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jeudi 20 décembre 2012

L' OMCT appelle les autorités gouvernementales à s'assurer que le processus de réformes débouche sur l'abolition de la torture

Maroc : progrès significatifs au niveau législatif, efforts majeurs encore nécessaires dans l'application des principes consacrés dans les lois.

Rabat, le 14 décembre 2012 

Au terme d'une visite de six jours d'une délégation d’experts dans la lutte contre la torture à Rabat, l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) appelle les autorités gouvernementales à s'assurer que le processus de réformes débouche sur l'abolition de la torture et sur une pleine imputabilité. La délégation appelle les autorités à travailler avec la société civile pour s’assurer que les progrès accomplis dans la Constitution, la législation, les mécanismes des droits de l'homme, les plans d'action et les plans stratégiques se conjuguent avec des mesures visant à garantir la réussite de ces réformes. Pour la délégation, il est clair que le principal défi dans l'amélioration de la situation des droits de l’homme au Maroc consiste en la différence entre le rythme des réformes et celui de leur mise en œuvre. La lutte contre l’impunité doit en être la base.

La délégation de l'OMCT tient à exprimer sa reconnaissance pour le climat d’ouverture dans lequel les discussions avec les différentes autorités ont eu lieu à propos des réformes nécessaires pour mettre un terme à la pratique de la torture et des mauvais traitements. La délégation a rencontré le président de la Délégation interministérielle aux droits de l'homme (DIDH), le délégué général de l'administration pénitentiaire, ainsi que des représentants du Conseil national des droits de l'homme (CNDH), du Ministère de la justice et du Ministère de l'intérieur. 

L'OMCT reconnaît que des progrès ont été accomplis dans la protection des droits de l'homme dans le cadre de la Constitution de 2011, de la création de la DIDH, des mesures prises récemment pour ratifier trois protocoles facultatifs, dont le Protocole facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT) et est impatiente de voir ces processus menés à leur terme. La délégation est encouragée par le fait que le débat sur la création d'un mécanisme national de prévention se poursuit, ainsi les discussions sur la ratification du Statut de Rome instituant la Cour pénale internationale. La ratification du Statut de Rome représenterait un engagement décisif dans la lutte contre l'impunité.

L'OMCT soutient les discussions visant à faire progresser l'abolition de la peine capitale, et encourage fortement l'Etat à passer à l'étape logique suivante, après avoir décrété un moratoire en 1993 et avoir réduit le nombre de crimes passibles de la peine capitale de 41 à 9. L'abolition de la peine capitale représenterait un progrès notable, non seulement pour le Maroc, mais aussi pour toute la région, et refléterait la volonté de l'Etat de poser un nouveau jalon dans son bilan en matière de droits de l'homme. A cet égard, l’OMCT encourage vivement le gouvernement à voter pour l’abolition le 20 décembre à l’Assemblée Générale, car cela représente une étape logique après 20 ans de moratoire.

Les travaux ciblés menés des décennies durant par des ONG marocaines ont joué un rôle crucial dans l'évolution du bilan des droits de l'homme du Maroc et restent une condition essentielle à la poursuite des progrès. La délégation encourage l'Etat marocain à intensifier ses efforts pour collaborer avec la société civile, non seulement dans le développement de programmes d'action visant à traiter les violations des droits de l'homme, mais aussi en les impliquant dans le processus de mise en œuvre et en leur permettant d'en surveiller la progression.

Malheureusement, en dépit des garanties prévues par la Constitution et de nouveaux mécanismes créés afin de surveiller et de garantir le respect des droits de l'homme, la délégation a rencontré plusieurs communautés qui portent un regard critique sur l'action de l'Etat. Ces communautés ont fait part d'allégations sérieuses selon lesquelles la pratique de la torture et des mauvais traitements par la police et d'autres agents chargés de l'application de la loi se poursuivent et que l'impunité suite à des violations de ce type continue d’être la règle. Les informations reçues confirment les craintes sérieuses exprimées plus tôt cette année par le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.

L'OMCT invite les autorités à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour traiter ces allégations, pour fournir des réponses détaillées aux victimes et à leurs familles sur la base d'enquêtes efficaces et indépendantes, et pour octroyer des réparations appropriées lorsque des violations sont constatées.

Il est donc essentiel de s'assurer que le processus de réforme n'en reste pas au volet théorique, mais que les réformes atteignent bel et bien celles et ceux qui se trouvent dans une position leur permettant de violer les droits de l'homme, et qu’elles protègent les populations les plus vulnérables. Une attention particulière doit être portée à la surveillance rigoureuse des conditions dans les prisons, les commissariats et autres centres de détention, et des mesures doivent être prises afin de garantir l'indépendance du système judiciaire et la formation adéquate des fonctionnaires qui occupent des positions d'autorité, notamment à la Direction générale de la sureté nationale (DSGN). Il est tout aussi crucial de s'assurer qu'il existe une séparation claire entre les forces de l’ordre et les services de renseignements et que soit garantie une surveillance juridique et parlementaire efficace de la DSGN.

Contexte dans lequel s'inscrit la mission de l'OMCT:

La délégation était conduite par Dick Marty, vice-président de l'OMCT, ancien procureur général du canton du Tessin, membre du Conseil des Etats (Chambre haute du Parlement suisse) et ancien président de la Commission des questions juridiques et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe. Elle comptait également avec la participation de Belkis Wille, chargée des droits de l'homme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de l'OMCT. La mission a été entreprise en coopération avec des membres du réseau SOS-Torture, l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH) et l'Association marocaine des droits humains (AMDH).

La mission a été menée dans le contexte de l'examen par le Comité contre la torture du quatrième rapport périodique du Maroc les 1er et 2 novembre 2011 à Genève. L'OMCT a effectué une mission au Maroc en juillet 2011. Pendant cette visite, la délégation de l'OMCT a mené des recherches afin de présenter un rapport alternatif à l'intention du Comité. Ce rapport a été rédigé en collaboration avec le Comité marocain contre la torture et avec l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH). Le rapport a été soumis au Comité en novembre 2011, afin de présenter au Comité les perspectives des ONG en ce qui concerne l'application par le gouvernement de la Convention contre la torture.

La présente mission de suivi s'inscrit dans les efforts globaux déployés par l'OMCT, avec le soutien financier de l'Union européenne et de la Oak Foundation, afin de promouvoir la mise en œuvre des recommandations du Comité contre la torture des Nations Unies.

Pour de plus amples informations:

Belkis Wille à Tunis - bw@omct.org, tél: +216 22 194 49 39

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