Par Lahoucine Amal, 13/11/2013
Taliouine situé au sein de
l’Anti Atlas et du Haut Atlas, deux grandes réserves d’eau (jbel Siroua à 3 304
m d'altitude et jbel Toubkal à 4165 m d'altitude), est une région
essentiellement paysanne. La culture du Safran d’une haute
qualité biologique était la caractéristique de cette agriculture
traditionnelle.
Une belle activité
traditionnelle
Chaque année dès le début de l’automne, les paysannes de
Taliouine s’activaient à la récolte de cette fleur précieuse,
activité
socio-culturelle qui a de profondes racines dans l’histoire paysanne de la
région, en harmonie avec le cycle de la nature. Dès
l’aube, leur panier à la
main elles se rendaient
dans les champs.
Mais « l’Or Rouge du Maroc » passe aux
mains des rapaces de la finance
La cueillette de « l’Or Rouge du Maroc » ainsi appelé
au domaine du commerce touristique est devenue une exploitation
proche de l’esclavage. La fleur de couleur violette doit être enlevée avant
qu’elle ne soit refermée par l’effet de la chaleur des rayons du soleil. Un
difficile travail attend alors la paysanne à la maison après la récolte : elle
passe des nuits blanches à séparer les étamines de la fleur : le
Safran.
Ce travail de la femme paysanne est une activité parmi
d’autres durant sa vie, transmise de mère en filles qui se préparent au mariage
et à ce travail malheureusement sans salaire. Car la plupart des femmes
paysannes qui travaillent aux champs du Safran, malgré ce dur travail au prix de
leur sueur et de leur sang, ne reçoivent pas un dirham et restent toute leur vie
dépendantes de leur homme. Ce dernier porte une partie de la récolte chaque semaine
au souk (marché) : et en
tire un petit revenu qui sert à payer les frais de la
nourriture de la famille pendant une semaine.
Mais ce revenu dépend de la
décision des grands commerçants du Safran qui fixent le prix
de vente pour chaque jour du souk.
Une double exploitation de la force du travail de
la femme paysanne : aux champs et à la maison, et une valeur ajoutée dans les
poches des grands commerçants. Au nom de la liberté du travail et des prix,
le capital impérialiste intervient pour
récupérer le taux de revenu que le capital comprador ne peut pas
dominer.
La marge de revenu qui
était longtemps attribuée aux paysans n’est plus accepté dans le système
capitaliste financier.
La qualité biologique exceptionnelle du
Safran d’origine n’est plus qu’un souvenir !
Des études
scientifiques sur l’Or Rouge du Maroc ont été réalisées dans les laboratoires
des pays impérialistes, véritable massacre de la
qualité biologique de ce végétal ! Le safran naturel avait préservé depuis des millénaires
ses propres capacités à se multiplier dans la terre de Taliouine, en
conservant ses caractères génétiques spécifiques, constituant l’ espèce
unique marocaine.
Mais l’appât du gain pousse les
hommes de la science à détruire tous les trésors que la nature a pu constituer
depuis des millénaires, en mettant la main sur les ressources naturelles d’un pays déjà
appauvri par le capital comprador. Ces deux systèmes, comprador et capitaliste,
sont aujourd’hui bien liés pour assurer l’ exploitation sauvage des
paysans.
Dar le Safran
Dar le Safran (la maison du Safran) a été
construite à Taliouine en 2011. C’est une bourse commerciale de cette
matière végétale. L’inauguration de cet établissement
a eu lieu le 10 novembre 2011, veille de la victoire de la révolte tunisienne,
début d’une ère modifiée de la vie du Safran marocain. La
mafia constituée dans la région depuis 1956 à l’aube de l’indépendance ,
nouvelle forme d’occupation pour servir les intérêts du régime comprador, a
maintenant atteint ses hauts niveaux.
Après avoir mis sa main sur les biens publics de
Taliouine, la finance de la municipalité et des 13 communes rurales, le vol
systématique appliqué par cette mafia est installé au sein des conseils
communaux. Des coopératives et des associations paysannes sont dirigées par les
acteurs de ce groupe qui a de l’influence sur toute la vie des paysan(ne)s
pauvres de Taliouine. Les chefs de la mafia, après avoir volé l’argent de la
coopération Souktana à chaque restructuration de son bureau depuis les années
1970, ont une vaste marge sur les biens des
paysans qui sont
maintenant obligés de vendre leurs produits à Dar le Safran et attendre des mois
et des mois le revenu de leur vente.
De 30
dirhams (2,7 euros) un gramme de Safran en 2011 à 12 dirhams les années
suivantes. C’est vraiment une catastrophe pour l’économie des pauvres
paysan(ne)s qui ne peuvent pas arriver à comprendre le complot monté contre
leurs intérêts par cette mafia !
Les bulbes génétiquement
modifiés
Cette entreprise de destruction du Safran
est aussi catastrophique pour la commercialisation des bulbes du Safran de
Taliouine. Le lobby sioniste organise l’achat des bulbes du Safran de
Taliouine pour mettre sa main sur cette espèce naturelle Bio, et depuis deux
années, il arrive à faire circuler des bulbes génétiquement
modifiés, qui ne
contiennent pas le caractère génétique de multiplication : ils restent stériles
pour obliger les paysan(ne)s à acheter la marchandise. Quel crime, celui commis
par ces hommes de la science envers la nature et l’Homme ! Les pauvres
malheureux paysan(ne)s sont choqués par cette catastrophe qui condamne leur
richesse d’excellente qualité bio.
Après avoir exporté l’agriculture du Safran dans
d’autres régions, Errachidia, Oujda, Midelt, El Houz … le Safran a perdu
sa caractéristique végétale naturelle de Taliouine. Les
bulbes génétiquement modifiés sont la porte ouverte à
l’exploitation sauvage de l’eau, de la terre et des ressources
naturelles de Taliouine.
Lutter contre cette scandaleuse
exploitation !
Le seul moyen de lutter contre cette scandaleuse
exploitation est de provoquer un soulèvement les femmes paysannes pour réclamer
le respect du code du travail à travers un mouvement ouvrier
organisé. Sinon dans l’avenir l’exploitation des ouvrières agricoles risque de
devenir catastrophique.
Le “Festival du
Safran”
Depuis 2008 la mafia du Safran organise le “festival du
Safran”. C’est l’occasion de réunir tous les acteurs du système d’exploitation
sauvage des ressources végétales naturelles, des sociétés, coopératives et des
associations qui y participent pour applaudir ce programme. Des
recettes, des plats et des cadeaux (paquets de Safran) leur sont remis pour les
remercier de participer à cette guerre menée contre le Bio.
La colère des jeunes de
Taliouine
A l’occasion de chaque festival des jeunes de Taliouine
tentent d’exprimer leur colère sur ce qui se passe dans cette région isolée,
avec le chômage au sein de la jeunesse, l’analphabétisme surtout parmi les
femmes, le manque de services publics, de centre de santé,
l’insuffisance d’ enseignants et de classes d’enseignement, l’isolement des
douars (groupements d’habitants isolés dans les montagnes), le manque
d’assainissement…
La peur règne dans les montagnes à cause de la brutalité
des forces de répression (gendarmes, agents des autorités),
le tribunal de
première instance de Taroudant est un appareil de répression systématique qui
soutient cette terreur.
Le 09 novembre 2013, lors de la deuxième journée du
festival de cette année des jeunes ont pu exprimer leur colère en organisant un
sit-in devant le Dar le Safran. Au moment où les acteurs du vol des biens
publics de Taliouine sont à table dans les salles de cette établissement, les
jeunes manifestent leurs revendications en accusant ces voleurs des biens des
pauvres paysan(ne)s. Un comité de suivi a été constitué pour défendre les
droits des paysan(ne)s à l’eau, à la terre, aux ressources naturelles et à la
culture amazigh.
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