Maroc : progrès significatifs au niveau législatif,
efforts majeurs encore nécessaires dans l'application des principes consacrés
dans les lois.
Rabat, le 14 décembre 2012
Au terme d'une
visite de six jours d'une délégation d’experts dans la lutte contre la torture
à Rabat, l'Organisation Mondiale Contre la Torture (OMCT) appelle les autorités
gouvernementales à s'assurer que le processus de réformes débouche sur
l'abolition de la torture et sur une pleine imputabilité. La délégation appelle
les autorités à travailler avec la société civile pour s’assurer que les
progrès accomplis dans la Constitution, la législation, les mécanismes des
droits de l'homme, les plans d'action et les plans stratégiques se conjuguent
avec des mesures visant à garantir la réussite de ces réformes. Pour la
délégation, il est clair que le principal défi dans l'amélioration de la
situation des droits de l’homme au Maroc consiste en la différence entre le
rythme des réformes et celui de leur mise en œuvre. La lutte contre l’impunité
doit en être la base.
La délégation de
l'OMCT tient à exprimer sa reconnaissance pour le climat d’ouverture dans
lequel les discussions avec les différentes autorités ont eu lieu à propos des
réformes nécessaires pour mettre un terme à la pratique de la torture et des
mauvais traitements. La délégation a rencontré le président de la Délégation
interministérielle aux droits de l'homme (DIDH), le délégué général de
l'administration pénitentiaire, ainsi que des représentants du Conseil national
des droits de l'homme (CNDH), du Ministère de la justice et du Ministère de
l'intérieur.
L'OMCT reconnaît que
des progrès ont été accomplis dans la protection des droits de l'homme dans le
cadre de la Constitution de 2011, de la création de la DIDH, des mesures prises
récemment pour ratifier trois protocoles facultatifs, dont le Protocole
facultatif à la Convention des Nations Unies contre la torture (OPCAT) et est
impatiente de voir ces processus menés à leur terme. La délégation est
encouragée par le fait que le débat sur la création d'un mécanisme national de
prévention se poursuit, ainsi les discussions sur la ratification du Statut de
Rome instituant la Cour pénale internationale. La ratification du Statut de
Rome représenterait un engagement décisif dans la lutte contre l'impunité.
L'OMCT soutient les
discussions visant à faire progresser l'abolition de la peine capitale, et
encourage fortement l'Etat à passer à l'étape logique suivante, après avoir
décrété un moratoire en 1993 et avoir réduit le nombre de crimes passibles de
la peine capitale de 41 à 9. L'abolition de la peine capitale représenterait un
progrès notable, non seulement pour le Maroc, mais aussi pour toute la région,
et refléterait la volonté de l'Etat de poser un nouveau jalon dans son bilan en
matière de droits de l'homme. A cet égard, l’OMCT encourage vivement le
gouvernement à voter pour l’abolition le 20 décembre à l’Assemblée Générale,
car cela représente une étape logique après 20 ans de moratoire.
Les travaux ciblés menés
des décennies durant par des ONG marocaines ont joué un rôle crucial dans
l'évolution du bilan des droits de l'homme du Maroc et restent une condition
essentielle à la poursuite des progrès. La délégation encourage l'Etat marocain
à intensifier ses efforts pour collaborer avec la société civile, non seulement
dans le développement de programmes d'action visant à traiter les violations
des droits de l'homme, mais aussi en les impliquant dans le processus de mise
en œuvre et en leur permettant d'en surveiller la progression.
Malheureusement, en
dépit des garanties prévues par la Constitution et de nouveaux mécanismes créés
afin de surveiller et de garantir le respect des droits de l'homme, la
délégation a rencontré plusieurs communautés qui portent un regard critique sur
l'action de l'Etat. Ces communautés ont fait part d'allégations sérieuses selon
lesquelles la pratique de la torture et des mauvais traitements par la police
et d'autres agents chargés de l'application de la loi se poursuivent et que l'impunité
suite à des violations de ce type continue d’être la règle. Les informations
reçues confirment les craintes sérieuses exprimées plus tôt cette année par le
Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.
L'OMCT invite les
autorités à faire tout ce qui est en leur pouvoir pour traiter ces allégations,
pour fournir des réponses détaillées aux victimes et à leurs familles sur la
base d'enquêtes efficaces et indépendantes, et pour octroyer des réparations
appropriées lorsque des violations sont constatées.
Il
est donc essentiel de s'assurer que le processus de réforme n'en reste pas au
volet théorique, mais que les réformes atteignent bel et bien celles et ceux
qui se trouvent dans une position leur permettant de violer les droits de
l'homme, et qu’elles protègent les populations les plus vulnérables. Une attention particulière doit être portée à la
surveillance rigoureuse des conditions dans les prisons, les commissariats et
autres centres de détention, et des mesures doivent être prises afin de
garantir l'indépendance du système judiciaire et la formation adéquate des
fonctionnaires qui occupent des positions d'autorité, notamment à la Direction générale de la sureté nationale (DSGN). Il est tout
aussi crucial de s'assurer qu'il existe une séparation claire entre les forces
de l’ordre et les services de renseignements et que soit garantie une
surveillance juridique et parlementaire efficace de la DSGN.
Contexte dans lequel s'inscrit la mission de l'OMCT:
La
délégation était conduite par Dick Marty, vice-président de l'OMCT, ancien procureur
général du canton du Tessin, membre du Conseil des Etats (Chambre haute du
Parlement suisse) et ancien président de la Commission des questions juridiques
et des droits de l'homme de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
Elle comptait également avec la participation de Belkis Wille, chargée des
droits de l'homme pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord de l'OMCT. La
mission a été entreprise en coopération avec des membres du réseau SOS-Torture,
l'Organisation marocaine des droits humains (OMDH) et l'Association marocaine
des droits humains (AMDH).
La mission a été menée dans le contexte de l'examen par le Comité contre la
torture du quatrième rapport périodique du Maroc les 1er et 2 novembre 2011 à Genève. L'OMCT a
effectué une mission au Maroc en juillet 2011. Pendant cette visite, la
délégation de l'OMCT a mené des recherches afin de présenter un rapport
alternatif à l'intention du Comité. Ce rapport a été rédigé en collaboration
avec le Comité marocain contre la torture et avec l'Organisation marocaine des
droits humains (OMDH). Le rapport a été soumis au Comité en novembre 2011, afin
de présenter au Comité les perspectives des ONG en ce qui concerne
l'application par le gouvernement de la Convention contre la torture.
La
présente mission de suivi s'inscrit dans les efforts globaux déployés par
l'OMCT, avec le soutien financier de l'Union européenne et de la Oak
Foundation, afin de promouvoir la mise en œuvre des recommandations du Comité
contre la torture des Nations Unies.
Pour de plus amples informations:
Belkis
Wille à Tunis - bw@omct.org,
tél: +216 22 194 49 39
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