Le Soir, 26 /7/ 2015
Notre confrère marocain Ali Lmrabet en est à son 33e
jour de grève de la faim. Vrai faux SDF et sans-papiers, il se bat pour
exister et travailler. Les sympathisants se mobilisent.
La grève de la faim d’Ali Lmrabet commence
à faire du bruit. Notre confrère marocain, qui se bat pour obtenir le
renouvellement de ses papiers d’identité, a cessé de s’alimenter (sauf
en eau sucrée) le 24 juin dernier. Il observe cette grève de la faim
devant le bâtiment des Nations unies à Genève, en Suisse, où il reçoit
moult témoignages de soutien.
Des articles et tribunes dans des journaux prestigieux comme
Le Monde
ou El Païs, une pétition signée par
plus de 170 personnalités : le Maroc continuera-t-il encore longtemps à
soutenir contre toute évidence que l’intéressé dispose « de toutes les
possibilités de contester la décision administrative » qui le concerne ?
Les autorités marocaines nient à Ali Lmrabet sa
domiciliation chez son père à Tétouan et le privent ainsi d’un
certificat de résidence dont il a besoin pour renouveler ses papiers (sa
carte d’identité lui a été arrachée de force par des inconnus et son
passeport est venu à expiration).
La ficelle administrative semble grosse et pourtant c’est de cette manière que notre confrère est empêché de relancer un journal comme
il souhaite le faire. Or Ali Lmrabet, au Maroc, n’est pas n’importe
qui. Il figure en bonne place parmi la poignée de journalistes locaux
courageux qui n’entendent pas jouer à « la voix de leur maître », à
savoir le roi Mohamed VI.
En avril dernier, notre collègue avait fini de purger
une peine inventée pour lui, une interdiction de… dix ans de pratiquer
le journalisme (ce qui ne l’avait pas empêché de continuer à travailler
sur un site hébergé à l’étranger et toujours actif, demainonline.com).
Son tort, en 2005 ? Avoir affirmé que les réfugiés sahraouis à Tindouf
(Algérie) n’étaient pas des « séquestrés » comme l’affirme la propagande
du régime. Deux ans auparavant, il avait déjà été condamné à trois ans
de prison pour « outrage au roi », puis gracié quelques mois plus tard.
Image dégradante
Le texte de la pétition, une « Lettre au roi »
(1), observe que « la liberté d’expression et la critique sont des
instruments fondamentaux pour la consolidation d’un État démocratique et
actif contre l’obscurantisme et l’intolérance », et que « toute
tentative d’entraver la liberté d’expression est dégradante pour l’image
du Maroc et pour sa crédibilité d’engagement dans la voie d’un État de
droit ».
Cosignataire de la lettre, Reporters sans frontières a commenté l’affaire
par la voix de Christophe Deloire, son secrétaire général : «
En refusant de mettre à jour les papiers
administratifs d’Ali Lmrabet, les autorités marocaines cherchent à
l’empêcher de créer son journal. Le journaliste a toujours été dans le
collimateur des autorités marocaines, qui doivent mettre fin au plus
vite à une situation de plus en plus dangereuse pour la vie du
journaliste. Les autorités ne peuvent plus faire la sourde oreille face à
la demande légitime d’Ali Lmrabet
».
Fait rare dans le Maroc de 2015 : une petite centaine
de personnes a osé manifester vendredi devant le parlement à Rabat aux
cris de « Solidarité avec le journaliste Ali Lmrabet ! », « Non aux
attaques qui visent Ali Lmrabet », « Nous sommes tous Ali Lmrabet ».
Son comité de soutien commence à s’inquiéter pour sa
santé. « Je suis inquiet car il est déterminé à aller jusqu’au bout. Il
ne demande rien d’autre qu’un droit des plus élémentaires, a déclaré à
l’AFP l’ancien détenu politique Ahmed Marzouki, responsable du comité.
Il n’est pas question de bras de fer. Nous voulons simplement alerter
sur la gravité de la situation. »
(1) Les signataires belges : Sfia Bouarfa, François
Dubuisson, Olivier Corten, Luc Dardenne, Eric David, Christophe
Doulkeridis, Arnaud du Bus, Josy Dubié, Patrick Dupriez, Isabelle
Durant, Mohamed el-Battiui, Ahmed el-Khannous, Isabelle Emmery, Zoé
Genot, Henri Goldman, Ricardo Gutierrez, Véronique Jamoulle,
Jean-Jacques Jespers, Zakia Khattabi, Christophe Marchand, Daniel
Menschaert, Thomas Pierret, Hélène Ryckmans, Simone Susskind.
Baudouin Loos
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