Par JF Debargue, APSO, 10/5/2015
Il est difficile de perdre
espoir. Pendant des années je l’ai senti encore bien vivant, dans les
conversations, les discours et même dans les interrogations de plus en plus
nombreuses. Certes il ne s’agissait déjà plus de l’espoir qui suivit le cessez
le feu de 1991, celui que l’on comptait en semaines, voire en jours. Ces
dernières années, les attitudes, les propos, attestaient de sa disparition.
J’ai en mémoire cette phrase d’un colonel de la Minurso qu’il m’avait dit en
2009. « L’ONU n’a pas pour tâche de résoudre un conflit, mais de le
geler ». Et cette phrase revenant de plus en plus, même dans la bouche des
plus modérés des Sahraouis : « Notre erreur la plus grave est d’avoir
accepté le cessez le feu ».
Aujourd’hui, au moins, les
choses sont claires. L’organisme (la Minurso) sensé devoir organiser un referendum en un délai de moins d’un an a
échoué pendant 24 années consécutives et jette en quelque sorte l’éponge en
renvoyant dos à dos dans l’impasse le Maroc et le Front Polisario, leur
demandant en outre cyniquement de négocier de manière plus intensive. Les
différents émissaires de l’ONU dont Christopher Ross ont tous échoué en
renvoyant la responsabilité du règlement du conflit aux deux parties. Il
fallait certes essayer cette solution démocratique, mais elle n’a rien donné
pendant tant d’années. Cette situation
enferme toutes les parties dans un jeu de rôles contrôlé de maintien des
antagonismes dont la victime reste la
population sahraouie. Ce jeu cruel
enferme chaque partie dans son périmètre
dont elle ne sort plus. Ainsi après quelques durcissements il suffisait et il suffira
encore au Maroc de faire un pas en arrière sans conséquence pour renforcer ses
appuis internationaux et sa position inflexible. Les négociateurs ne
s’accordent que sur la date et l’hôtel de luxe où doivent se dérouler des
discussions toutes aussi informelles qu’inutiles, les différents comités de soutiens
programment sans illusion leur prochaine assemblée annuelle et
« copie-colle » leurs communiqués que plus personne ne lit. La grande
majorité des ONGs occupent un terrain que les solutions politiques ont déserté.
L’ONU déploie et fait vivre dans les camps ses filiales humanitaires (PAM,
UNICEF, OMS, HCR…) devenant ainsi le principal bénéficiaire du gel de solution
qu’elle met en place. L’absence d’obligation de résultat finit par aboutir à un
conflit d’intérêt, voire à une prise illégale d’intérêts !
Même la volonté de mandater
la Minurso de la surveillance des Droits Humains est devenu un sujet possible
de diversion. Ce droit légitime qui devrait sans débat faire partie intégrante
des missions de l’ONU ne doit pas détourner la Minurso de sa mission
principale, l’organisation du referendum de la dernière colonie
d’Afrique ! Les jugements de civils par des tribunaux militaires,
l’absence des droits de la défense, les dépositions sous la torture, les
arrestations arbitraires, les disparitions forcées, les violences physiques et
psychologiques…, ne sont pas négociables à la baisse en contrepartie d’un statu
quo, mais condamnables par des instances internationales.
Si l’ONU ne reprend pas la
main pour organiser de facto et sur ses seules prérogatives ce referendum, et
elle ne semble pas vouloir le faire en décrétant un statu quo, elle doit se
retirer.
La situation dans les camps
est humainement insupportable malgré l’aide internationale. L’assistanat
chronique et le manque de perspectives ont des effets secondaires sanitaires et
psychologiques graves. Un seul exemple, cette république en exil est le pays
d’Afrique qui a le meilleur taux d’alphabétisation, obtenu en deux générations
dans des conditions difficilement imaginables. Pour quel objectif ? Faire
le deuil de son avenir personnel et celui de son peuple ? Après avoir fait
celui de ses martyrs et celui de ses proches, morts trop tôt dans les camps?
Ce n’est pas à moi de dire aux Sahraouis la
façon dont ils peuvent choisir de vivre ou de mourir. Ils ont déjà tant
souffert et il serait indécent de dicter une conduite à tenir sans être des
leurs. Je sais simplement que depuis hier l’ONU a choisi de ne pas leur
permettre d’espérer qu’une solution négociée soit possible.
30 avril 2015
Jean-François Debargue
Texte publié avec l'autorisation de l'auteur. Crédit photo : JFD
Nota : Ce texte a aussi été publié, avec une introduction d'Olivier Quarante, sur http://www.nouvellesdusahara.fr
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