Le journaliste satirique marocain Ali Lmrabet est en grève de la faim
depuis le 24 juin 2015 à Genève devant le Palais des Nations. Il entame son 34e
jour de grève. Il est affaibli et arrive difficilement à bouger et à parler.
Selon les dernières informations datées du 27 juillet, le médecin qui a
ausculté Ali lui a recommandé de « se faire hospitaliser en raison du
nombre important de jours en grève de la faim qui sont à la limite de ce que
peut supporter son corps et son âge » (cf
sa page facebook). Ali Lmrabet est âgé de 56 ans. Il a refusé de se
faire hospitaliser.
Pourquoi Ali Lmrabet en est-il arrivé là ?
Lmrabet ne réclame rien d'autre que ses papiers d'identités.
Il en a été privé par le ministère de l'intérieur marocain. La préfecture de
Tétouan a refusé de lui délivrer un certificat de résidence parce qu'il
n'habiterait pas à Tétouan. Or, toute
la documentation qu'apporte le journaliste en plus des interventions de
plusieurs organisations de défense des Droits de l'Homme auprès des autorités,
indiquent que cette interdiction est plutôt politique. Elle vise le projet
journalistique que veut lancer Lmrabet avec deux autres personnes jugées
dérangeantes par le pouvoir marocain; l'humoriste interdit de toutes les
scènes Ahmed Bziz et le caricaturiste Khalid Gueddar qui a été condamné à son
tour, début juillet à trois mois de prison ferme pour une affaire qui remonte à
2012.
En 2000, le journaliste Ali Lmrabet s'est vu interdire
son journal Demain.
Il a été condamné, en 2003, à 3 ans de prison ferme pour outrage au roi et à la fermeture
de ses journaux Demain
magazine et Doumane. En 2005, il a été condamné par un jugement
qui constitue une première mondiale : l’interdiction
de la profession de journaliste pendant 10 ans (du 11 avril 2005 au 11 avril
2015). Quand ce jugement a touché à sa fin, le journaliste voulait lancer à
nouveau ses journaux, mais l’État marocain a eu un avis différent.
Ce n’est qu’après avoir essuyé le refus de toutes les
institutions possibles et voyant ses papiers expirer, qu’Ali a décidé d’entamer
une grève de la faim.
Que vaut une vie pour le gouvernement marocain ?
Malgré sa grève ouverte et sa
situation critique, les autorités marocaines ont gardé le silence. Comme
s'il s'agissait d'un domaine interdit au gouvernement (ou réservé au Roi). Le
secrétariat du gouvernement contacté par le comité de soutien au journaliste
(crée le mercredi 22 juillet), s'est excusé de ne pouvoir rencontrer le comité
en prétextant que le Chef du gouvernement avait un programme chargé. Le
ministre de la justice quant
à lui, a renvoyé le comité vers
le ministère de l’intérieur. Son représentant ne s’est même pas rendu à la
rencontre qui avait pourtant été préalablement organisée. C'est vrai la vie
d'un homme en danger peut attendre le retour du Roi de ses vacances en Grèce.
D'ailleurs, la vie humaine est de plus en plus une valeur négligeable au
Maroc. Fin 2014, le sud du pays a été frappé par des inondations qui ont fait
au moins 32 morts. Des ponts nouvellement construits ont chuté. Et pourtant,
les interventions d’urgence pour sauver les populations
inondées ont été quasiment absentes sauf si il s’agit de touristes. Le 10 avril
dernier, un car transportant une délégation de retour d'une compétition dans le
Nord a brûlé non loin de la ville de Tantan (sud du Maroc). Plus de 31
personnes, en majorité des enfants, ont trouvé la mort. De nouveau, en juin
dernier, 11 enfants se sont noyés sur une plage non surveillée près de
Bouznika. Toutes ces catastrophes, à ce jour, ont des points communs :
aucune responsabilité politique réelle n'a été établie, un État en faillite,
vies humaines sans aucune importance pour le pouvoir en place, absence de
mesures concrètes pour éviter la reproduction de tels drames.
On se demande où va le Maroc de Mohammed VI à ce rythme ?
La situation d'Ali Lmrabet vient prouver une fois
encore l'importance qu'accordent les autorités marocaines à la vie humaine: Une
insouciance sans appel! Il est de notre devoir, dorénavant, en tant que citoyen de pointer les vraies
responsabilités. Alors que la constitution marocaine de 2011 dit que le Roi
« … veille au respect de la Constitution, au bon fonctionnement des
institutions constitutionnelles, à la protection du choix démocratique
et des droits
et libertés des citoyennes et des citoyens, et des collectivités, et
au respect des engagements internationaux du Royaume ... » (article 42),
ce dernier reste sourd au sort du journaliste. Mohammed VI portera-t-il la
responsabilité de son inaction vis à vis d’Ali Lmrabet ?
Mohamed
Jaite
Activiste
Marocain.
Paris, le
27 juillet 2015
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