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La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)
demandera, dans un avis attendu le 21 mai, le rejet par les
parlementaires d’un accord de coopération judiciaire entre Paris et
Rabat, a-t-on appris de source proche du dossier.
Cette autorité indépendante, dont les avis sont consultatifs,
s’inquiète des risques de violation par la France de ses obligations
internationales si cet accord entrait en vigueur, précise-t-on,
confirmant une information de La Croix.
Contactée par Reuters, la Commission s’est refusée à tout commentaire avant la publication de son avis.
La France a annoncé le 31 janvier dernier le rétablissement de sa
coopération judiciaire avec le Maroc, près d’un an après sa suspension
décidée par Rabat sur fond de vives tensions diplomatiques.
Christiane Taubira et son homologue marocain se sont mis d’accord sur un texte amendant la convention d’entraide judiciaire franco-marocaine.
Il doit désormais être ratifié par les parlements des deux pays, mais
son examen, en procédure accélérée, n’est pas encore prévu à l’ordre du
jour de l’Assemblée nationale française.
Ce texte permet « de favoriser, durablement, une coopération plus
efficace entre les autorités judiciaires des deux pays et de renforcer
les échanges d’informations », estimait fin janvier le ministère français de la Justice dans un communiqué.
Mais des défenseurs des droits de l’homme s’inquiètent du « flou » de cet accord, qui soulève d’après eux de « fortes interrogations » quant
à sa conformité à la Constitution et aux engagements internationaux de
Paris, notamment en matière de compétence universelle pour les crimes
les plus graves.
« Cet instrument n’implique pas de redéfinition des compétences
entre les juridictions françaises et marocaines, qui sont
indépendantes », assure une source gouvernementale française, qui ajoute que « sa mise en place s’effectuera dans le respect des engagements internationaux de la France ».
INDÉPENDANCE DU JUGE
Dans un communiqué publié fin avril, cinq associations dont Amnesty International et l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat), appelaient les parlementaires français à s’opposer au vote du projet de loi visant à son approbation.
Elles ont été auditionnées lundi après-midi par la présidente de la
commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, Elisabeth Guigou. Dans Le Monde daté de mercredi, celle-ci dit « entendre » leurs craintes mais ne pas avoir « la même lecture » « au stade actuel ».
D’après le texte d’accord, la France devra informer « immédiatement » le Maroc de toute procédure relative à des crimes et délits susceptibles d’impliquer un Marocain.
« D’entrée, l’indépendance du juge français est battue en brèche », dit Hélène Legeay, responsable des programmes Maghreb à l’Acat, qui rappelle que l’instruction est soumise au secret.
Le protocole ajoute que l’autorité judiciaire française devra recueillir les « observations ou informations »
de son homologue marocaine en cas de crime ou délit commis au Maroc par
un Marocain et signalé par un étranger. En fonction de celles-ci, elle
devra opter « prioritairement » pour le renvoi du dossier vers le Maroc ou pour la clôture de l’enquête.
Les accords de coopération judiciaire entre le Maroc et la France
avaient été suspendus le 27 février 2014 à l’initiative de Rabat pour
protester contre le dépôt, en France, de plaintes visant son patron du
renseignement Abdellatif Hammouchi pour « torture » et « complicité de torture ». C’est la demande, par un juge français, d’entendre le fonctionnaire lors d’un passage à Paris, qui avait scellé la rupture.
Au-delà de l’impact sur le plan pénal et civil, notamment pour les
couples franco-marocains, cet épisode a pesé sur la coopération
sécuritaire entre les deux pays à l’heure où plusieurs milliers de
Français et de Marocains ont rejoint les rangs de l’Etat islamique (EI)
en Syrie et en Irak.
Le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a annoncé début février qu’Abdellatif Hammouchi se verrait remettre « prochainement » les insignes d’officier de la Légion d’honneur.
Reuters
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