Par Hassan Moali, 11/11/2013
Ramtane Lamamra, ministre des affaires étrangère© Photo : B. Souhil
«Fermeté», «sang-froid» et «retenue». Tels ont été les maîtres mots du ministre des Affaires étrangères, Ramtane Lamamra, hier, lors de sa première conférence de presse après le discours offensif du roi Mohammed VI.
Aux journalistes pressés de connaître les raisons de cette «mollesse» algérienne face aux assauts répétés de Rabat depuis le rappel de son ambassadeur, le ministre a préféré calmer le jeu : «Les positions de l’Algérie sont constantes et fermes. Nous faisons clairement la distinction entre la question du Sahara occidental, qui relève d’un problème de décolonisation et est entre les mains des Nations unies, et nos relations bilatérales avec le Maroc», a-t-il déclaré lors de la conférence animée conjointement avec son collègue de la Communication, Abdelkader Messahel.
Mais s’il a botté en touche après la diatribe de Mohammed VI,
M. Lamamra n’a pas manqué de souligner d’un ton ferme la position de
l’Algérie : «Le Maroc a commis deux forfaits avec le rappel de
l’ambassadeur et la violation des franchises diplomatiques de notre
consulat à Casablanca et, facteur aggravant, un 1er novembre.»
«Ils savent ce qu’ils doivent faire»…
Pour le ministre des Affaires étrangères, il ne sert à rien pour
l’Algérie de répondre à ces provocations successives que la communauté
internationale a condamnées. Il en veut d’autant plus que les règles de
conduite et les usages diplomatiques sont régis par des accords et des
conventions internationales. Du coup, «la violation de ces accords et
règles de conduite signifierait une faillite morale de la part de ceux
qui transgressent ce genre de référents historiques», commente
M. Lamamra. «Faillite morale.» L’expression choc du ministre résume
bien l’état d’esprit des responsables algériens qui ont, certes, accusé
sereinement le coup du roi, mais ne déclarent pas forfait dans ce duel à
distance.
«Allez-vous demander des excuses, Monsieur le ministre ?»,
osons-nous l’interroger, histoire de mettre les pieds dans ce plat
insipide des rapports algéro-marocaines. «Ils savent ce qu’ils doivent
faire», répond laconiquement Ramtane Lamamra, confirmant ainsi que si
Alger observe jusque-là de la retenue, elle n’est pas pour autant prête à
pardonner ces gestes inamicaux.
Et au ministre de rappeler que son département a bien précisé à
l’ambassadeur du Maroc que l’Algérie ne croit pas à l’histoire de
«l’acte isolé». Signe de cette sourde colère algérienne, le MAE a
souligné que «l’individu qui a arraché le drapeau national a été élevé
au rang de héros national». Et de tonner : «C’est une insulte à tous les
Maghrébins, surtout dans une zone de souveraineté nationale.» Pour lui,
il y a des accords et des règles de conduite, «qu’elles soient écrites
ou implicites, qu’elles relèvent du droit ou de notre histoire commune,
qui ne doivent pas être transgressées». Il est donc clair, au travers
des réponses de M. Lamamra que les responsables algériens sont ébranlés
par les effets de manche du roi et de ses sujets.
Éviter le piège royal
Mais tactiquement, ils ne souhaitent pas boxer dans la même catégorie,
au risque de tomber dans le jeu de Mohammed VI qui consiste à vouloir
pousser l’Algérie à se poser en partie du conflit bilatéral entre le
Maroc et le Sahara occidental. Abdelkader Messahel, lui-même diplomate,
est intervenu plusieurs fois pour mettre en évidence ce «piège royal»
dans lequel l’Algérie ne doit pas tomber même si les provocations
marocaines sont de plus en plus incisives. Cela dit, Le MAE algérien
reconnaît qu’entre l’Algérie et les autorités marocaines, il y a
désormais un «problème extrêmement important» et que le Maroc a commis
une «erreur stratégique». Résultat presque mécanique de cette énième
brouille : Ramtane Lamamra ne compte pas faire le voyage de Rabat pour
participer, le 14 de ce mois, à la fameuse conférence sur la sécurité
des frontières entre le Maghreb et le Sahel que le Maroc organise.
«Vous savez que l’Algérie ne pratique pas la politique de la chaise
vide», a affirmé M. Lamamra, suggérant que l’Algérie, «qui a été invitée
verra le niveau de sa participation». Une chose est certaine : Ramtane
Lamara ne sera pas présent, pas plus que son collègue chargé des
Affaires maghrébines et africaines, Abdelmadjid Bouguerra. «Il n’y a
aucun voyage prévu à Rabat», a précisé le ministre des Affaires
étrangères, suggérant que l’Algérie pourrait être représentée par son
ambassadeur au Maroc.
Quid du report de la visite de John Kerry, qui coïncide avec l’annonce
de la réception de Mohammed VI à la Maison-Blanche ? «Ça n’a rien à
voir !» balaye le ministre, soulignant avoir reçu un appel de John Kerry
et qu’ils ont décidé d’un «commun accord» de reporter la visite pour la
«maintenir à un niveau ministériel».
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