Par Grand Corps Malade? Auteur-interpète? 14/5/2015
LE PLUS. Interdit de chanter à domicile. L'artiste Grand Corps Malade devait être en concert le 21 mai prochain au Théâtre neuf du Blanc-Mesnil. Mais la présence annoncée de Rachid Taxi n'a pas été appréciée par la municipalité qui a décidé d'annuler le concert de l'artiste. Pour Grand Corps Malade, cette décision n'a aucun sens. Il s'explique.
Édité par Louise Auvitu Auteur parrainé par Hélène Decommer
Grand Corps Malade (de son vrai nom Fabien Marsaud) en concert aux Francofolies de la Rochelle en 2014. (E. SADAKA/SIPA)
Le programmateur de la salle du Blanc-Mesnil, le Théâtre neuf, m’informait d’un souci pour mon concert du 21 mai du Funambule Tour.
À savoir qu’il s’était dit dans les couloirs de la mairie que je ferais
monter sur scène, pour chanter en duo avec moi "Inch’Allah", Rachid Amghar, celui qu’on appelle entre nous Rachid Taxi…
Ce n’était ni
une exclu ni confidentiel, ce duo j’essaye toujours de le chanter avec
Rachid, quand il est disponible pour me rejoindre sur scène.
Sur scène, je ne fais que partager ma musique
Au bout du
fil on me précise que le souci est réel, qu’on a peur à la mairie, que
Rachid ne se serve de ma scène comme d’une tribune politique, qu’il ne
se contente pas de chanter.
Il faut ici
ajouter, pour que cette inquiétude prenne tout son sens, que Le
Blanc-Mesnil est à la fois ma ville de naissance et celle de Rachid qui,
fidèle à ses valeurs, est un citoyen engagé qui n’hésite pas à prendre
la parole dans cette municipalité récemment élue.
Faut-il
préciser pourtant que jamais je n’ai utilisé mes scènes pour faire
passer autre chose que mes textes et ma musique, que je considère assez
porteurs de mes valeurs pour ne pas en rajouter ?
Et quand bien
même, ne serait-ce pas la liberté d’un artiste de partager ce moment
comme il l’entend avec les spectateurs qui sont venus, payant leur
place, l’écouter. Parce qu’ils aiment sa musique mais aussi pour ce
qu’il est ?
C’est ce que j’ai répondu au
programmateur et à la municipalité. Les assurant, y compris par écrit,
du statut purement "artistique" de la participation de Rachid au
concert.
Il faut croire que ma parole, celle de mon producteur et celle de Rachid ne suffisaient pas.
Interdit de parole et de musique, je ne compte pas me taire
Le courrier
est arrivé par recommandé, annulant purement et simplement un concert
déjà rempli aux deux tiers. Pour des raisons d’assurance.
Le Funambule
Tour ne passera pas par Le Blanc-Mesnil, parce que la municipalité a
pris peur de la potentielle phrase d’un citoyen concerné. Me voilà de fait dissident politique, interdit de parole et de musique.
Qu’attendait
la municipalité ? Que je me taise ? Que je laisse les spectateurs face à
une annulation que je n’ai pas choisie ? Qu’à un moment où on ne parle
que de liberté d’expression, de la façon de la sauvegarder, de la façon
de la protéger, je nous laisse condamner au silence, moi et mon ami qui
ne voulions, finalement, que chanter ?
Car c’est
bien là que le sort est joueur : ce duo sur "Inch’Allah", si nous le
chantons ensemble, c’est qu’il nous ressemble. Nous ne l’avons jamais vu
que comme un appel à faire se rejoindre tous ceux qui l’écoutent dans
une même fête pleine d’espérance. Dans un moment de musique nous
chantons "le son qui éclaire, qui partage, qui rassemble".
Rachid Taxi et moi, nous continuerons à chanter fort
Des paroles
salutaires, qui terminent un concert où la musique est reine par un
moment festif, où le public souvent se lève et danse. Un moment unique,
pour les artistes que nous sommes, la communion de tous autour d’une
chanson qui porte haut nos valeurs d’espoir, de mixité et de partage.
Simplement.
Grand Corps Malade chante "Inch'Allah" avec Reda Taliani.
Nous aimons
clamer haut et fort "si on chantait de toutes les couleurs, on va faire
danser, les corps et les cœurs. Si on est tous ensemble, ça nous
suffira. Si nos voix se rassemblent, on nous entendra. Inch’Allah".
Alors non, on
ne va pas se taire malgré cette annulation, et que la municipalité se
rassure : nous ne chanterons pas au Théâtre neuf. Mais Rachid Amghar et
moi nous continuerons à chanter fort et partout ailleurs, Inch’Allah.
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