Cher Gilles Perrault,
Mesdames et Messieurs les élu-e-s,
Mesdames et Messieurs les représentant-e-s des associations amies,
Chers parrains et marraines,
Nous nous retrouvons ce soir dans le cadre de la 17ème édition de la SSI
(Semaine de la solidarité internationale) pour témoigner et apporter
notre soutien aux victimes de l’injustice.
L’ASDHOM, partie prenante de cette semaine, était présente dans
l’organisation des « Six heures pour la Palestine » qui ont donné, dans
cette même salle, le coup d’envoi de la SSI qui s’étale du 15 au 22
novembre. Elle a également participé et co-organisé le débat du mercredi
19 novembre « Migrants, ici et ailleurs » qui a porté essentiellement
sur la situation dramatique des Subsahariens au Maroc.
Aujourd’hui, et en partenariat avec la Mairie de Nanterre, l’ASDHOM
consacre cette soirée à la solidarité avec les victimes de la détention
politique au Maroc. L’occasion pour nous de donner un nouvel élan et un
nouveau souffle à la campagne de parrainage des prisonniers politiques
et d’opinion au Maroc que nous avons lancée, ici même, un 17 novembre
2012, sous la présidence de notre ami, l’écrivain,Gilles Perrault, qui
nous fait l’honneur d’être parmi nous aujourd’hui.
CherEs amiEs,
Nous sommes à quelques jours d’un grand événement que va connaître la
ville de Marrakech au Maroc. Un évènement de portée mondiale et pour
lequel les autorités marocaines ont mobilisé tous les moyens pour
l’accueillir. Il s’agit, vous l’aurez compris, du Forum Mondial des
Droits de l’Homme dont la 1ère édition a eu lieu au Brésil en 2013.
Le président du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Driss El
Yazami, a souligné dans une déclaration en marge du 1er séminaire
international préparatoire de cet événement que, je cite : « Le Forum
mondial des Droits de l’Homme est une reconnaissance internationale des
réalisations du Royaume dans ce domaine et de la vitalité des
institutions nationales ».
L’État marocain n’a pas lésiné sur les moyens pour accueillir ce forum.
Des billets d’avion sont distribués sans compter et des Ryads et hôtels
huppés ont été réservés pour loger les convives et ce, au moment où les
citoyens marocains, dont les droits sont censés être au cœur de ce
forum, sortent pratiquement toutes les semaines pour crier leur colère
contre la cherté de la vie et notamment contre la hausse des factures
d’eau et d’électricité. Rien ne doit entraver l’organisation de ce «
grand évènement » ; Pas même l’épidémie d’Ebola qui a, par contre, été
évoquée et son drapeau agité quant à l’organisation de la coupe
d’Afrique des Nations (CAN) du football que le Maroc devait accueillir
en 2015.
À l’annonce de ce FMDH à Marrakech, les organisations marocaines de
défense des droits de l’Homme avaient espéré que l’État marocain donne
des signaux positifs et fasse des gestes forts en matière de libertés
démocratiques comme la libération des prisonniers d’opinion et l’arrêt
des poursuites contre les syndicalistes, les journalistes, les avocats
et les défenseurs des droits de l’Homme, etc.
Ceci aurait pu garantir une participation dans un climat apaisé, et
ainsi donner au Maroc une chance de couper enfin avec le passé des
violations.
Non seulement ces espoirs ont été déçus, mais pire, nous avons
enregistré une volonté d’escalade contre le mouvement des droits de
l’Homme. Les faits sont là et ils sont têtus.
Dans les points que fait l’ASDHOM pour rendre compte de sa campagne de
parrainage qu’elle mène depuis 2012, nous relatons ces atteintes et
violations des droits de l’Homme dont se rend responsable l’Etat
marocain. Nous nous limitons ici aux dernières parmi elles pour
illustrer nos propos :
- Dans son discours du 15 juillet dernier devant la Chambre des
conseillers, le ministre de l’Intérieur, Mohamed Hassad, charge et
criminalise les organisations de défense de droits de l’Homme en les
traitant, je cite « d’agents de l’étranger qui cherchent à entraver
l’action du pays contre le terrorisme et le crime, à salir son image et à
nuire à ses efforts quant à la défense de son intégrité territoriale » ;
- Plusieurs associations dont l’AMDH, la LMDDH, Amnesty
International-Marocet Freedom-Now, Transparency-Maroc, etc. se sont vues
interdire leurs activités ;
- Les procès d’opinion se sont multipliés contre les étudiants
de l’UNEM, les défenseurs des droits de l’Homme, les militants du
mouvement 20-Février, les syndicalistes, les Sahraouis, les enseignants,
etc. Pire encore, des jugements -jugés cléments par le parquet- ont été
durcis à l’encontre de plusieurs d’entre eux. C’est le cas des 35
ouvriers, syndicalistes et militants politiques de Ouarzazate dont Hamid
Majdi, secrétaire général de la centrale syndicale CDT et responsable
politique, qui, à lui seul, est poursuivi depuis 2009 dans 9 affaires,
de la jeune Wafae Charaf etBoubker El Khamlichi de Tanger qui ont vu
leur peine passer respectivement à deux ans de prison ferme et un an de
prison avec sursis, et des 9 enseignants de Rabat, jugés à deux ans et 4
mois après 7 mois de détention préventive, etc.
- Les conditions de détention sont exécrables et les
responsables pénitentiaires les laissent pourrir condamnant ainsi des
détenus à observer des grèves de la faim parfois illimitées et donc à
une mort certaine comme on l’a vu avec les prisonniers politiques de
l’UNEM Noureddine Abdelouahab et Mustapha Méziani et du SahraouiHassana
Elouali.
Plus généralement, et au-delà de l’opacité qui entoure l’organisation de
ce FMDH, l’État marocain n’a donné aucune garantie quant à
l’application des recommandations faites par l’ex-IER en 2006. S’il a
signé et ratifié des conventions et traités internationaux tels que ceux
concernant la torture et les disparitions forcées, ce dont nous nous
félicitons, il n’en demeure pas moins qu’il n’a toujours pas déposé
auprès de l’ONU les instruments pour leur mise en pratique au niveau du
pays. AucunMNP (mécanisme national de protection) n’a été mis en place
au jour d’aujourd’hui.
Les quelques tentatives de dépôt de plainte pour torture et traitement
dégradant et inhumain ont été balayé d’un revers de main. Le jeune
Zakaria Moumni, champion du monde de boxe thaïe, ainsi que le prisonnier
politique sahraoui Naâma Asfari, ont vu leurs plaintes recevoir une fin
de recevoir. Les jeunes militant(e)s de l’AMDH et du mouvement
20-Février, Wafae Charaf et Oussama Housni, ont quant à eux été
condamnés à des peines de prison pour s’être plaints de tortures. C’est
dire l’impunité qui sévit encore au Maroc. Les autorités marocaines,
contrairement au discours officiel, protègent encore les responsables de
crimes et exactions et ne sont toujours pas prêtes à ouvrir une page de
vérité et de justice.
Nous avons malheureusement toutes les raisons de craindre que ce forum
ne soit qu’une nième initiative de l’État marocain pour embellir sa
façade démocratique et masquer la réalité des atteintes et violations
des droits de l’Homme. L’ASDHOMrefuse de donner quitus aux responsables
marocains tant qu’ils ne font pas preuve d’une volonté réelle de couper
avec les méthodes du passé et de faire le choix d’un État de droit.
C’est pour cette raison que nous avons fait le choix de ne pas aller à
Marrakech. D’autres ONG marocaines telles que ATTAC-Maroc, la LMDDH et
laLMCDH et dernièrement l’AMDH ont fait le même choix. Celles qui ont
accepté d’y aller, pensent pouvoir faire entendre leur voix de
l’intérieur de ce forum. Elles vont certainement être écoutées, mais
delà à être entendues, rien n’est malheureusement moins sûr. Les
autorités marocaines nous ont longtemps habitués à utiliser la MAP et
les médias officiels à des fins de propagande et d’instrumentalisation.
Les communiqués officiels vont pleuvoir pour louer, tambour battant, les
avancées démocratiques, la clairvoyance et la dynamique marocaines en
matière de respect des droits de l’Homme comme ils l’ont déjà fait à
l’occasion d’autres séminaires et colloques internationaux, ou à
l’occasion de la mise en place d’initiatives nationales comme le CNDH et
l’IER, etc. ou encore lors des visites, des fois même demandées par le
Maroc, de rapporteurs spéciaux de l’ONU. Ils ne s’empêcheront pas
d’instrumentaliser et d’utiliser la présence des associations de la
société civile marocaine et notamment celles de défense des droits de
l’Homme comme caution à leurs politiques dans ce domaine….c’est en tout
cas le but recherché derrière ce forum.
CherEs amiEs,
Personne ne peut nier les avancées et les quelques marges de libertés,
comparées aux décennies dites de plomb. Ces acquis ont été surtout le
fruit des grandes luttes des victimes de la répression, de leurs
familles et de l’ensemble des forces démocratiques et progressistes,
dont le mouvement des droits de l’Homme est partie intégrante.
L’Etat marocain a toujours agi sous la pression nationale et
internationale. L’amnistie générale des années 90 qui s’est traduite par
la libération des prisonniers politiques, la réapparition de quelques
anciens portés disparus, le retour des exilés politiques, etc. était le
fruit des luttes de toutes ces forces vives nationales appuyées par les
démocrates étrangers à travers cette solidarité internationale telle
qu’on voit aujourd’hui. Tout le monde se rappelle du rôle et de
l’impact qu’a eu le livre « Notre ami le roi » de Gilles Perrault dans
ces acquis.
Les responsables marocains vont poursuivre sur la voie de chantiers et
d’initiatives en trompe l’œil pour capter l’attention de la communauté
internationale. Ils vont mettre en place le CCDH, relooker la Moudawana
(statut de la famille) et mettre en place l’Instance Equité et
Réconciliation en appelant à sa tête des anciennes victimes de la
répression qui étaient très actives dans les organisations de défense
des droits de l’Homme.
Pour un observateur non averti, tout cela semble aller dans le bon sens
et il peut facilement se laisser convaincre de la bonne volonté du
pouvoir marocain à tourner la page. Sauf que quand on y regarde de près,
on trouve que le passif est trop lourd et que la volonté politique en
question n’est pas si évidente que ça.
L’Etat marocain veut, certes, tourner la page, mais au moindre coût
politique et sans toucher à l’essentiel, c’est-à-dire les fondements de
la Constitution.
Après sa révision, obtenue là aussi après la pression de la rue sous
l’effet du mouvement du 20-Février, né dans le sillage des printemps
démocratiques dans la région, on retrouve toujours les trois lignes
rouges, à savoir, lamonarchie, la religion et l’intégrité territoriale.
Elles constituent le socle de la Constitution marocaine.
Nous sommes conscients que le combat en faveur des droits de l’Homme,
n’est pas une chose aisée. Il exige de nous d’avoir en permanence à
l’esprit les fondamentaux qui régissent notre action, à savoir les
principes liés à l’universalité des droits humains tels qu’ils sont
définis par les déclarations, conventions et pactes internationaux. Nous
devons rester vigilants et exigeants en maintenant les associations de
défense des droits de l’Homme dans leur rôle de garde-fous.
Nous assistons à une escalade des violations des droits démocratiques et
fondamentaux au Maroc. Ceci alors que l’Etat, par le biais de ses
différents organes officiels, persiste à nier l’évidence ou à vouloir
justifier et minimiser les exactions commises.
Le mouvement des droits de l’Homme est amené, non seulement à
sensibiliser et à dénoncer les violations commises par l’Etat marocain,
mais également à faire face à son discours officiel qu’il ne cesse de
marteler et que ses officines véhiculent à chaque occasion. Son message
est limpide : une nouvelle ère des droits de l’Homme s’est instaurée,
fruit de la dynamique et du travail effectué par l’IER. Pour lui, la
rupture serait donc déjà faite avec le passé et que l’Etat marocain
serait un Etat de droit qu’il va falloir juste consolider.
CherEs amiEs,
En dépit de ce semblant d’embellie, le constat est loin d’être rayonnant
et satisfaisant. La plupart des recommandations de l’Instance Equité et
Réconciliation sont en attente d’une hypothétique concrétisation.
L’IER, au-delà des appréciations portées en son temps par les uns et les
autres, a formulé en 2006, des recommandations dont la mise en
application et le suivi ont été confiées au CCDH, ensuite au CNDH.
Ces recommandations ont certes suscité chez les victimes de la
répression, chez leurs familles et chez l’ensemble du mouvement de
défense des droits de l’Homme, un peu d’espoir et d’espérance. Mais,
très vite, des frustrations et des insatisfactions ont fait jour.
Parmi les recommandations importantes qui ont été faites par l’IER pour
que les violations graves ne se répètent plus, on trouve essentiellement
:
- Le renforcement de la protection constitutionnelle des droits
de l’Homme, notamment par la consécration dans la Constitution de la
primauté du droit international sur la législation interne ;
- La ratification d’un certain nombre de conventions (deuxième
protocole facultatif, annexe au Pacte concernant l’abrogation de la
peine de mort, l’adhésion à la Cour pénale internationale, etc.) ;
- La levée des réserves sur les conventions ratifiées – cas
notamment de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination à l’égard des femmes,
- Le renforcement de l’arsenal juridique en faveur des libertés individuelles et collectives,
- La pénalisation des violations graves des droits de l’Homme,
- La mise en place d’une stratégie de lutte contre l’impunité.
Ce qui implique une remise à niveau de la politique et de la législation
pénale, qui rende la justice marocaine indépendante, avec une bonne
gouvernance dans le domaine sécuritaire et la promotion des droits de
l’Homme, à travers l’éducation et la sensibilisation.
Toutes ces recommandations, ont été considérées comme positives par le
mouvement des droits de l’Homme. Après huit ans de leur publication,
force est de constater que leur mise en pratique se fait toujours
attendre.
À cette attente, s’ajoutent les frustrations générées part le travail de
l’IER. En l’absence de toute la vérité espérée sur les différentes
violations graves sur lesquelles cette instance s’était penchée, des
victimes et leurs proches se sont senties flouées.
Des conclusions de l’IER, réaffirmées par le rapport final du CCDH, ont
laissé un goût amer quant aux attentes des familles des victimes en
termes de vérité.
Si l’IER, relayée par le CCDH, a déclaré que 742 cas de présumés
disparus ont été élucidés et que seuls 66 restaient en suspens, nous
sommes malheureusement bien loin du compte. Plusieurs victimes et leurs
familles sont toujours en quête de la vérité. Pas de révélations
sérieuses non plus sur des dossiers emblématiques comme celui de
l’enlèvement et de l’assassinat de Mehdi Ben Barka, de l’enlèvement de
Houcine El-Manouzi, sur la disparition de Abdelhak Rouissi et de
Belkacem Ouazzane ou encore sur le sort réservé à El-Ouassouli, à
Esslami et à tant d’autres. Et que dire des conditions de la mort sous
la torture de nombreux militants tels que Abdelatif Zeroual et Amine
Tahani et de la vérité sur les lieux secrets de détention et de torture,
comme le fameux PF3 à Rabat.
Des questions importantes sont restées sans réponse. On n’a eu droit
qu’à quelques vérités partielles sur les dossiers de la répression et
des soulèvements populaires de mars 1965, de juin 1981 à Casablanca, de
janvier 1984 dans les villes du Nord, de décembre 1990 à Fès, la révolte
des Oulad Khalifa, réprimée dans le sang en 1971…
Le rapport de l’IER n’a, par contre, pas traité de la responsabilité des
différentes institutions et appareils d’État tels que l’armée, la
police, la gendarmerie, les différents services secrets, le ministère de
l’Intérieur, les gouverneurs et autres autorités locales, la Justice…
Amnesty International, dans un rapport intitulé «Les espoirs brisés»,
résume ce constat en déclarant qu’«en dépit des promesses, la vérité sur
les violations graves du passé n’a été que partiellement dévoilée,
l’impunité pour les auteurs reste totale et que les réformes
institutionnelles et juridiques ne sont pas à l’ordre du jour».
HRW, dans un communiqué daté de janvier 2010 à l’occasion de son rapport
annuel, a également reproché au gouvernement marocain de n’avoir pas
«mis en œuvre la plupart des réformes institutionnelles recommandées par
l’IER pour prévenir les violations dans l’avenir »
Effectivement, nous portons toujours cette exigence de la vérité. Et ce
n’est pas seulement pour des raisons humaines pour permettre aux
familles de faire dignement leur deuil, mais c’est également pour fonder
et lancer les jalons d’une société où « plus jamais ça » et où la
lutte contre l’impunité deviendrait un référentiel qui s’imposerait à
tous les auteurs des exactions commises.
CherEs amiEs,
Si nous nous intéressons à ce qui se passe actuellement au Maroc, nous
ne pouvons malheureusement que constater une régression préoccupante en
termes d’atteintes graves aux droits de l’Homme.
Un simple récapitulatif de certaines violations avérées et relevées par
les ONG marocaines ou internationales témoigne de la gravité de cette
évolution et qui peut s’apparenter à du déjà vu ou vécu.
Nous voulons attirer l’attention sur certaines atteintes qui nous
paraissent significatives de la situation des droits de l’Homme au
Maroc:
D’abord la poursuite de la politique des enlèvements, des arrestations
arbitraires et de la pratique de la torture. Sous couvert de lutte
contre le terrorisme, les forces de police procèdent à des
interpellations, voir des enlèvements en dehors de tout cadre juridique.
À tel point que le centre de Temara, vient de s’ajouter à la triste
liste des lieux de détention et de torture qui ont marqué l’histoire du
Maroc des années de plomb.
Les tribunaux sont ensuite mis à contribution pour condamner des
manifestants arrêtés suite à aux mouvements sociaux, des étudiants, des
syndicalistes, des défenseurs des droits de l’Homme, des jeunes diplômés
chômeurs, des islamistes, des Sahraouis, des journalistes, des avocats,
etc.
Depuis 2012, l’ASDHOM tient à jour, sur son site Internet, des listes
dans le cadre de sa campagne de parrainage des prisonniers politiques et
d’opinion. Et si nous avons opté pour le parrainage, comme action de
solidarité, c’est parce que nous mesurons son impact positif sur le
moral des détenus politiques et leurs familles qui se sentent soutenus
dans leurs luttes. Cette action a créé un élan de solidarité à l’échelle
de France et d’ailleurs.
La détention politique reste une des caractéristiques de l’Etat de non
droit qui prévaut au Maroc. Desserrer l’étau sur les détenus politiques
et d’opinion est le devoir de tout démocrate et défenseur des droits de
l’Homme.
Nous empruntons à Gilles Perrault un passage qu’il nous a gentiment
adressé au lancement de cette campagne et qu’il a accepté de porter avec
nous en la parrainant:« Dans le combat pour un Maroc démocratique et
équitable, les détenus politiques, hommes et femmes, sont en première
ligne. Ils subissent de plein fouet la répression, l’injustice, les
mille et une techniques utilisées pour briser leur volonté de lutte.
Leurs familles, plongées dans l’angoisse, sont prises en otages par le
régime. La prison est le lieu de toutes les souffrances, mais c’est
aussi l’enclume sur laquelle se forge le Maroc de demain. Parrainer un
ou une prisonnière politique représente un geste de solidarité
élémentaire auquel nul ne doit se dérober. C’est briser la solitude que
peut ressentir celui ou celle qu’on parraine. C’est réconforter les
familles. C’est aussi et surtout démontrer au pouvoir que ses victimes
ne sont pas à sa merci, ignorées du monde extérieur, livrées à sa
vindicte. »
L’ASDHOM a décidé donc de prolonger cette expérience et lance, à
l’occasion de cette semaine de solidarité internationale, une campagne
de carte postale soutenue par trois grandes ONG : Amnesty International,
le MRAP et l’ACAT.
Deux cartes postales intitulées « Parrainer un(e) détenu(e) politique, c’est l’aider à retrouver sa liberté ».
Elles sontà adresser, l’une au ministre marocain de la Justice et des
Libertés pour l’interpeller sur la détention arbitraire, l’autre
directement au détenu d’opinion pour lui exprimer notre solidarité en
demandant sa libération.
Le nombre des prisonniers politiques est passé de 172 en 2012, au
lancement de la campagne, à 255 en novembre 2013 pour atteindre 338 en
2014. Cette augmentation préoccupante ne tient pas compte de ceux,
nombreux, qui ont été libérés au cours de ces deux dernières années à la
fin de leurs peines. Le parcours de ces listes montre que personne
n’est épargné par la détention politique, que les procès ont été
entachés d’irrégularités et les aveux souvent extorqués sous la torture
ou la contrainte. Le droit de la défense est généralement bafoué.
Toutes les libertés individuelles et fondamentales sont touchées par ces
nombreux procès politiques. Ça va de la liberté d’association et de
manifestation, à la liberté de la presse ou la liberté d’expression et
de conscience, en passant par les libertés syndicale et politique. Mais,
bien évidemment, toutes les condamnations sont prononcées sous couvert
de chefs d’accusation fallacieux du genre « rassemblement non autorisé,
violent ou armé, entrave à la circulation, dégradation de bien public,
violence envers les forces de l’ordre, atteinte à la pudeur, atteinte au
sacré, incitation au terrorisme, etc.
CherEs amiEs,
Un dernier mot pour dire qu’au Maroc, nous sommes face à un Etat qui
emprisonne des jeunes étudiants, des diplômés chômeurs, des enseignants,
des journalistes, des avocats, des syndicalistes, des défenseurs des
droits de l’Homme, des Islamistes, des Sahraouis, des Amazighs, etc. Un
Etat qui pratique l’enlèvement et la torture. Un Etat qui contrôle la
presse. Un Etat qui malmène la liberté d’expression, la liberté de
culte, la liberté de manifester, la liberté syndicale et la liberté
d’association.
Cet Etat ne peut prétendre accéder au rang des Etats de droit. Il a beau
organisé des forums mondiaux pour faire scintiller sa façade
démocratique, l’Etat marocain restera toujours un Etat de non droit tant
qu’il n’a pas fait le choix de la vérité, de la justice et de la lutte
contre l’impunité.
Jean Jaurès disait que « le courage, c’est de chercher la vérité et de la dire ».
L’Etat marocain a choisi de ne pas dire la vérité et d’encourager l’impunité totale.
Il ne peut pas continuer à mentir éternellement au Marocaines et aux
Marocains. Il viendra un jour où les responsables de crimes et
d’exactions répondront de leurs actes devant l’Histoire. Le peuple
marocain, lui, leur pardonnera, peut-être, s’ils lui demandent pardon,
mais l’Histoire, elle, jamais.
Nanterre, le 21 novembre 2014
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