assad par exemple), ils choisissent le «made in France». Lucie Béraud-Sudreau parle d’une «stratégie contre les Etats-Unis».
«Le Drian a pris le dessus»
Les commandes annuelles d'armement français et les principaux pays vendeurs d'armes
Mais les succès français s’expliquent aussi par des facteurs internes. L’exécutif vante «l’équipe France»,
la collaboration vertueuse entre le ministère de la Défense, l’Elysée
et les industriels. La stratégie du gouvernement s’est traduite par des
réformes de la politique de soutien à l’exportation. Le ministère de la
Défense, éclipsé par l’Elysée sous Sarkozy, a retrouvé son rang. Un
Comed (comité ministériel exportations de défense), placé sous
l’autorité du ministère de la Défense, a été créé en 2013, souligne Hugo
Meijer. «Jean-Yves Le Drian a pris le dessus. L’Elysée a toujours
son mot à dire, mais le centre de coordination est revenu au ministère
de la Défense», abonde Lucie Béraud-Sudreau. Et puis, il y a les
réformes du mandat précédent, dont profite l’exécutif actuel.
L’assouplissement des ventes d’armes intra-européennes, par exemple,
instauré par une directive européenne de 2008.«La France est aujourd’hui contrainte de soutenir les exportations. Dans un contexte de restrictions budgétaires, c’est un impératif», analyse Hugo Meijer. Pour conserver une industrie de la défense performante et des armées bien dotées, il faut trouver des débouchés à l’étranger. La loi de programmation militaire 2014-2019 faisait ainsi le pari de l’exportation du Rafale. Sans ces ventes, le budget des armées ne pouvait être bouclé. Avec, la France pourrait bien décrocher la médaille de bronze des marchands de canons.
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