Par Salah Elayoubi, demainonline
Quarante
ans après, la Tunisie accepte d’entrer en matière sur la disparition
de Houcine Manouzi, sur son sol. C’est au président tunisien Moncef
Marzouki qu’on doit cette initiative, après qu’il ait ordonné, lundi 9
décembre, que soit diligentée une enquête, afin de déterminer les circonstances
dans lesquelles se serait déroulé l’enlèvement le 29 octobre 1972,
en Tunisie.
L’acharnement
de la famille qui n’a jamais renoncé à la vérité sur le sort réservé au disparu
a fini par payer.
C’est
un des frères Manouzi rescapés, Abdelkrim Manouzi, qui a présenté au
président tunisien le dossier du disparu, lors d’une réception donnée par
celui-ci, en l’honneur d’officiers tunisiens, victimes du régime Ben Ali et que
le président Marzouki a réhabilités.
Emprisonné
au PF3, après un passage dans les chambres de torture du royaume, Houcine se
trouvait en compagnie des militaires ayant participé au coup d’Etat de juillet
1971. Il s’en était évadé le 12 juillet 1975 du PF3, en compagnie du
lieutenant-colonel Ababou, du capitaine Chellat, de
l’aspirant M’zireg, de l’adjudant-chef Akka et des trois
frères Bourequat. Le groupe avait été repris quelques jours plus tard,
l’escapade s’étant soldée par l’exécution extra-judiciaire, des militaires, dans
la nuit du 7 juillet de la même année, selon le récit qu’en a fait Ali
Bourequat, dans son livre « Dix-huit ans de solitude ».
colonel Benslimane, toujours en fonction
e
dernier raconte qu’il a assisté, à travers les interstices de la porte de sa
cellule au supplice des militaires et leur geôliers soupçonnés de leur avoir
facilité l’évasion et qu’il aurait reconnu parmi ceux qui assistaient à ces
exécutions, le
colonel Dlimi, le colonel Benslimane, le général Moulay Hafid, les commissaires
Houcine Jamil et Benmansour, Ben Cherif, le capitaine Fadoul, parmi d’autres
personnes en civil.
Hormis
un certificat laconique remis à la famille par la DST, le 16 août 2001 et
faisant état du décès de Houcine, le 17 juillet 1975, sa famille ignore, à ce
jour, les circonstances exactes de son décès et l’emplacement où se trouverait
sa dépouille.
La
famille qui a payé un lourd tribu à la dictature au Maroc, après s’être
illustrée dans une lutte sans concession, contre le colonialisme a perdu trois
de ses membres, disparus dans des conditions pour le moins obscures, le
Commandant Brahim Manouzi, exécuté le 13 juillet 1971, Houcine
Manouzi, porté disparu et Moujahid
Kacem Manouzi, mort sous la torture à Derb Moulay Chérif, au mois de
septembre 1970, et dont le cadavre n’a, non plus, jamais pas été rendu à la
famille. Un quatrième,
le docteur Omar Manouzi, a sombré dans la folie
C’est
le deuxième geste accompli par le président tunisien, en faveur des Droits de
l’homme au Maroc, après qu’il ait reçu samedi 8 décembre, au Palais
de Carthage, Abdelhamid Amine, vice-président de l’Association marocaine
des droits humains (AMDH) et célèbre opposant au Makhzen.
Houcine
Manouzi a été enlevé en Tunisie pendant la présidence de Habib Bourguiba,
déposé par un coup d’Etat par le général, et futur dictateur, Zine Eddine Ben
Ali en 1987.
Il
y a quelques années, le principal dissident marocain à l’étranger, le professeur
Ahmed Benani, a révélé sur sa page Facebook que l’un de ses cousins, Abdelkébir
Bennani, aujourd’hui décédé, aurait tendu un piège à Manouzi, qui se trouvait
alors à Tripoli, pour le faire venir en Tunisie où il a été séquestré
et transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture diplomatique.« C’est
Abdelkébir Bennani qui a piégé Houcine Manouzi pour le faire venir de Tripoli à
Tunis et, c’est ce même Abdelkébir qui a conduit la voiture diplomatique de
Tunis aux alentours d’Oujda, avec le corps anesthésié du malheureux Houcine.
Jamais une enquête ne fut ouverte, jamais Abdelkébir ne fut inquiété, ce n’est
qu’après sa mort récente que des membres de ma propre famille m’ont rapporté ces
faits. Immédiatement je les ai communiqués à Fettah, qu’en a t-il fait
? »
Fettah
Bennani avait alors répondu à son cousin avec une bordée d’injures.
URL
courte: http://www.demainonline.com/?p=23298
-------------------------------------------------------------------------
El
Manouzi : un mystère qui dure depuis quarante
ans
Quarante
ans après la disparition du syndicaliste Houcine El Manouzi, l’affaire ne semble
pas prête à être élucidée.
«Il y a dix
ans de cela, nous organisions un événement similaire en la mémoire de Houcine. A
l’époque nous espérions que l’affaire serait résolue, mais nous revoilà encore,
dix ans plus tard, sans que les conditions de disparition de Houcine El Manouzi
ne soient élucidées », déclare un des frères du disparu, Rachid El Manouzi, lors d’une conférence de presse
organisée à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition.
Cela
fait quarante ans déjà que Houcine El Manouzi, syndicaliste et militant de
l’UNFP, a été enlevé à Tunis. Houcine El Manouzi disparait le 29 octobre 1972 à
son arrivée à l’aéroport de Tunis. Les derniers rebondissements dans l’affaire
indiquent, selon des témoins, qu’il était détenu au Maroc et qu’il était encore
vivant au 1er août 1975. D’anciens prisonniers du centre PF3 (Point Fixe Trois),
ancien centre de détention secrète, avaient affirmé avoir vu Houcine El Manouzi
au PF3. La famille apprend grâce à ces témoignages que Houcine El Manouzi a été
kidnappé à l’aéroport de Tunis et transféré au Maroc où il a été emprisonné
pendant au moins trois ans. Le dernier témoin à avoir vu Houcine El Manouzi
serait un gardien du PF3 qui affirme que celui-ci y était « jusqu’au 1er août
1975 où il a été emmené par les forces spéciales de Dlimi ».
Selon le rapport
de l’IER, le cas El Manouzi est l’un des neufs cas de disparition forcée non
élucidés à ce jour. Mais, selon Rachid El Manouzi, les organisations de droits
humains auraient dénombré quelques « soixante cas » non clarifés. Remarquant que
les travaux de l’Instance Équité et Réconciliation (IER) n’apportent rien de
nouveau dans l’affaire de Houcine, la famille Manouzi dépose une plainte pénale.
Mustapha El Manouzi, frère du disparu, est également avocat de la famille. En
février 2012, l’un des frères Bourequat, Midhat, ancien détenu du centre PF3,
témoigne dans l’affaire de Houcine El Manouzi. Concernant ce témoignage, ne
pouvant pas en divulguer les détails, Me El Manouzi précise tout de même que
« Bourequat a confirmé l’enterrement de Houcine El Manouzi dans le périmètre du
centre PF3 ». Mustapha El Manouzi a également déposé une requête en août dernier
pour la convocation des généraux Housni Benslimane et Hamidou Laânigri en tant
que témoins dans l’affaire. Selon Me Manouzi, le juge a refusé la requête
considérant que « les témoins n’avaient pas de lien direct avec les
événements ». « Le juge d’instruction veut que l’on accuse directement ces
personnes pour leur implication dans ces événements, mais nous refusons cela.
Nous soumettrons une nouvelle requête prochainement », précise-t-il. « Nous
n’avons pas parié sur la justice pour connaître la vérité, mais pour briser le
tabou… tout en restant dans la légalité », conclut Mustapha El Manouzi. Des
rumeurs concernant la construction du siège de l’ambassade américaine sur le
terrain du PF3 ont circulé dans la presse. Mustapha El Manouzi estime que la
justice marocaine devrait enquêter à ce sujet et préserver cet endroit puisqu’il
s’agit de la « preuve tangible » de la mort de Houcine El Manouzi. « Si Houcine
est enterré au PF3, les recherches doivent être faites. Nous ne sommes pas dans
une démarche de vengeance ou de haine, mais notre but est de savoir ce qui s’est
réellement passé », indique Alain
Martini, avocat de la famille depuis 1975. « L’État marocain le doit à la
famille El Manouzi », insiste-t-il. « Au-delà de sa propre personne, Houcine El
Manouzi symbolise toute une période de répression dont les séquelles sont
toujours présentes ».
3 QUESTIONS À
…
Mustapha El Manouzi, frère de Houcine El Manouzi et avocat
de la famille
Près d’une décennie après le début des travaux de l’IER,
quel bilan pouvez-vous faire ?
En toute sincérité,
le rapport de l’IER n’a pas changé grand chose dans l’affaire de Houcine El
Manouzi. Les conclusions auxquelles a abouti l’instance sont les mêmes données
que nous leur avions soumises. Et c’est justement parce que le travail de l’IER
n’a mené à aucun avancement dans notre affaire que nous avons eu recours à la
justice.
Quelles sont vos revendications
aujourd’hui ?
Nous demandons à ce que le juge
accélère la procédure et accepte de convoquer les témoins que nous suggérons. Ou
de nous indiquer clairement son refus de résoudre l’affaire. Et dans ce cas-là
nous aurons recours à la justice internationale.
Pourquoi ne pas avoir recours directement à la justice
internationale, dans ce cas ?
Nous essayons
d’utiliser tous les moyens dont nous disposons. Nous n’aurons recours à la
justice internationale uniquement après avoir épuisé toutes les possibilités à
l’échelle nationale. Nous sommes nationalistes et nous avons foi en notre
pays.
Quarante
ans après, la Tunisie accepte d’entrer en matière sur la disparition
de Houcine Manouzi, sur son sol. C’est au président tunisien Moncef
Marzouki qu’on doit cette initiative, après qu’il ait ordonné, lundi 9
décembre, que soit diligentée une enquête, afin de déterminer les circonstances
dans lesquelles se serait déroulé l’enlèvement le 29 octobre 1972,
en Tunisie.
L’acharnement
de la famille qui n’a jamais renoncé à la vérité sur le sort réservé au disparu
a fini par payer.
C’est
un des frères Manouzi rescapés, Abdelkrim Manouzi, qui a présenté au
président tunisien le dossier du disparu, lors d’une réception donnée par
celui-ci, en l’honneur d’officiers tunisiens, victimes du régime Ben Ali et que
le président Marzouki a réhabilités.
Emprisonné
au PF3, après un passage dans les chambres de torture du royaume, Houcine se
trouvait en compagnie des militaires ayant participé au coup d’Etat de juillet
1971. Il s’en était évadé le 12 juillet 1975 du PF3, en compagnie du
lieutenant-colonel Ababou, du capitaine Chellat, de
l’aspirant M’zireg, de l’adjudant-chef Akka et des trois
frères Bourequat. Le groupe avait été repris quelques jours plus tard,
l’escapade s’étant soldée par l’exécution extra-judiciaire, des militaires, dans
la nuit du 7 juillet de la même année, selon le récit qu’en a fait Ali
Bourequat, dans son livre « Dix-huit ans de solitude ».
colonel Benslimane, toujours en fonction |
Hormis
un certificat laconique remis à la famille par la DST, le 16 août 2001 et
faisant état du décès de Houcine, le 17 juillet 1975, sa famille ignore, à ce
jour, les circonstances exactes de son décès et l’emplacement où se trouverait
sa dépouille.
La
famille qui a payé un lourd tribu à la dictature au Maroc, après s’être
illustrée dans une lutte sans concession, contre le colonialisme a perdu trois
de ses membres, disparus dans des conditions pour le moins obscures, le
Commandant Brahim Manouzi, exécuté le 13 juillet 1971, Houcine
Manouzi, porté disparu et Moujahid
Kacem Manouzi, mort sous la torture à Derb Moulay Chérif, au mois de
septembre 1970, et dont le cadavre n’a, non plus, jamais pas été rendu à la
famille. Un quatrième,
le docteur Omar Manouzi, a sombré dans la folie
C’est
le deuxième geste accompli par le président tunisien, en faveur des Droits de
l’homme au Maroc, après qu’il ait reçu samedi 8 décembre, au Palais
de Carthage, Abdelhamid Amine, vice-président de l’Association marocaine
des droits humains (AMDH) et célèbre opposant au Makhzen.
Houcine
Manouzi a été enlevé en Tunisie pendant la présidence de Habib Bourguiba,
déposé par un coup d’Etat par le général, et futur dictateur, Zine Eddine Ben
Ali en 1987.
Il
y a quelques années, le principal dissident marocain à l’étranger, le professeur
Ahmed Benani, a révélé sur sa page Facebook que l’un de ses cousins, Abdelkébir
Bennani, aujourd’hui décédé, aurait tendu un piège à Manouzi, qui se trouvait
alors à Tripoli, pour le faire venir en Tunisie où il a été séquestré
et transféré au Maroc dans le coffre d’une voiture diplomatique.« C’est
Abdelkébir Bennani qui a piégé Houcine Manouzi pour le faire venir de Tripoli à
Tunis et, c’est ce même Abdelkébir qui a conduit la voiture diplomatique de
Tunis aux alentours d’Oujda, avec le corps anesthésié du malheureux Houcine.
Jamais une enquête ne fut ouverte, jamais Abdelkébir ne fut inquiété, ce n’est
qu’après sa mort récente que des membres de ma propre famille m’ont rapporté ces
faits. Immédiatement je les ai communiqués à Fettah, qu’en a t-il fait
? »
Fettah
Bennani avait alors répondu à son cousin avec une bordée d’injures.
URL
courte: http://www.demainonline.com/?p=23298
-------------------------------------------------------------------------
Quarante
ans après la disparition du syndicaliste Houcine El Manouzi, l’affaire ne semble
pas prête à être élucidée.
«Il y a dix ans de cela, nous organisions un événement similaire en la mémoire de Houcine. A l’époque nous espérions que l’affaire serait résolue, mais nous revoilà encore, dix ans plus tard, sans que les conditions de disparition de Houcine El Manouzi ne soient élucidées », déclare un des frères du disparu, Rachid El Manouzi, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition.
Cela fait quarante ans déjà que Houcine El Manouzi, syndicaliste et militant de l’UNFP, a été enlevé à Tunis. Houcine El Manouzi disparait le 29 octobre 1972 à son arrivée à l’aéroport de Tunis. Les derniers rebondissements dans l’affaire indiquent, selon des témoins, qu’il était détenu au Maroc et qu’il était encore vivant au 1er août 1975. D’anciens prisonniers du centre PF3 (Point Fixe Trois), ancien centre de détention secrète, avaient affirmé avoir vu Houcine El Manouzi au PF3. La famille apprend grâce à ces témoignages que Houcine El Manouzi a été kidnappé à l’aéroport de Tunis et transféré au Maroc où il a été emprisonné pendant au moins trois ans. Le dernier témoin à avoir vu Houcine El Manouzi serait un gardien du PF3 qui affirme que celui-ci y était « jusqu’au 1er août 1975 où il a été emmené par les forces spéciales de Dlimi ».
Selon le rapport de l’IER, le cas El Manouzi est l’un des neufs cas de disparition forcée non élucidés à ce jour. Mais, selon Rachid El Manouzi, les organisations de droits humains auraient dénombré quelques « soixante cas » non clarifés. Remarquant que les travaux de l’Instance Équité et Réconciliation (IER) n’apportent rien de nouveau dans l’affaire de Houcine, la famille Manouzi dépose une plainte pénale. Mustapha El Manouzi, frère du disparu, est également avocat de la famille. En février 2012, l’un des frères Bourequat, Midhat, ancien détenu du centre PF3, témoigne dans l’affaire de Houcine El Manouzi. Concernant ce témoignage, ne pouvant pas en divulguer les détails, Me El Manouzi précise tout de même que « Bourequat a confirmé l’enterrement de Houcine El Manouzi dans le périmètre du centre PF3 ». Mustapha El Manouzi a également déposé une requête en août dernier pour la convocation des généraux Housni Benslimane et Hamidou Laânigri en tant que témoins dans l’affaire. Selon Me Manouzi, le juge a refusé la requête considérant que « les témoins n’avaient pas de lien direct avec les événements ». « Le juge d’instruction veut que l’on accuse directement ces personnes pour leur implication dans ces événements, mais nous refusons cela. Nous soumettrons une nouvelle requête prochainement », précise-t-il. « Nous n’avons pas parié sur la justice pour connaître la vérité, mais pour briser le tabou… tout en restant dans la légalité », conclut Mustapha El Manouzi. Des rumeurs concernant la construction du siège de l’ambassade américaine sur le terrain du PF3 ont circulé dans la presse. Mustapha El Manouzi estime que la justice marocaine devrait enquêter à ce sujet et préserver cet endroit puisqu’il s’agit de la « preuve tangible » de la mort de Houcine El Manouzi. « Si Houcine est enterré au PF3, les recherches doivent être faites. Nous ne sommes pas dans une démarche de vengeance ou de haine, mais notre but est de savoir ce qui s’est réellement passé », indique Alain Martini, avocat de la famille depuis 1975. « L’État marocain le doit à la famille El Manouzi », insiste-t-il. « Au-delà de sa propre personne, Houcine El Manouzi symbolise toute une période de répression dont les séquelles sont toujours présentes ».
3 QUESTIONS À …
Mustapha El Manouzi, frère de Houcine El Manouzi et avocat de la famille
Près d’une décennie après le début des travaux de l’IER, quel bilan pouvez-vous faire ?
En toute sincérité, le rapport de l’IER n’a pas changé grand chose dans l’affaire de Houcine El Manouzi. Les conclusions auxquelles a abouti l’instance sont les mêmes données que nous leur avions soumises. Et c’est justement parce que le travail de l’IER n’a mené à aucun avancement dans notre affaire que nous avons eu recours à la justice.
Quelles sont vos revendications aujourd’hui ?
Nous demandons à ce que le juge accélère la procédure et accepte de convoquer les témoins que nous suggérons. Ou de nous indiquer clairement son refus de résoudre l’affaire. Et dans ce cas-là nous aurons recours à la justice internationale.
Pourquoi ne pas avoir recours directement à la justice internationale, dans ce cas ?
Nous essayons d’utiliser tous les moyens dont nous disposons. Nous n’aurons recours à la justice internationale uniquement après avoir épuisé toutes les possibilités à l’échelle nationale. Nous sommes nationalistes et nous avons foi en notre pays.
-------------------------------------------------------------------------
El Manouzi : un mystère qui dure depuis quarante ans
«Il y a dix ans de cela, nous organisions un événement similaire en la mémoire de Houcine. A l’époque nous espérions que l’affaire serait résolue, mais nous revoilà encore, dix ans plus tard, sans que les conditions de disparition de Houcine El Manouzi ne soient élucidées », déclare un des frères du disparu, Rachid El Manouzi, lors d’une conférence de presse organisée à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition.
Cela fait quarante ans déjà que Houcine El Manouzi, syndicaliste et militant de l’UNFP, a été enlevé à Tunis. Houcine El Manouzi disparait le 29 octobre 1972 à son arrivée à l’aéroport de Tunis. Les derniers rebondissements dans l’affaire indiquent, selon des témoins, qu’il était détenu au Maroc et qu’il était encore vivant au 1er août 1975. D’anciens prisonniers du centre PF3 (Point Fixe Trois), ancien centre de détention secrète, avaient affirmé avoir vu Houcine El Manouzi au PF3. La famille apprend grâce à ces témoignages que Houcine El Manouzi a été kidnappé à l’aéroport de Tunis et transféré au Maroc où il a été emprisonné pendant au moins trois ans. Le dernier témoin à avoir vu Houcine El Manouzi serait un gardien du PF3 qui affirme que celui-ci y était « jusqu’au 1er août 1975 où il a été emmené par les forces spéciales de Dlimi ».
Selon le rapport de l’IER, le cas El Manouzi est l’un des neufs cas de disparition forcée non élucidés à ce jour. Mais, selon Rachid El Manouzi, les organisations de droits humains auraient dénombré quelques « soixante cas » non clarifés. Remarquant que les travaux de l’Instance Équité et Réconciliation (IER) n’apportent rien de nouveau dans l’affaire de Houcine, la famille Manouzi dépose une plainte pénale. Mustapha El Manouzi, frère du disparu, est également avocat de la famille. En février 2012, l’un des frères Bourequat, Midhat, ancien détenu du centre PF3, témoigne dans l’affaire de Houcine El Manouzi. Concernant ce témoignage, ne pouvant pas en divulguer les détails, Me El Manouzi précise tout de même que « Bourequat a confirmé l’enterrement de Houcine El Manouzi dans le périmètre du centre PF3 ». Mustapha El Manouzi a également déposé une requête en août dernier pour la convocation des généraux Housni Benslimane et Hamidou Laânigri en tant que témoins dans l’affaire. Selon Me Manouzi, le juge a refusé la requête considérant que « les témoins n’avaient pas de lien direct avec les événements ». « Le juge d’instruction veut que l’on accuse directement ces personnes pour leur implication dans ces événements, mais nous refusons cela. Nous soumettrons une nouvelle requête prochainement », précise-t-il. « Nous n’avons pas parié sur la justice pour connaître la vérité, mais pour briser le tabou… tout en restant dans la légalité », conclut Mustapha El Manouzi. Des rumeurs concernant la construction du siège de l’ambassade américaine sur le terrain du PF3 ont circulé dans la presse. Mustapha El Manouzi estime que la justice marocaine devrait enquêter à ce sujet et préserver cet endroit puisqu’il s’agit de la « preuve tangible » de la mort de Houcine El Manouzi. « Si Houcine est enterré au PF3, les recherches doivent être faites. Nous ne sommes pas dans une démarche de vengeance ou de haine, mais notre but est de savoir ce qui s’est réellement passé », indique Alain Martini, avocat de la famille depuis 1975. « L’État marocain le doit à la famille El Manouzi », insiste-t-il. « Au-delà de sa propre personne, Houcine El Manouzi symbolise toute une période de répression dont les séquelles sont toujours présentes ».
3 QUESTIONS À …
Mustapha El Manouzi, frère de Houcine El Manouzi et avocat de la famille
Près d’une décennie après le début des travaux de l’IER, quel bilan pouvez-vous faire ?
En toute sincérité, le rapport de l’IER n’a pas changé grand chose dans l’affaire de Houcine El Manouzi. Les conclusions auxquelles a abouti l’instance sont les mêmes données que nous leur avions soumises. Et c’est justement parce que le travail de l’IER n’a mené à aucun avancement dans notre affaire que nous avons eu recours à la justice.
Quelles sont vos revendications aujourd’hui ?
Nous demandons à ce que le juge accélère la procédure et accepte de convoquer les témoins que nous suggérons. Ou de nous indiquer clairement son refus de résoudre l’affaire. Et dans ce cas-là nous aurons recours à la justice internationale.
Pourquoi ne pas avoir recours directement à la justice internationale, dans ce cas ?
Nous essayons d’utiliser tous les moyens dont nous disposons. Nous n’aurons recours à la justice internationale uniquement après avoir épuisé toutes les possibilités à l’échelle nationale. Nous sommes nationalistes et nous avons foi en notre pays.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire