Il
est clair que les pigeons qui se trouvent devant le parlement ne sont
pas là par pur hasard. Ils sont là pour qu’on puisse avoir une image
simplifiée sur ce qui se passe à l’intérieur de ce bâtiment et afin de
nous simplifier la carte politique marocaine pour qu’on sache que les
partis politiques ne se battent que pour les quelques miettes tombées du
haut de la table du Makhzen, tout comme les quelques miettes de pains
tombées de la main d’un enfant, laissant ainsi les pigeons s’entretuer
pour les avoir.
La démocratie n’est pas juste un slogan politique, c’est surtout un
processus de développement politique, économique, culturel, social … et
une économie forte dans un pays non démocratique ne peut être qu’une
bombe à retardement. Je citerai à titre d’exemple la Tunisie à l’époque
Benali, où cette dernière réalisait le taux de croissance le plus élevé
de la région, dépassant ainsi les 5 à 6%, mais cela n’a pas été
suffisant pour calmer la rage du peuple tunisien. L’Iran à l’époque du
Chah, vers la fin des années 70, réalisait un taux de croissance de 10%,
mais cela était insuffisant aussi pour le peuple iranien. Pourquoi ?
Tout simplement, parce qu’en économie, il ne suffit pas de produire de
la richesse, mais le plus important c’est de savoir la distribuer. Car
s’il y a une politique de création de richesse et pas de politique de
redistribution de cette dernière, cela ne fait que créer plus d’écart
entre les classes sociales, où les riches s’enrichissent et les pauvres
s’appauvrissent.
C’est pourquoi Najib Akesbi avait déclaré lors d’une conférence que « L’avenir de l’économie marocaine sera démocratique ou ne sera pas », car
il est difficile voire impossible, dans un pays non démocratique, de
redistribuer la richesse créée, de demander des comptes à ceux qui
gouvernent et de pourvoir contrôler et évaluer les politiques
économiques du pays.
Au Maroc, après la vague de protestation qu’a connu le pays, les
attentes étaient grandioses et le peuple marocain avait soif de
changement et de démocratie. Répondant aux manifestants, l’Etat parlait
d’une « nouvelle ère » avec une nouvelle constitution et un nouveau
gouvernement. Certes, au niveau de la forme, nous avons eu les deux,
mais concrètement …. Walou !! Nous sommes toujours dans l’incapacité
d’exiger des comptes à ceux qui nous gouvernent, il est difficile de
dire que le pays redistribue la richesse de façon équitable et encore
moins de pouvoir contrôler et évaluer ses politiques économiques.
En ce qui concerne le premier point lié à la corrélation entre la
responsabilité et la reddition des comptes, il est important de revenir
à la constitution marocaine et d’analyser certains articles :
- Article 46 : La personne du Roi est inviolable (Qui ne doit pas être enfreint, à l’abri de toute poursuite), et respect Lui est dû.
- Article 48 : Le Roi préside le Conseil des ministres composé du Chef du Gouvernement et des ministres.
- Article 49 : Le Conseil des ministres délibère :
- des orientations stratégiques de la politique de l’État (visions économiques et sociales à long terme).
- des orientations générales du projet de loi de finances.
Je ne vais rien dire, je ne vais pas commenter, c’est assez clair, à
vous de faire le lien entre ces 3 articles et savoir si nous pouvons ou
pas demander des comptes au conseil des ministres qui est chargé de
tracer les principales orientations du pays.
Toujours en ce qui concerne la reddition des comptes et en dehors de
la constitution, l’exemple le plus représentatif est ce lui du projet TGV Tanger-Casa
qui demandera au Maroc 25 milliards de Dh. Sans parler du financement,
la façon dont ce projet fut imposé aux Marocains sans demander leur avis
ni aux députés censés les représenter, cela me pousse à me demander à
quoi bon avoir un parlement, des élections, un gouvernement, si un tel
projet d’une telle importance, n’a pas été au cœur des débats
parlementaires. Dans un pays où une seule personne prend une décision
qui concerne 35 millions de citoyens, on ne peut parler de démocratie
pour la simple raison que cela vient en contradiction avec toutes les
définitions imaginables de cette dernière.
Autre exemple est celui du budget du palais qui reste sujet tabou au
sein du parlement. Je ne demande pas aux parlementaires de le critiquer,
mais juste en discuter, de dire s’il faut le réduire ou l’augmenter
(pourquoi pas) en avançant des arguments, en le comparant avec le budget des autres monarchies dans le monde, se positionner au moins quelque part. Ce n’est pas un manque de respect d’en débattre !!
En ce qui concerne la répartition des richesses, il faut savoir que
le Maroc en terme d’indice de Gini qui mesure le degré d’inégalité de la
distribution des revenus dans une société donnée est classé 130 sur 194
pays. En terme fiscale, il faut savoir que ce ne sont que les classes
pauvres et moyennes et les Petites et Moyennes Entreprises qui payent
leurs impôts, tandis que la classe riche et les grandes entreprises sont
exonérés et vivent dans l’impunité totale. Sans parler des subventions,
ou 13% de la population qui représente la classe riche profite de 42%
des subventions, tandis que la classe pauvre qui est de 34% ne bénéficie
que de 7%. Cela ne pourra que créer et renforcer les inégalités et les
écarts existants entre les couches sociales, car sans une véritable
politique de redistribution de la richesse, la justice sociale ne
restera qu’un simple rêve parmi d’autres.
La principale question à laquelle nous devons répondre aujourd’hui
est : Pourquoi Benkirane répond toujours aux journalistes qu’il n’est
qu’un simple chef du gouvernement ? Qui est responsable de quoi ? A qui
devrons-nous exiger des comptes ? Quand nos très chers politiciens nous
cassent les oreilles avec leur discours de nouvelle ère de changement,
de corréler entre la responsabilité et la reddition des comptes, de
parler de justice sociale …. Ceci ne reste que des slogans politiques
jusqu’à présent. Et je pense que le jour où nous aurons les réponses à
ces questions là, le jour où nous saurons qui est responsable de quoi,
le jour où nous pourrons contrôler, évaluer et critiquer ouvertement les
politiques de l’Etat, sera le jour ou les pigeons auront terminer leur
mission et pourront quitter leur place devant le parlement. Histoire à
suivre …
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire