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lundi 4 mai 2015

Accusations de viols d'enfants commis par des soldats français en Centrafrique : la justice au bon vouloir du pouvoir


De : Mathieu , SURVIE, 30/4/2015

Bonjour, ci-joint le communiqué de Survie suite aux révélations du Guardian sur des accusations de viol contre des soldats français en Centrafrique.

Militaires français en opération : la justice au bon vouloir du pouvoir

Les révélations, par le journal britannique The Guardian, d’accusations de viols sur mineurs par des soldats français en Centrafrique illustrent qu’il existe un risque d’étouffement des affaires lorsque les faits incriminent des militaires. L’association Survie rappelle que depuis la Loi de Programmation Militaire votée par la majorité actuelle, les victimes et associations de défense des droits humains ne peuvent plus déclencher d’enquête par constitution de partie civile en cas de crime commis par des militaires français en opération. Il est urgent de mettre fin à cette main-mise du pouvoir exécutif sur la justice.
Cette accusation de viol d’enfants par des militaires français en opération rappelle douloureusement l’affaire des femmes violées au Rwanda en 1994 pendant l’opération Turquoise : là aussi il s’agissait de victimes dans des camps, que les militaires étaient censés protéger, et qui avaient dans certains cas été violées pour de la nourriture. A l’époque où une plainte avait été déposée, la ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie s’était insurgée face à ceux qui osaient mettre en doute la conduite prétendument irréprochable et l’honneur des militaires. Bien d’autres cas d’exactions ont pourtant montré que, ne faisant pas exception aux autres armées, les soldats français pouvaient se rendre coupables de crimes lors d’opérations, parfois sur ordre de leurs supérieurs [1].
La décision des autorités françaises d’avoir accepté l’ouverture d’une instruction judiciaire ne doit pas masquer que, depuis la Loi de Programmation Militaire (LPM) votée en 2013, le parquet - dépendant de l’exécutif - a désormais le monopole des poursuites. Le principe de séparation des pouvoirs a volé en éclats concernant les crimes commis par les militaires français en opération : une plainte des victimes se constituant partie civile ne suffit désormais plus à déclencher une enquête (article 30 de la LPM publiée au Journal officiel le 19 décembre 2013) [2]. Cette atteinte au droit des victimes a été voulue par le gouvernement français sous la présidence de François Hollande, et défendue par la députée Patricia Adam, présidente de la commission Défense à l’Assemblée nationale.
Par ailleurs, au delà des modifications dues à la LPM, les autorités françaises ont obtenu auprès de la Centrafrique une impunité pour les soldats français en vertu de l’accord entre la France et les autorités de Centrafrique portant sur Sangaris et signé à Bangui le 18 décembre 2013, stipulant :
« les Membres du personnel du détachement français bénéficient des immunités et privilèges identiques à ceux accordés aux experts en mission par la convention sur les privilèges et immunités des Nations unies du 13 février 1946. » [3].
Une disposition identique est prévue pour les militaires français au Mali et l’opacité sur les accords avec d’autres pays africains où l’armée française est présente laisse craindre une impunité systématique.
Les enfants centrafricains ou leurs représentants ne pouvaient donc en aucun cas déclencher une enquête : ni en Centrafrique, ni en France. Les victimes de militaires français en opération sont soumises au bon vouloir des autorités françaises dans leur droit à la justice. Cette situation, inacceptable d’un point de vue moral et politique, doit changer.
L’argument – que ne manqueront pas d’utiliser des officiel français – que dans le cas présent une instruction a bien été ouverte, n’enlève rien à cette exigence. C’est à une justice indépendante de trancher entre ce qui relève de crimes bien réels et ce qui pourrait relever de témoignages mensongers. Conserver un monopole des poursuites par le parquet permet uniquement à l’armée et à l’exécutif de se donner la possibilité, un jour, d’étouffer une affaire trop sensible [4].
L’association Survie demande aux autorités françaises :
  • de cesser d’imposer aux pays où intervient l’armée française, une impunité pour ses soldats
  • de supprimer en droit français le monopole des poursuites par le parquet, pour redonner le droit aux victimes et associations de défense des droits humains de pouvoir déclencher une enquête par constitution de partie civile en cas de crime commis par des militaires français en opération
L’association Survie demande en outre à l’ONU de refuser tout mandat à des troupes de pays qui ne garantissent pas un recours à une justice indépendante pour de tels crimes.
 Contacts presse:

Thomas Noirot - 06.16.97.42.87
Mathieu Lopes - 06.01.87.80.88

Notes au rédaction:
[1] Un cas de torture commis par des militaires français en République Démocratique du Congo pendant l’opération Artémis, en 2003, avait été dénoncé par des militaires suédois, avant que l’affaire ne soit étouffée par l’armée française (Victor Sègre,"Un colonel français mène la torture", Billets d’Afrique n°169, mai 2008). En 2004, l’armée française s’est rendue coupable de plusieurs crimes en Côte d’Ivoire, dont le meurtre de Firmin Mahé, pour lequel un procès a finalement eu lieu en 2012 mais avec des condamnations particulièrement faibles et sans remonter la chaîne de commandement, et dont le massacre de civils suite au bombardement de Bouaké, pour laquelle l’impunité règne encore. Plus récemment, le cas des agressions sexuelles au sein même de l’armée a été documenté en 2014 dans le livre de deux journalistes de Causette (L’uniforme onusien n’offre pas de garantie spécifique, les cas d’exactions commises par des casques bleus d’autres pays étant nombreux (voir par exemple Roland N’Dekploman, "Cinq scandales qui ont éclaboussé les casques bleus de l’ONU", Le Monde Afrique, 29 avril 2015 ; ou Yanis Thomas,"Les soudards en Centrafrique", Billets d’Afrique n°238, septembre 2014).
[2] L’association Survie avait déjà dénoncé cette main-mise du parquet : Les victimes peuvent toujours porter plainte mais rien ne se passera tant que le parquet ne décide pas d’une enquête : contrairement à des crimes ou délits commis en France, il détient désormais le monopole de la mise en action des poursuites judiciaires. Ce type de monopole des poursuites n’est cependant pas unique : il en est de même dans le cas des criminels contre l’humanité étranger présents en France, depuis la loi d’adaptation des statuts de la Cour Pénale Internationale (CPI), un principe qui a été utilisé comme modèle pour justifier, lors de la discussion de la LPM, le monopole des poursuites dans le cas des militaires français en opération. C’est en effet la même philosophie : c’est l’exécutif qui décide, pas la victime. D’ailleurs, selon France 24, François Hollande a déclaré le 30 avril, concernant ce scandale, que si des militaires s’étaient mal comportés, il serait « implacable » : c’est le fait du prince assumé, qui rend la justice au lieu de laisser le pouvoir judiciaire, supposé indépendant, faire son travail. Voir aussi le communiqué de Survie sur le sujet
[3] Voir le texte de l’accord sur http://www.legifrance.gouv.fr/affic... Sur la disposition identique prévue pour les militaires français au Mali, lire Yanis Thomas, "L’armée française hors de tout contrôle au Mali", Billets d’Afrique n°231, janvier 2014
[4] Voir le communiqué du Syndicat de la magistrature du 29 octobre 2009 : "Lettre ouverte à ceux qui feignent de croire en l’indépendance du parquet"
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 Le billet de Laure Heinrich sur son blog.

http://blogs.rue89.nouvelobs.com/derriere-le-barreau/2015/05/01/viols-contre-nourriture-scandale-en-centrafrique-et-au-rwanda-234522

Viols contre nourriture : scandale en Centrafrique. Et au Rwanda ?

Publié le 1/5/2015 à 15h03
Des soldats français de l’opération Sangaris engagés pour la paix en Centrafrique auraient perpétré des viols sur des mineurs. Un crime en soi. Aggravé par leur fonction et la vulnérabilité de ceux qu’ils étaient venus protéger. Quatre garçons de 9 à 13 ans en auraient été victimes courant 2013 et 2014.
Selon les sources du Guardian qui révèle l’affaire, les enfants étaient affamés. Les militaires auraient alors proposé des rapports sexuels contre de la nourriture.
François Hollande promet d’être implacable et l’armée assure qu’elle ne veut pas cacher quoi que ce soit.
Making of
Notre blogueuse Laure Heinich-Luijer est l’avocate de plusieurs victimes du génocide du Rwanda, qui ont déposé une plainte avec constitution de partie civile visant l’armée française. Rue89
Que pensent les femmes tutsies qui ont déposé plainte en 2009, victimes elles aussi de viols commis par des militaires français venus les secourir au Rwanda ? Leur première plainte date de 2005, elles l’ont réitérée quatre ans plus tard. Les faits dénoncés sont donc connus des autorités – et des médias – depuis dix ans.
Elles aussi étaient affamées. Pour elles aussi, c’était viol contre nourriture dans les camps de réfugiés « protégés » par l’opération Turquoise. Parfois, les soldats proposaient de leur remettre du bois de chauffage sous les tentes. Mais c’était contre du sexe. Elles sont six parties civiles aujourd’hui. Et beaucoup d’autres témoignent.


Dans leurs récits, les plaignantes tutsies ne donnent pas le nom de leurs agresseurs mais quand même des prénoms. Elles donnent des descriptions physiques précises. Leurs plaintes ont reçu la qualification de crime contre l’humanité car le viol pratiqué en temps de guerre et utilisé comme une arme de terreur relève du crime contre l’humanité. Mais l’instruction s’éternise sans possibilité de mettre des noms sur les visages décrits, l’armée ne dévoilant pas qui étaient ses soldats.
François Hollande n’a pas promis d’être implacable et l’armée n’a pas assuré qu’elle ne cacherait pas quoi que ce soit.
L’enquête est donc ouverte pour les crimes dénoncés en Centrafrique. Une enquête préliminaire. Ensuite viendra la désignation d’un juge d’instruction. Puis les juges d’instruction se succéderont des années durant. Quatre juges se sont succédés pour le dossier des plaignantes rwandaises mais elles n’ont eu l’honneur de n’en rencontrer qu’un.
Alors, du Rwanda, les plaignantes souhaitent bonne chance aux enfants de Centrafrique.
Elles s’interrogent aussi : pourquoi cet emballement médiatique et cette réponse politique pour eux et pas pour elles ?
Pourquoi deux poids, deux mesures ?
Parce que violer des enfants est immédiatement scandaleux.
Et violer des femmes ?

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